Une année de publicités de mode décryptée

Géraldine Dormoy
S’il n’y avait qu’une tendance à retenir en pub de mode sur l’année 2009, ce serait assurément le retour à la nature. Devançant le sommet de Copenhague, les marques plongent dans la verdure. Pour Burberry, Marion Testino shoote la très British Lily Donaldson et ses acolytes dans une serre (printemps été 2009).
Pour Chanel, Karl Lagerfeld préfère emmener Freja Beha Erichsen et Heidi Klum dans sa propriété du Vermont, revisitant l’imagerie de La Petite Maison dans la prairie (campagne automne-hiver 2009-2010). Son humeur bucolique lui inspirera également un défilé dans une grange, en octobre au Grand Palais.
La nature selon Marc Jacobs, c’est Raquel Zimmerman dans un verger automnal, debout sur une chaise pour attraper une pomme (campagne automne-hiver 2009-2010). On reconnaît au premier coup d’oeil la spontanéité de la pose, signature de Juergen Teller, le photographe attitré des campagnes Marc Jacobs depuis 10 ans.
Missoni fait appel à Ryan McGinley pour sa campagne automne-hiver, un photographe réputé pour ses portraits de jeunes gens s’amusant nus en pleine nature. Cette fois, le mannequin Hanne Gaby Odele est plutôt couvert, mais on a l’impression de rouler avec elle en bordure des champs.
La deuxième tendance de l’année, directement liée à la première, c’est l’introduction d’animaux dans le champ. Paul Smith joue la carte équestre (campagne automne-hiver).
Hermès nous fait voyager en Suède, nouant un carré autour d’un cerf pour l’occasion.
D’autres marques font preuve d’un humour plutôt rare dans la mode: Moncler habille les chiens du photographe Bruce Weber de mini-doudounes à capuche…
… Pendant que Bambi et ses amis tiennent compagnie à la femme Stella McCartney, shootée par le très prisé Ryan McGinley. Une campagne qui prend tout son sens quand on connaît l’engagement écologique de la créatrice.
Guest stars de la marque américaine au style résolument rock, les ZZ Tops se font tirer le portrait en bonne compagnie (campagne automne-hiver, photo Danny Clinch).
Chez Lanvin, la nature a disparu et les chats noirs de la photo nous mettent plutôt mal à l’aise sur cette campagne automne-hiver signée Steven Meisel.
Ce qui nous amène à la troisième tendance identifiable de l’année 2009: le goût des marques pour les atmosphères inquiétantes. La campagne Jil Sander printemps-été shootée par Willy Vanderperre en est sûrement le meilleur exemple. Silhouette réduite à une tige, jeux d’ombres, fond blanc renforçant l’impression d’abstraction: Natasha Poly nous glace les sangs.
Même froideur, même dépouillement chez Miu Miu, où le mannequin saisi par Mert Alas et Marcus Piggott nous fixe, cheveux tirés et regard dur. On se croirait revenus au minimalisme des années 90, une autre époque balayée par la crise économique.
Chez Bottega Veneta, le photographe Larry Sultan (décédé le 13 décembre) distille un mystère hitchcockien. L’éclairage a beau être chaleureux, la solitude des protagonistes crée une tension toute cinématographique (campagne printemps-été).
Tunnel brumeux, silhouette énigmatique, teint diaphane et smoky eyes: pour Fendi, Karl Lagerfeld verse plutôt dans l’esthétique Twilight.
Et comme on ne change pas une recette qui marche, le grand Karl poursuit dans la veine gothique sur sa propre marque.
En 2009, on voit également beaucoup de couples dans les magazines de mode. Sur un thème à priori classique, Tim Walker fait preuve d’humour en multipliant un baiser en 12 exemplaires.
Toujours dans la tendance couple, DKNY Jeans surfe sur la vogue des blogs de streetstyle en commissionnant Scott Schuman, alias The Sartorialist, dans les rues de New York. On loue la fraîcheur du résultat.
Chez Jean Paul Gaultier, le couple n’en est plus vraiment un, le danseur n’étant là que pour mettre en valeur la grâce de Lara Stone, dont la pose rappelle Bardot prête à s’élancer dans Et Dieu créa la femme (sauf qu’elle a vraiment mal à la cheville, la pauvre). Campagne printemps-été photographiée par Inez van Lamsweerde and Vinoodh Matadin .
Autre tendance déjà perceptible en 2008: la pose en bande. Chez D&G, ça tient plus de la photo de famille…
… Tandis que chez DSquared, les jet-setteurs finissent leur soirée dépoitraillés par la bombe Lara.
Dans tous les cas, on comprend que la mode est censée se vivre plus fort au sein des tribus glam’ (campagne automne-hiver Inez van Lamsweerde and Vinoodh Matadin).
Le ton est plus léger chez Lacoste par Terry Richardson. La brochette de mannequins sautillants n’a plus rien d’original, mais on a vraiment l’impression qu’ils s’amusent, ce qui rend leur bonne humeur communicative.
Enfin, dernière de nos six tendances de l’année: les tonalités rougeoyantes. Miu Miu dégaine le premier en début d’année avec une campagne montrant Katie Holmes la main dans le feu. Une métaphore du désir? (photo: Mert Alas and Marcus Piggott)
Chez le chausseur Cesare Paciotti, Mario Sorrenti fait également monter la température avec ses mannequins allanguis sur une banquette cramoisie.
Plus agressif, plus urbain, Balmain nous plonge dans le tunnel « intra-utérin » du métro parisien. Clin d’oeil à Subway, le film de Besson? (campagne automne-hiver Inez van Lamsweerde and Vinoodh Matadin)
Chez Louis Vuitton, l’orangé de la campagne printemps-été vire au violet. Les images sont tellement retravaillées que Madonna semble transformée en mannequin de cire.
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