Le droit d’auteur du secteur textile redéfinit par la justice américaine

Membres du Varsity All-American Cheerleaders et Dancers © Reuters

Un costume de pom-pom girl peut être protégé par un droit d’auteur, a tranché mercredi la Cour suprême des Etats-Unis, une décision critiquée par certains comme limitant la liberté créatrice dans les milieux de la mode et des déguisements.

L’arrêt a été rendu à la majorité de six juges contre deux, dans une opposition inhabituelle mêlant les conservateurs et progressistes de la haute juridiction.

Même si l’affaire peut sembler anecdotique, elle est porteuse d’importantes conséquences économiques dans le secteur textile, certains s’inquiétant d’une généralisation des brevets dans les garde-robes.

Les sages de la Cour suprême ont donné raison à Varsity, premier fabricant mondial de vêtements de pom-pom girls, qui reprochait à son modeste rival Star Athletica d’avoir copié certains de ses motifs.

Cousines des majorettes, les pom-pom girls encouragent les équipes sportives aux Etats-Unis. Associées au football américain et au basket-ball, elles enfièvrent les campus depuis plus de 120 ans.

Selon la loi fédérale, un design peut être protégé légalement si on peut le dissocier de la fonction utilitaire de l’objet auquel il est attaché.

En l’espèce, Varsity assurait que les motifs à chevrons sur ses maillots et jupettes étaient une création conceptuelle séparable de la fonction de l’uniforme, que l’on pouvait donc protéger par un brevet. Star Athletica maintenait le contraire. Cette question originale de copyright avait été examinée à la Cour suprême le 31 octobre, le jour d’Halloween, une drôle de coïncidence pour parler panoplies et déguisements.

Utile ou esthétique ?

Les huit sages avaient exploré les frontières entre esthétique et utilité, évoquant aussi bien le rôle de camouflage d’un treillis militaire que les dessins amincissants de certaines jupes féminines.

Près de six mois plus tard, ils concluent qu’un article utile, en l’espèce un costume de pom-pom girl, a droit à une protection légale « si ce motif peut être perçu comme un travail artistique en deux ou trois dimensions séparable de l’article utile ».

Cette décision suscitait mercredi des réactions contradictoires selon l’angle sous lequel elle était examinée. « C’est une victoire majeure pour l’industrie de la mode, qui depuis un demi-siècle se fonde sur la protection des imprimés sur les tissus et les autres designs de surface, et peut continuer à compter là-dessus », s’est félicitée Susan Scafidi, fondatrice du Fashion Law Institute à l’université de Fordham, qui a conseillé Varsity dans cette bataille judiciaire.

A l’opposé, l’arrêt de mercredi est un revers pour les adeptes du « cosplay » -les jeux de costumes- qui aiment se déguiser en personnages empruntant leurs accessoires aux mangas, jeux vidéo et autres univers.

Chaussures de Van Gogh

En confectionnant leurs panoplies, les cosplayers (ou « costumédiens ») utilisent souvent des éléments protégés légalement: uniformes, insignes militaires, logos, etc. Ils redoutent que la décision de la Cour suprême réduise leur liberté. « Nous sommes inquiets qu’un jugement de cette ampleur étouffe la créativité et entrave le cosplay, et nous espérons que dans l’avenir la Cour en limitera la portée », a affirmé à l’AFP Matthew Parker, l’avocat de l’association The Royal Manticoran Navy (TRMN).

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Ce terme, connu en français sous l’appellation « Flotte royale manticorienne », désigne la marine spatiale fictive dans l’Honorverse, série romanesque de science-fiction écrite par David Weber.

Cette confrérie déjantée rend hommage à l’héroïne Honor Harrington. Leurs membres, organisés de façon hiérarchique, se réunissent vêtus d’uniformes inspirés de la marine.

Dans une opinion de désaccord, le juge Stephen Breyer a joint une photo d’une banale pelle à déneiger à laquelle l’artiste Marchel Duchamp avait accordé le statut d’oeuvre, ainsi qu’un autre cliché de souliers peints par Van Gogh. « Varsity ne devrait pas obtenir de droit d’auteur qui lui permettrait d’interdire à autrui de confectionner ces costumes utiles, pas plus que Van Gogh ne peut obtenir de droit d’auteur sur des vieilles chaussures confortables qu’il a peintes de façon ressemblante », a-t-il soutenu.

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