Les bijoux de Waris Ahluwalia

L’acteur sikh Waris Ahluwalia signe désormais des collections de bijoux.

Avec son turban et sa barbe un peu folle, le sikh le plus chic de New York ne passe pas inaperçu. A l’affiche du dernier opus de Wes Anderson, A bord du Darjeeling Limited, il signe désormais des collections de bijoux. Des créations multifacettes… tout comme lui. Weekend l’a rencontré à New York.

« Nous marchons tous dans des souliers différents », clame la nouvelle campagne publicitaire de la marque de prêt-à-porter américaine Kenneth Cole… qui montre, parmi ses « marcheurs », un Sikh. Si le turban et la barbe sont devenus à la mode sur le pavé new-yorkais, nous le devons à une seule et unique personne: Waris Ahluwalia. Il arrive au rendez-vous fixé dans le West Village sous une fine pluie, le capuchon de son pardessus relevé sur sa tête, lui cachant mystérieusement la moitié du visage. Il colle alors son nez à la vitre du restaurant Sant Ambroeus, décochant un large sourire amusé en identifiant son interlocutrice. A 33 ans, cet Américain d’origine indienne, débarqué aux Etats-Unis à l’âge de 5 ans, goûte à la célébrité sans vraiment savoir pourquoi, et considère son propre succès avec surprise et candeur.

Devenu acteur sans le demander, Waris Ahluwalia est actuellement à l’affiche de A bord du Darjeeling Limited, du réalisateur américain Wes Anderson, qui lui avait donné son premier rôle dans La vie aquatique, en 2005. En 2006, le jeune New-Yorkais est contacté par Spike Lee pour apparaître dans son thriller Inside Man, aux côtés de grosses pointures comme Denzel Washington, Jody Foster et Willem Dafoe. Poursuivant sur sa lancée, il apparaîtra dans une comédie du jeune réalisateur Jordan Galland, Rosencrantz and Guildenstern Are Undead, en postproduction actuellement, avec notamment Jake Hoffman (le fils de Dustin) et la collaboration de Sean Lennon.

La personnalité de Waris Ahluwalia est aussi surprenante, riche, complexe et à multiples facettes que les collections de bijoux qu’il signe désormais d’un nom très idiosyncrasique « House of Waris ». Façonnées en Inde et en Italie, ses créations haut de gamme issue de son univers singulier sont vendues uniquement dans quelques points de vente exclusifs : Colette à Paris, Bergdorf Goodman à New York, Maxfield à Los Angeles, Browns and Dover Street Market à Londres, Loveless à Tokyo et On Pedder à Hong Kong.

Ses apparitions remarquées aux premiers rangs des défilés de mode ou dans les soirées VIP aux quatre coins du globe font que Waris Ahluwalia a été étiqueté malgré lui « socialite » (mondain) ou « fashionista ». Or, ce personnage à part est avant tout un homme d’instinct, proche et accessible, aux antipodes de la superficialité. Son sourire franc et spontané, sa candeur, et la chaleur humaine qu’il dégage, expliquent sans doute pour beaucoup sa réussite.

Quel est votre rôle dans A bord du Darjeeling Limited, actuellement sur les écrans?
Tout le film se passe dans un train. Pendant le voyage, il arrive toutes sortes d’aventures aux trois protagonistes. Je joue le chef du convoi. Nous avons tourné dans un vrai train en mouvement, sur de vrais rails. Wes Anderson refusait de simuler : il voulait filmer à la vitesse de la rame. Il n’y avait pas de plateau, pas de maquilleur ou de coiffeur. L’équipe du tournage comprenait trois personnes et les acteurs. Nous partions toute la journée, et il fallait parfois aiguiller notre train sur une autre voie, pour laisser passer d’autres convois de marchandises ou militaires.

Les conditions étaient éprouvantes. Or, vous n’avez pas de formation d’acteur…
En effet. A chaque fois que je fais un film, c’est un nouveau défi pour moi. Je me forme sur le tas, ce qui est d’ailleurs ma façon préférée d’apprendre. Ce qui m’est demandé est de plus en plus dense. La première fois, en 2003, Wes Anderson m’a tout simplement demandé: « Que fais-tu dans les six prochains mois ? ». J’ai lu le script de La Vie aquatique, mais je n’ai pas eu besoin de passer d’audition. Si un réalisateur comme Wes Anderson, dont je respecte et admire le travail, prend une telle décision et est suffisamment sûr de lui pour m’inviter à le suivre, pourquoi mettrais-je ses propos en doute ?

Et comment s’est passée votre rencontre avec Spike Lee?
J’ai rencontré Spike Lee, en 2005, via des amis communs. Il m’a proposé un rôle dans Inside Man. Si je n’avais pas fait ce film, je serais sûrement allé en Inde pour travailler à ma ligne de bijoux. Mais les choses se sont présentées autrement. Il n’y a pas de plan anticipatif dans ce que j’entreprends. Une situation en entraîne une autre. Et j’aime suivre mon inspiration, c’est mon problème!

Votre idée de ligne de bijoux est-elle née par hasard?
Je n’ai pas grandi en me disant que je voulais créer des bijoux. L’idée est née comme toutes les autres. J’ai fait confiance à mon feeling. Je crois que l’univers vous parle et vous explique des choses. C’est à vous de l’écouter et de le suivre. Enfin, c’est ce que je crois !

Dans quelles conditions avez-vous débuté vos collections?
C’était en hiver et il faisait froid à New York. C’était après le 11 septembre 2001. J’ai dessiné pour moi une bague sertie de 14 diamants. C’était un pied-de-nez… Faisant du shopping chez Maxfield, un de leurs acheteurs a remarqué ma bague. Il m’a proposé de collaborer avec ce grand magasin. Mes premières pièces ont été bien accueillies par la presse. Ll’affaire était ainsi lancée ! Je ne refuse jamais une nouvelle expérience. Je suis ouvert à tout, car au bout du compte, ce qu’il vous reste, ce sont les souvenirs et les expériences vécues!

Où sont fabriqués vos bijoux ?
En Inde et en Italie. Je travaille avec des artisans de tous les coins de l’Inde. Je les rencontre directement, leur parle du projet et m’assieds avec eux. Je disparais parfois de New York pendant six mois. Mon univers est très étrange. Un jour, je suis en Inde où je travaille avec les artisans, je me promène dans les rues de Jaipur encombrées de rickshaws (tricycles) et de vaches… et le lendemain, je suis installé au premier rang des défilés de mode à New York, comme en février dernier! J’en rigole tout le temps, car je ne sais pas pourquoi cela m’arrive! Mais c’est très amusant. Même si je prends mes activités très au sérieux et que je m’y consacre entièrement, cela fait du bien de rire aussi!

Vous connaissez beaucoup de monde. Cela vous a-t-il aidé à promouvoir votre ligne?
Je ne sais pas. Ce que je sais en revanche, c’est que j’aime ce que je fais. Mais je n’ai pas de plans stratégiques pour établir des relations. J’aide mes amis et mes amis m’aident, je crois que c’est normal.

Etes-vous un « socialite » ?
Je ne crois pas. Je me considère sociable, mais pas « socialite » !

Voyagez-vous beaucoup en ce moment ?
Oui, je reviens de Tokyo où j’avais été invité à une fête organisée en mon honneur par le magazine Jalouse. Mais il y avait aussi une autre raison à mon déplacement. J’ai lancé en effet un nouveau projet au Japon et je voulais marquer mon intérêt en y allant en personne. Je voulais rencontrer les gens avec qui je vais travailler, c’est très important pour moi.

Dans la vie, quels sont vos moments privilégiés ?
Quand j’ai enfin le temps de voir mes amis et de me « poser ». Mais aussi les moments passés à sourire à la vie, à me réjouir et à me sentir chanceux et béni dans ce que je fais !

Le personnage que vous campez dans Inside Man se voit confronté au racisme, au délit de faciès. Cela vous arrive-t-il aussi ?
Tout le temps. Comme par hasard, je suis systématiquement soumis aux fouilles dans les aéroports. C’est la façon dont marche ce monde aujourd’hui. Les gens sont inquiets face à ce qu’ils ne connaissent pas. Je ne peux rien y changer.

Vous sentez-vous différent?
Oui, car je ne peux pas me dissimuler. Il n’y a aucun endroit au monde où je ne puis vraiment me fondre dans le décor, ne fût-ce qu’en apparence.

Vous êtes un sikh pratiquant?
Oui. La vérité, la foi et le respect des autres sont importants pour moi. Le turban que je porte n’est qu’un signe extérieur de ce que je crois au plus profond de moi-même.

Quels sont vos futurs projets ?
Je n’en sais rien, et j’aime autant ne pas savoir. Je préfère en avoir la surprise!

Propos recueillis par Elodie Perrodil

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