Expo Branquinho à Anvers

Veronique Branquinho fête ses dix ans de carrière avec une exposition à Anvers.

A l’occasion de ses dix ans de carrière, Veronique Branquinho investit les salles du Musée de la mode d’Anvers. En prélude à cette expo flash-back, la styliste belge a laissé Weekend s’aventurer dans les méandres de son univers ambigu.

Veronique Branquinho s’invite au Musée de la mode d’Anvers. Du 12 mars au 17 août prochains, le MoMu nous plongera en effet dans le monde secret de la créatrice. Le titre de l’expo est éloquent: « Moi, Veronique Branquinho, TOuTe NUe ». « Quand on m’a proposé ce projet, j’ai été très flattée et en même temps un peu inquiète, car au début, le musée voulait le mot rétrospective dans le titre de l’expo, se souvient la styliste. Je n’aime pas ce mot. On en a alors trouvé un autre qui évoque à la fois le dévoilement – en français, « toute nue » – et le caractère « en cours » de ma carrière – en flamand « tot nu », jusqu’à présent. Ça me convient mieux car je vois cette exposition comme la fin du premier chapitre d’un livre qui reste à découvrir. »

Une sorte de rétrospective anthume donc, dont la scénographie et le concept ont été imaginés par Veronique Branquinho elle-même et le collectif Blitz – l’écrivain Oscar Van den Boogaard, l’acteur Steven Van Watermeulen et l’architecte Sven Grooten. A quoi peut-on s’attendre ? « Comme dans le A Magazine, je proposerai au public de découvrir l’imaginaire qui nourrit mes collections. Mais dans une approche plus large, moins intime. Dans le A, on croisait surtout des gens très proches de moi. Ici, je présenterai mes sources d’inspiration culturelles à un niveau plus large avec, par exemple, une installation mettant en relation un tableau de Cranach l’ancien avec une oeuvre de l’artiste contemporain John Currin. Je veux que ce soit un parcours ponctué de multiples surprises. J’ai donc choisi de cloisonner la grande salle du musée en une série de petits espaces qui dégageront chacun une émotion propre. »

Pour Weekend, Veronique Branquinho se prête au jeu d’une interview « double », avec une série de thèmes mis en opposition.

Domptée et sauvage
« C’est une jolie métaphore de mon travail. J’aime qu’on prenne le temps de découvrir mes collections. D’emblée, elles peuvent paraître classiques mais au fur et à mesure qu’on les observe, on découvre qu’elles ne pas si conventionnelles. J’adore les tissus traditionnels de très grande qualité mais je n’hésite pas à les « casser » en jouant avec les détails et des proportions twistées. Le jeu en général est très important pour moi. »

Elle et lui
« Créer une collection pour l’homme ou pour la femme est très différent. Quand je crée pour la femme, ça vient du ventre, c’est instinctif. Je ne travaille pas avec une idée arrêtée de la femme idéale. C’est l’esprit qui compte avant l’âge ou le corps. Celles qui aiment mes collections ont envie d’écouter les histoires que je raconte à travers mes vêtements, d’en saisir les références. Quand je crée pour l’homme, c’est très différent. C’est un travail plus distancé. Je prends des mecs que j’aime comme référence : j’imagine un costume pour Gainsbourg ou Dutronc ou même pour un quidam qui m’attire dans la rue. Je crée pour l’homme que j’aime, un homme pas trop narcissique, pour qui la mode n’est pas la chose la plus importante au monde. Je ne crée pas pour les fashionistos. Je sais que ce n’est pas très commercial de dire ça pour une créatrice de mode, mais c’est comme ça. »

Secrète et dévoilée
« J’ai l’habitude d’être très discrète. Auprès des journalistes, j’ai cette réputation d’être secrète, de ne pas aimer qu’on me prenne en photo. Ce qui m’importe avant tout c’est de parler de mon travail et pas des gens avec qui je sors ou mes endroits préférés. La mode est mon médium, comme la toile l’est pour un peintre et le livre pour un écrivain. Jusqu’au A Magazine, je ne m’étais jamais autant dévoilée. J’ai franchi le pas parce que dix ans, c’est un cycle qui prend fin. J’ai envie de me renouveler créativement. C’était le moment ou jamais de prendre du recul. Certaines étiquettes me collent au dos depuis le début : les références à David Lynch, les blouses de gouvernantes… Je ne fais plus ça et la presse continue d’en parler. J’ai envie de passer à autre chose. »

Hype et antihype
« Je n’ai jamais créé en pensant « hype ». Au début de ma carrière, on m’a trouvé très hype. Le pouvoir des médias est énorme. Ils cassent la hype comme ils la créent. Le rythme de la mode est ce qu’il est, je dois me renouveler chaque saison et c’est un challenge que j’aime. Mais certains de mes vêtements sont conçus comme des sculptures intemporelles. Ils transcendent les saisons. Parfois, ça m’énerve qu’on décide que parce que la saison est finie, c’est out. Chez moi, en tout cas, ça ne fonctionne pas comme ça. »

Enfant et adulte
« J’adore les contes de fées. Ce sont des mondes parallèles au monde réaliste mais ils partagent beaucoup de similarités. C’est juste une manière plus jolie de voir les choses. A côté de ça, j’ai un côté très pragmatique qui veut tout contrôler. Je dois parfois apprendre à lâcher prise pour garder le côté spontané de l’enfance. On apprend à être adulte en protégeant l’enfant qui est en soi. Je sais que c’est un grand luxe. »

Forte et fragile
« C’est très fort d’être fragile aujourd’hui… Je suis vulnérable, comme tout le monde. Ce n’est pas évident de le montrer. L’exposition « Moi, Veronique Branquinho TOuTe NUe » est une sorte de défi aussi. Comme les défilés. Quand on montre sa collection on se met à nu. On dévoile son intérieur, son moi intime, pour être jugée. »

Baudouin Galler

Exposition « Moi, Veronique Branquinho, TOuTe NUe », du 12 mars au 17 août 2008 au Musée de la mode d’Anvers (MoMu), Nationalestraat 28, 2000 Antwerp. Tél.: 03 470 27 70. www.momu.be


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