Ces magiciennes qui refusent de faire potiche

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Pour le grand public, l’illusionniste prestidigitateur reste l’homme au chapeau haut de forme, la femme étant cantonnée au rôle de partenaire séduisante qui se laisse scier en deux ou disparaît gracieusement dans une boîte. Même si les choses ont un peu évolué, les femmes ne représentent que 7% des magiciens en activité. Ces magiciennes veulent faire disparaître les préjugés sexistes.

Trônant derrière sa table de jeu dans le très exclusif Magic Castle de Los Angeles, Kayla Drescher, spécialiste des tours de cartes, aimerait bien pouvoir faire disparaître ceux qui la qualifient de « femme illusionniste » aussi facilement que l’as de pique. « Oui, ça me rend vraiment très, très malade quand on me demande ce que ça fait d’être une femme dans ce métier », lance-t-elle, le regard noir.

« +Femme illusionniste+, c’est comme si on me mettait dans une sous-catégorie de magie », ajoute la prestidigitatrice de 31 ans, qui anime un podcast pour combattre ces clichés qui ont encore la vie dure dans le monde de la magie.

Trop souvent pour le grand public, l’illusionniste prestidigitateur reste l’homme au chapeau haut de forme, la femme étant cantonnée au rôle de partenaire séduisante qui se laisse scier en deux ou disparaît gracieusement dans une boîte.

Même si les choses ont un peu évolué, les femmes ne représentent que 7% des magiciens en activité, à peu près la même proportion que chez les membres de « l’Académie des Arts magiques » dont le siège est au Magic Castle, déplore Kayla Drescher.

Ces magiciennes qui refusent de faire potiche
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Seules deux femmes étaient à l’affiche du spectacle auquel a assisté l’AFP dans cette institution nichée au pied des collines d’Hollywood, accessible uniquement aux membres.

Si l’on en croit la réaction de la salle, pleine à craquer, la magicienne a autant de succès que ses collègues masculins avec ses époustouflants tours de cartes et autres manipulations en close-up.

Kayla Drescher, qui se produit depuis l’âge de sept ans, pense que les spectateurs se soucient finalement peu de savoir si le magicien est un homme ou une femme.

Pour elle, c’est surtout la mentalité « choquante et datée » des magiciens eux-mêmes qui est responsable de la très faible part de femmes dans leurs rangs, ce qui lui donne envie de « hurler ».

La jeune femme s’est heurtée à l’ostracisme de ses pairs qui l’ont parfois prise pour la fiancée d’un collègue et même, une fois, lui ont demandé de « faire des tours de magie en bikini près de la piscine » à Las Vegas.

« La magie est essentiellement conçue par des hommes et pour des hommes, avec des costumes, pour des grandes poches de pantalon, des grandes mains, autant d’éléments très masculins », explique-t-elle.

« Il faut surmonter de nombreux obstacles dans cette communauté pour être respectée en tant que prestidigitateur et pas seulement en tant que femme. Et c’est toujours agaçant », confie Kayla Drescher.

– « Un accessoire » –

Elle déplore en outre que la célèbre assistante du magicien ne soit généralement qu’une potiche faisant de la figuration, « un accessoire ».

« Ça semble écoeurant en 2021, mais heureusement, c’est en train de changer », grâce notamment à l’effet #MeToo ces dernières années, souligne-t-elle.

Les « clubs » de magie, encore largement dominés par les hommes, ont du chemin à parcourir et l’Académie des Arts magiques elle-même a fait l’objet d’accusations de harcèlement sexuel l’an dernier.

Ces magiciennes qui refusent de faire potiche
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Le directeur a démissionné et son remplaçant, le Français Hervé Lévy, assure à l’AFP que des mesures visant à améliorer « la diversité et l’inclusion » ont été mises en oeuvre.

L’organisation compte désormais 36 femmes parmi les illusionnistes mis à l’affiche.

L’autre magicienne présente sur scène lors du spectacle suivi par l’AFP est Mari Lynn, qui se produit avec son époux John Shryock.

« Nous sommes une équipe d’illusionnistes, je me présente toujours comme la co-vedette plutôt que comme l’assistante », souligne-t-elle.

A ses débuts, Mme Lynn trouvait parfois le public « très critique vis-à-vis des femmes qui tentaient de prendre le rôle de l’homme ». « Mais ça change progressivement », dit-elle.

Pour le numéro « La Grande Evasion », Lynn et Shryock sont accompagnés de leurs deux filles adolescentes.

Hailey, 13 ans, veut être médecin mais Jasmine, 16 ans, est déterminée à devenir un jour prestidigitatrice en solo. « Je suis vraiment optimiste sur le fait que ça ne sera pas aussi dur pour Jasmine que pour moi », lance sa mère.

Plongée dans la magie « depuis la naissance », Jasmine dit avoir très vite remarqué que la plupart de ses amis intéresses par cet art étaient des garçons.

« Il est arrivé que quelqu’un dans la classe dise un truc du genre +oh, les filles ne font pas les tours de magie aussi bien que les garçons+ », s’agace-t-elle. « On leur montre qu’ils ont tort », lâche la jeune fille.

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