L’univers poétique de Philippe Baudelocque (à publier)

Philippe Baudelocque © RENAUD CALLEBAUT

Son bestiaire a été repéré sur les murs des villes et des galeries, avant d’être décliné dans la mode, le design ou les objets d’intérieur. Cet automne, c’est la marque de bougies Diptyque qui s’enflamme pour l’univers poétique du quadragénaire.

Qu’est-ce qu’un escalier de service ? Pas grand-chose sauf quand Philippe Baudelocque s’en mêle. Dans un recoin du monumental Palais de Tokyo à Paris, l’artiste de 43 ans s’est approprié un passage haut de cinq étages pour déployer une fresque monumentale en noir et blanc. Ou plutôt en blanc sur fond noir. Une ronde monochrome d’animaux et de paysages cosmiques qui s’entrelacent, se désagrègent, se reforment. On hésite à toucher le dessin poudré à l’apparente fragilité.  » Vous pouvez y aller sans crainte « , rassure l’artiste quelques marches plus haut, bob vissé sur la tête. De fait, l’oeuvre a été réalisée avec des bâtons à l’huile qui offrent le rendu de la craie mais la résistance d’une peinture classique. Si Philippe Baudelocque joue les guides de musée en ce jour de novembre, c’est par l’entremise de la marque Diptyque pour laquelle le plasticien vient de signer l’habillage d’une gamme de bougies parfumées.

Pour moi, il n’y a que des espaces à investir. Un blouson, une table, un mur, un sol, une toile, peu importe.

En quelques années, l’homme s’est fait connaître à travers ses interventions dans l’espace public, ses toiles mais aussi ses à-côtés dans la mode – pour Agnès b. -, le mobilier ou les objets décoratifs, sans craindre d’effriter sa légitimité d’artiste.  » Pour moi, il n’y a que des espaces à investir. Un blouson, une table, un mur, un sol, une toile, peu importe même si les démarches diffèrent « , dit-il. Le regain du dessin dans l’art contemporain explique en partie le succès actuel du Français qui vit depuis toujours dans l’Essonne, près de Paris, en lisière d’une forêt où il lui arrive de toiser sangliers et biches à l’heure du footing. Il a grandi avec sa soeur et son frère auprès d’un père peintre animalier et d’une mère professeur de piano.  » Chez nous, la connaissance a toujours été super importante « , insiste-t-il. En famille, on ne badine pas avec la culture. Pas une grande exposition parisienne à laquelle on n’échappe. A l’heure du repas, on préfère disserter en primetime sur Fragonard que de regarder le Bébête show. Le contexte incite Philippe à s’inscrire des années plus tard aux Arts décoratifs de Paris, section Art-Espace, dont il sort diplômé, en 2002. Il cherche sa voie, longuement. Le déclic vient en 2009, devant la façade noire d’un magasin à l’abandon, sur la Rive droite. Un copain lui dit que cela ferait un support idéal pour une fresque à la craie. L’artiste, qui a tâté du graffiti quelques années auparavant, se lance. En garçon poli, il demande l’autorisation aux propriétaires. Tout plaide en sa faveur : ses réalisations sont poétiques et la craie qui disparaît à la première pluie ne laisse pas de traces. Son bestiaire éphémère, photographié par les passants, relayé par les réseaux sociaux, est rapidement l’objet d’un buzz planétaire.

Agnès b. le prend sous son aile et l’expose dans sa Galerie du Jour. Le passage de la rue aux cimaises se fait sans états d’âme. Et pour cause, ce fan de science-fiction ne s’est jamais senti dans la peau du tagueur rebelle :  » J’aime l’énergie qui se dégage de la culture graffiti mais j’aime moins le milieu qui est plein de préjugés et de poncifs. Comme si l’action dans la rue était le seul art noble.  » Il se méfie comme de la peste de la pensée unique et voit ses créations comme une forme de méditation.  » Il faut penser au prochain trait et c’est tout, conseille-t-il. Pour cela il faut être calme et concentré. Si vous sentez le calme dans mon travail, ça vient de là. C’est l’un de mes buts. Je ne vais pas vous donner ce que j’ai de plus mauvais. Je pourrais mais je ne le fais pas. Quand je ne suis pas bien, j’appelle mes potes ou ma femme, je ne vous le donne pas à vous. Le monde est déjà assez rempli d’horreurs comme ça, non ?  »

Par Antoine Moreno.

BIO EXPRESS

1974. Naissance à Yerres dans l’Essonne, près de Paris.

2002. Obtient son diplôme des Arts décoratifs de Paris, section Art-Espace.

2009. Premiers dessins de rue, à la craie, sur fond noir, au 25, rue Pont-aux-Choux, à Paris.

2010. Collaboration avec Agnès b. qui déclinera ensuite ses oeuvres sur des tee-shirts et une robe.

2017. Collabore avec la marque de bougies Diptyque.

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