Portrait de Giuseppe Virgone, couturier fabulateur

© FRÉDÉRIC RAEVENS
Isabelle Willot

A 37 ans, le créateur bruxellois imagine une mode urbaine, nourrie de références à la mythologie. Cette saison, il fait son entrée chez Stijl, avec une sélection de pièces présentées en janvier dernier, à Paris.

Il n’y a pas d’âge pour se raconter des histoires, et celles que Giuseppe Virgone prend plaisir à s’inventer depuis plusieurs années n’ont rien du conte de fées. A 37 ans, le jeune Bruxellois aime semer le trouble avec ses collections, bousculer dans leurs certitudes les témoins de ses shows. Avec toujours, en toile de fond, la même envie : habiller les héros des fables fantastiques qui agitent son imagination. Au fil des saisons, elles l’ont emporté, par mood board interposé, des flammes du bûcher des vanités de Savonarole aux glaces éternelles de Iakoutsk, en Sibérie. Des biotopes hostiles, chacun à sa manière, dont les habits protègent même lorsqu’ils enserrent et tyrannisent les corps.  » Créer des vêtements, c’est très vite devenu pour moi une manière de faire exister mes personnages dans la vraie vie, justifie ce passionné de chimères et de mythologie. Grâce aux gens qui les portent et se les approprient.  » Une fois terminées, ces pièces, dit-il,  » ne lui appartiennent plus « , c’est sans doute pour cela qu’il a pris le parti de barrer son nom sur l’étiquette, à peine fixée sur le col par quelques points discrets.

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Passé sur les bancs de La Cambre, il n’en suivra pas le cursus officiel mais ne quittera jamais complètement l’ombre de l’école. Après des stages à Paris, il devient l’assistant d’étudiants cambriens, travaille à leurs côtés en coulisses, les accompagne lors des jurys. Une sorte de cursus off, dont il retirera expertise et contacts précieux. Grâce à l’appui de Didier Vervaeren, directeur du master Accessoires, il entre chez Natan Couture, en 2014, pour y créer des bijoux brodés. Des pièces uniques dont il assure lui-même la fabrication.  » Plus que tout, j’adore manipuler les matières, les toucher, les transformer « , détaille-t-il. Pour ses collections Homme, nul besoin de croquis : c’est directement sur modèle – le photographe Antoine Grenez et le graphiste plasticien Zéphir Moreels lui servent de muses depuis trois saisons – qu’il joue les illusionnistes. Entre ses mains, la fourrure se plastifie, une veste d’été se pare de manches matelassées qu’il suffit de déclipser pour voir apparaître un tout autre vêtement. Cet automne, grâce au défilé organisé à Paris dans l’hôtel particulier de la Délégation générale Wallonie-Bruxelles, il proposera une première série de pièces chez Stijl Men – celles qui n’ont pas été choisies seront disponibles en ligne -, juxtaposant ainsi son univers à celui d’autres créateurs.  » C’est comme un rêve qui se réalise, se réjouit-il. La sélection de la boutique est extraordinaire. La force d’un concept store comme celui-là, c’est de permettre aux gens de se détacher de l’image véhiculée lors des défilés. De prendre les vêtements en main, de les essayer surtout, de se forger leur propre identité en associant les créations de plusieurs marques.  »

Tout le long d’un mur de l’appartement qui lui sert d’atelier, il a installé un grand portant noir. Chaque pièce, une fois finalisée, rejoint la précédente, dans une scénographie parfaitement étudiée.  » Souvent, la première vision que l’on a d’un vêtement lorsque l’on passe la porte d’une boutique, c’est ce qui apparaît, sur le côté, lorsqu’il est placé sur cintre, pointe-t-il. J’essaye de faire en sorte qu’il y ait, sur la tranche, un petit quelque chose pour attirer l’attention.  » Ici, c’est une lanière frappée de logos détachable, là, l’ébauche d’un dessin ou d’une photo d’artiste, fruits de ces rencontres qui font le sel de son métier. Comme celle qui lui a fait croiser la route du chanteur Mustii, dont il produit aujourd’hui les costumes de scène. Sur la table en bois de la salle à manger baignée de lumière, on devine le corps d’un pull en coton, bardé d’empiècements de laine plastifiée, de Néoprène troué. Une confection complexe dont il se charge lui-même et qui lui permet de revendiquer un label  » made in Brussels  » à haute valeur ajoutée.  » J’ai aussi confié la réalisation de quelques autres modèles à l’atelier Mulieris ( lire par ailleurs), conclut-il. A terme, j’espère pouvoir tout produire à Bruxelles.  » Un gage de différence à cultiver.

BIO EXPRESS

2010 : Lance sa marque homonyme, les premières pièces sont vendues chez Ra, à Anvers.

2014 : Commence à créer des bijoux brodés pour Natan Couture.

2016 : Rencontre l’artiste américain Anthony Goicolea avec lequel il collabore pour deux collections.

2017 : Rencontre le photographe Antoine Grenez et le graphiste plasticien Zéphir Moreels, devenus ses collaborateurs et muses depuis trois saisons.

2018 : Défile à Paris, grâce au soutien de WBDM. Une sélection de pièces de cette collection est aujourd’hui disponible chez Stijl Men, à Bruxelles.

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