Le low tech, premier pas vers le sevrage numérique

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Facebook et Twitter ne sont pas les bienvenus sur les appareils low-tech. Premier pas au sevrage numérique, ces anti-smartphones effectuent une percée discrète mais bien réelle.

Au commencement était le GSM. Puis vint le smartphone, omniscient. Tout puissant ? Pas forcément. Depuis plusieurs années, une poignée de constructeurs rebrousse ainsi chemin et aligne des téléphones dits low-tech. On ne parle pas (encore ?) de déluge. Mais ces appareils loués par Rihanna, Scarlett Johansson ou même Iggy Pop ont encore de beaux jours devant eux.

Point commun : un profil technique ascétique qui tourne le dos aux Wi-Fi, réseaux sociaux et appareils photo. « Old is gold », affirme l’adage anglo-saxon. Face à une vie privée érodée, des applis inutilement chronophages et des batteries qui ne tiennent qu’un jour, ces nouveaux accessoires avancent de solides arguments.

Le MP01 de Punkt, une création low-tech du designer britannique Jasper Morrison.
Le MP01 de Punkt, une création low-tech du designer britannique Jasper Morrison.© SDP

Le récent MP01 de Punkt. embrasse cette philosophie. Attendu pour la Noël, ce barphone affiche un écran monochrome en haute résolution logé dans un boîtier minimaliste signé Jasper Morrison. Le designer britannique, qui faisait l’objet d’une rétrospective au Grand-Hornu l’été dernier, opte pour une élégante coque arrière, moulée en une seule pièce biseautée. Toujours incliné lorsqu’il est posé à plat sur une table, l’appareil se couvre d’une peinture haute résistance habituellement appliquée sur des appareils photo. Le MP01 met également la parole à l’honneur puisqu’il supprime les bruits parasites des conversations.

L'AE+Y Phone d'Aesir, un objet proche du milieu de la joaillerie.
L’AE+Y Phone d’Aesir, un objet proche du milieu de la joaillerie.© SDP

Un simple anachronisme ? Pas vraiment. Pour preuve, le géant de l’e-commerce Amazon ouvrait ce mois-ci sa première librairie physique à Seattle. Et, plus tôt dans l’année, la chaîne de bookshops Waterstones voyait les ventes de ses livres redécoller. Depuis son rachat par une entreprise néerlandaise, la société Polaroid ne parvient quant à elle plus à répondre à la demande pour ses films, celle-ci ayant explosé de 60 % l’an passé. Egalement auréolée du retour du vinyle, la vague low-tech prend donc de l’ampleur. Le mouvement qui prône des techniques simples, souvent économiques et populaires s’était déjà illustré il y a quelques années avec l’initiative One Laptop per Child. Ce PC portable ultrabasique, destiné à des enfants du tiers-monde, avait été dessiné par Yves Béhar.

Le designer suisse appliquait ensuite cette recette du « Less is more » à un tout autre niveau avec l’AE+Y Phone qu’il signait pour Aesir en 2011. Toujours en vente, ce modèle originaire de Copenhague se pare d’un minuscule écran de 5 cm de diagonale – pas de prétention Web bien entendu… Mais ce joujou aux airs de retour aux sources présente des propriétés proches du milieu de la joaillerie. Son clavier ressemble ainsi aux mailles métalliques d’un bracelet de montre puisque aucune de ses touches n’est alignée. Les boutons polis à la main dialoguent ici avec de l’or et de la céramique. Seule concession à la modernité de cet engin aux sensations tactiles autres que celles d’un touchscreen : une connexion Bluetooth et une emphase mise sur ses prestations acoustiques.

SEVRAGE EN DOUCEUR

Le Light Phone, pensé comme complément à l'iPhone ou l'androphone.
Le Light Phone, pensé comme complément à l’iPhone ou l’androphone.© SDP

Moins radical que le MP01 de Punkt. et l’AE+Y Phone d’Aesir, le Light Phone prône la pause numérique, tout en admettant qu’on ne peut pas totalement ignorer le dieu smartphone. Joe Hollier et Kaiwei Tang, le duo new-yorkais derrière ce projet attendu en juin 2016, l’a en effet pensé comme un complément à l’iPhone ou son androphone. Le terminal – de la taille d’une carte de crédit – propose ainsi de laisser son compagnon électronique habituel à la maison pour qu’il lui renvoie automatiquement ses appels. Cet auxiliaire téléphonique demandait 180 000 euros de financement sur Kickstarter il y a quelques mois. Mais il a finalement été backé à 385 232 euros par 3187 supporters. Des enthousiastes qui comptent peut-être dans leurs rangs des nomophobes à la recherche d’une méthode douce de désintoxication… Car depuis que le smartphone est roi, une population souffrant de « no mobile-phone phobia » serait en train de grandir. Pointé par le Scientific American, le phénomène touche par exemple des personnes qui, privées de leur accessoire connecté préféré, seraient prises de panique à l’idée de ne pas trouver leur chemin ou la réponse à une question (lors d’une banale conversation). Une foule d’autres effets collatéraux parmi lesquels la ringxiety (l’anxiété provoquée par des vibrations ou des sonneries imaginaires) illustrent l’attachement excessif au numérique. Si bien que ces nouvelles pathologies réjouissent certains hôtels qui organisent des séjours de détox… aux effets discutables.

Le John's Phone se contente de neuf mémoires et d'un calepin d'adresses... planqué au dos de l'appareil.
Le John’s Phone se contente de neuf mémoires et d’un calepin d’adresses… planqué au dos de l’appareil.© SDP

Cette dépendance serait d’ailleurs un phénomène largement exagéré selon Melissa Jayne Kinsey. Sur le marché mobile, aucun modèle low-tech n’avance (encore ?) des arguments santé face à ce que cette journaliste médicale juge comme un faux phénomène dans un dossier publié sur Slate.fr.

Meilleure thérapie en place, celle du John’s Phone, qui ne se prend pas au sérieux. Ne proposant que neuf mémoires, la briquette a le bon goût de se compléter d’un carnet d’adresses sous la forme… d’un calepin planqué au dos. Un jeu vidéo à la Snake ? Oui, mais un morpion à compléter sur une des pages du livret.

PAR MICHI-HIRO TAMAÏ

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