Nos femmes de l’année: les 25 Belges qui ont compté en 2018

© Stéphane Remael, Charlotte Abramow, Belgaimage, Racine, Grégoire Eloy/DR, Isopix, Martin Godfroid, Istock
Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

Un an après l’avènement du #metoo, alors que notre société prend chaque jour un peu plus conscience des inégalités mais que le constat tarde à se muer en actes, nous avons voulu mettre en avant celles qui, dans notre pays, ont atteint leurs rêves, fait office de modèles vertueux ou participé à l’émergence d’un monde meilleur. Chacune, à son échelle, a oeuvré pour plus de justice, de respect, de reconnaissance et de liberté. Une sélection difficile, forcément partiale, que nous espérons porteuse d’espoir et inspirante pour tous.

La semaine prochaine, Le Vif L’Express, Focus Vif et Le Vif Weekend reviennent sur plus d’actualité 2018 au féminin dans leur rétrospective de l’année. En vente dès ce 20 décembre.

En quelques mois, la Bruxelloise a vu sa cote littéraire monter en flèche, allant jusqu’à décrocher les prix Renaudot de Lycéens et Rossel. Un succès que cette comédienne, auteure en 2017 du seul-en-scène Bonobo Moussaka, a vécu « avec beaucoup de bonheur, étonnée, un peu étourdie ». C’est que son premier roman, La vraie vie, la trentenaire l’a écrit comme ça, « sans se soucier de faire passer un message ». Mais cette fable surréaliste et poignante, qui relate le quotidien d’une fillette en proie à un papa violent et à une existence qui part en vrille, est en réalité d’une force insoupçonnée. « Si l’émancipation féminine est au coeur de ce livre, je ne l’ai pas choisi. Il y est question de déterminisme de sexe parce que je le vis en tant que femme, il était donc naturel que je l’applique à mon héroïne. Et elle lutte contre cela parce que j’aime les personnages qui se débattent. Ça ne fait pas de moi un porte-drapeau. Il y a d’autres gens bien plus compétents sur la question. Mais si je peux donner un coup de main, j’en suis ravie », confie-t-elle, relevant ce qui l’a vraiment énervée, en tant que femme, cette année, en particulier la remise en question du droit à l’avortement. Ce qu’elle fera en 2019? « Quelque chose de bien avec cette soudaine notoriété », espère-t-elle. Et on la croit. F.By.

Elle pensait rester un mois en Belgique, le temps de donner un coup de main comme volontaire dans la crise des réfugiés. Cela fait plus de trois ans que la Portugaise de 24 ans déploie une énergie sans fin pour aider ses prochains, et tout particulièrement les migrants du parc Maximilien. Quatre soirs par semaine environ, elle et d’autres bénévoles agissent comme traits d’union entre ces voyageurs en quête d’une vie meilleure et ces 7.000 familles prêtes à les accueillir chez elles. Un acte de résistance humanitaire entamé dans l’urgence, à la fin de l’été 2017, et qui se professionnalise progressivement. « Nous venons d’ouvrir un hébergement collectif dédié uniquement aux femmes », se réjouit celle qui est désormais l’une des huit chevilles ouvrières de la Plate-forme citoyenne. Au fil des mois, la motivation ne faiblit pas, que du contraire. Tous les jours, ce sont de nouveaux membres qui rejoignent ce mouvement de solidarité: « En théorie, ce n’est pas à nous, mais à l’Etat de mettre en place des solutions d’accueil. Mais en attendant, toute aide, aussi petite soit-elle, permet déjà de faire la différence. » C.Pl.

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On était prévenu, the next big thing, ce serait elle. Un prénom, Angèle, auquel elle rajoute parfois discrètement les initiales de son nom de famille VL, un joli pedigree (mère comédienne, père et frère chanteurs), un cursus piano-chant au Jazz Studio d’Anvers, un Instagram poétiquement déjanté, liké par 800.000 followers, des clips qui font un malheur sur YouTube, une tournée tout l’été, de Couleur Café aux Francofolies de la Rochelle, et puis, enfin, un premier album, Brol, le 5 octobre dernier, qui est Disque d’or en France et en Belgique. La jeune chanteuse belge danse comme une loutre et chante « la flemme », « la jalousie », « la loi de Murphy », « la comparaison », « la frustration », « le sexisme », « la peur » et « l’angoisse », « ces sujets-là sont des brols, on aimerait parfois s’en séparer mais on n’y arrive pas, sans trop savoir pourquoi ». De son timbre troublant, elle porte haut son engagement – « Je suis féministe. Mais la bonne nouvelle, c’est que plein de jeunes femmes le sont » – fondu dans un univers teinté d’humour singulier et de charme fou. A.-F.M.

C’était le 11 novembre dernier, sous les applaudissements, Anouk Van Gestel s’était présentée à son procès, elle était poursuivie pour trafic d’êtres humains et association criminelle internationale. Mais le Parquet a requis son acquittement. Immensément fatiguée, la journaliste voit ainsi se clore une année éprouvante, placée sous la menace de ce procès dit des hébergeurs, « un procès à visée politique, mis sur pied pour les élections ».

Désormais, la solidarité ne devrait donc plus être un délit passible d’emprisonnement, « même si la ligne rouge n’est pas toujours très claire, remarque-t-elle. On peut héberger des migrants mais on ne peut pas leur prêter notre téléphone… » Pour l’heure, toujours droite, elle accueille Hussein. « Il est Soudanais, a 30 ans et un bracelet électronique, lui aussi était poursuivi et n’est pas acquitté. Je voudrais me battre pour lui, ils vont essayer de l’expulser; il a prévenu qu’il se tuerait si c’était le cas. J’ai envie de retrouver toute mon énergie à essayer de la sortir de ce mauvais pas. Et que la justice soit aussi juste avec lui qu’elle l’est avec moi. » A.-F.M.

Lorsque nous la rencontrons début 2018, la biologiste a le sourire indélébile. Elle revient de la station polaire Princesse Elisabeth où elle a mené des analyses afin de préparer… une mission vers Mars. C’est que les occupants de cette base belge en Antarctique vivent dans des conditions extrêmes, à l’instar des astronautes. Une expérience unique qu’elle a mise à profit pour faire parler de son Centre et des études qui y sont menées sur l’espace mais aussi sur les traitements des cancers par radiothérapie. « Les retours médiatiques ont été énormes », se réjouit celle qui explique comme personne les notions scientifiques et donne envie de la suivre en ces terres inconnues. « Il faut continuer à communiquer autour du travail des chercheurs et investir davantage », martèle cette femme de caractère qui, à son échelle, fait avancer le monde. « Un mouvement s’opère en Europe visant à mettre en avant la capacité égale des femmes par rapport aux hommes afin qu’elles soient plus présentes dans les fonctions académiques, politiques… », observe-t-elle en guise de bilan positif de cette année. Et de citer des consoeurs qui auraient mérité de briller dans ces pages, comme Karin Haustermans et Sofie Isebaert du futur centre de protonthérapie de Louvain. Sans oublier Donna Strickland, première femme prix Nobel de physique depuis 1963. F.By.

Elle qui ne lâche rien vient de lancer une marque à son nom, en duo avec le designer graphique Balthazar Delepierre qu’elle appelle son couteau suisse, la plus belle façon d’être un couple harmonieux et créatif. Avec une énergie solaire, Ester Manas pense une garde-robe placée sous le signe élégant du « One size fits all ». Y voir un accent féministe car la jeune créatrice, née à Toulouse et diplômée de La Cambre mode(s), promotion 2017, entend casser la dictature des chiffres, des tailles, des comparaisons, des normes imposées aux femmes qu’elle scrute toutes et toujours avec « un regard attendri ». En avril dernier, elle se présentait au Festival d’Hyères avec sa collection baptisée Big Again, et ce même esprit novateur, voire révolutionnaire, qui veut que son label entièrement « made in Belgium » ne propose qu’une seule taille, qui ira forcément à toutes, cela a tellement de sens. Naturellement, elle a plu et remporté la dotation Galeries Lafayette – soit une collection capsule produite puis vendue, au printemps, dans ce grand magasin parisien qui fait ainsi les beaux jours de la jeune création. Retenez son nom. A.-F.M.

Allons droit au but: ce fut le transfert de l’année! Il y a quelques semaines à peine, la joueuse belge Tessa Wullaert, capitaine des Red Flames, quittait son club allemand de Wolfsburg pour signer un contrat avec l’une des meilleures équipes anglaises du moment, Manchester City. Après Kevin De Bruyne et Vincent Kompany côté masculin, le club mancunien s’est donc trouvé une nouvelle star noir-jaune-rouge. Qui, dès son premier match, faisait trembler deux fois les filets adverses. « On m’a dit que mon maillot, au fan-shop, se vendait déjà bien », explique l’attaquante, tout en précisant qu’elle ne gagnerait pas beaucoup plus d’argent outre-Manche. Chez les filles, les transferts aux montants mirobolants, cela n’existe pas… ou pas encore. « Par contre, comme chez les hommes, le pays est clairement en train de devenir la référence du foot féminin. Ils investissent beaucoup là-dedans, et c’est ici qu’aura lieu l’Euro 2021. » Un championnat pour lequel, soit dit en passant, les Red Flames devront encore se qualifier, et ce après avoir vu les portes du prochain Mondial se fermer devant elles en octobre dernier. Un rêve qui s’éveille, un autre qui s’éteint: sur ce terrain-là, c’est la même loi du sport pour les deux sexes. N.B.

Pour elle, l’histoire est déjà vieille, c’était il y a trois ans, Lize Spit entamait alors l’écriture de son premier roman Het smelt. Pour le lecteur francophone, par contre, elle date du printemps dernier, qui découvrit Débâcle en librairie, traduit du néerlandais par Emmanuelle Tardif et publié par Actes Sud, objet littéraire d’une brutalité magistrale. La jeune femme née à Viersel en 1988, auréolée de plusieurs prix, désormais traduite en treize langues et bientôt portée à l’écran par Veerle Baetens, s’y entend pour coucher sur papier, en aller-retour dans le temps, une teen novel rurale au féminin singulier. Une enfance branlante à Bovenmeer et une adolescence là-bas, déchiquetée, qui la conduisent à cet aujourd’hui adulte et glaçant. Surnommée « hype Lize Spit », l’auteure aux 200.000 exemplaires écoulés dans sa version originale enseigne l’écriture de scénario et, de concert, travaille à son deuxième opus. « Quand j’écris, je suis une chirurgienne qui fait une opération, confiait-elle à Focus Vif. Je ne pense pas à ce que les gens penseront. » Ceinte dans une langue acérée et implacable, dans ce corps de jeune fille sacrificielle, son Eva spectrale hantera longtemps encore les pages de cette Débâcle et ceux qui les lurent. A.-F.M.

2018 a été une année bien remplie pour Léa Belooussovitch. La plasticienne française, belge d’adoption depuis une dizaine d’années, s’est vu attribuer, au mois d’octobre, le Prix Jeunes Artistes du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Cette belle reconnaissance a été précédée par un solo show à la galerie Les Drapiers (Liège), de février à mars. Pas de doute, la jeune femme a désormais son rond de serviette attitré à la table de la scène artistique nationale. Quand on l’interroge sur la question de l’égalité des sexes, dans le secteur des arts plastiques, elle renvoie intelligemment vers un article qui pose cette question fondamentale: pourquoi les jeunes artistes s’évaporent-elles? Il faut dire que le fait est troublant, alors qu’elles sont en majorité dans les écoles d’art, elles ne représentent que 25 à 30% du vivier exposé lors des grandes foires internationales. L’intéressée d’esquisser une réponse: « Dans tous les milieux à carrière surgit la question de la maternité, celle-ci est souvent envisagée au mieux comme un frein, une épée suspendue, au pire comme un terme définitif… Ce qui est totalement absurde. » M.V.

Sa nomination très remarquée avait mené à son départ pour Riyad en septembre dernier, et à sa prise de fonction en tant que toute première femme ambassadeur dans un pays où l’égalité des sexes est loin d’être une réalité. Dominique Mineur se rappelle de l’accueil « très chaleureux » qui lui a alors été réservé: « Plusieurs femmes du ministère des Affaires étrangères étaient présentes pour me dire combien elles étaient heureuses d’avoir une femme ambassadeur dans leur pays. » En dehors des rencontres officielles et des réunions « auxquelles assistent beaucoup de femmes dotées d’une excellente connaissance des dossiers », elle a également été touchée par la gentillesse des Saoudiens, des gens « absolument charmants et accueillants », et surtout des Saoudiennes, chez qui « on sent une énergie positive, surtout parmi les jeunes générations, qui, avec les changements en cours, ont envie de travailler et de profiter pleinement de la vie ». Sa présence au sein de notre panel, Dominique Mineur la considère avec beaucoup d’humilité: « Les femmes de l’année doivent être les Saoudiennes, ce sont elles qui font l’histoire, leur histoire. Ma nomination comme ambassadeur ici est un symbole, mais cela ne sera plus qu’une anecdote, une fois qu’elles auront leurs propres ambassadeurs. » M.N.

Si son nom n’est pas encore très familier au sud du pays, Jinnih Beels a connu une hausse de popularité fulgurante en Flandre au cours des dernières années. Née à Calcutta d’un père belge et d’une mère indienne, ce n’est qu’à 6 ans qu’elle arrive à Anvers, suite à l’assassinat non élucidé de sa mère. C’est peut-être ce qui la pousse à entamer des études de criminologie à la KUL, avant de s’engager dans la police. Après quinze ans de carrière et l’obtention du grade de commissaire, elle se lance en politique, d’abord sur la liste d’ouverture Samen, ensuite pour le Sp.a. « Très honorée » de figurer parmi nos wonderwomans, Jinnih Beels nous a confié que la plus grande difficulté rencontrée cette année ne fut pas d’affronter Bart De Wever dans son fief anversois, mais « de ne pas échouer en tant que mère et conjointe, alors que j’essaie de poursuivre mes idéaux et de rester fidèle à mes principes ». Quant au mouvement MeToo et à la place des femmes dans la société, la jeune quadra a tenu à les replacer dans un contexte plus global: « Il n’y a pas que l’égalité des sexes, on peut aussi parler de discrimination, d’homophobie ou de colonialisme. Pour moi, c’est une lutte commune sur différents fronts. La liberté, l’égalité et la solidarité ont toujours été la base de notre Etat constitutionnel. » M.N.

On ne présente plus Isabelle Arpin, qui s’est fait connaître en décrochant une étoile pour le restaurant Alexandre. Depuis cette belle aventure, l’intéressée a roulé sa bosse avant de se fixer au Louise 345, à Bruxelles. Si l’endroit vient tout juste de faire faillite suite à une mésentente entre associés, la chef annonce déjà l’ouverture d’une nouvelle adresse bruxelloise dans quelques semaines. Elle planche également sur la carte du Par-delà, nouvel endroit du côté d’Hastière (Dinant), soit une adresse pour « passer le week-end avec son chéri », comme elle aime à le souligner. Pour ce qui est de l’égalité des sexes dans le secteur de la gastronomie, Isabelle trouve qu' »il faut s’accrocher, que l’on soit un homme ou une femme ». Elle le constate, même dans ses cuisines, « c’est un métier dur dans lequel je vois flancher autant d’hommes que de femmes ». Idem pour son parcours: « Je ne me suis jamais sentie discriminée », dit-elle. Avant d’ajouter: « Je pense avoir l’humour nécessaire pour fluidifier les relations. » Celle qui a officié un temps au WY concède que « tout est beaucoup plus facile quand on est son propre patron ». Il reste toutefois un point qui constitue pour la chef une injustice flagrante: l’égalité salariale. « C’est un combat crucial qu’il faut mener jusqu’au bout », conclut-elle. M.V.

Cette année marque les 10 ans de l’engagement de Marie Gillain comme ambassadrice de Plan International Belgique. Particulièrement impliquée dans le combat pour l’égalité des sexes – souvenez-vous de cette vidéo, tournée en 2015, dans laquelle on la voyait marier de force sa propre fille afin de sensibiliser les gens à l’horreur des mariages précoces de mineures -, l’actrice belge s’est aussi distinguée dans Speakerine, qui décrit le combat des femmes dans l’univers machiste de la télévision des années 60. « Cette série affiche un féminisme à l’image de l’époque, moins « véhément » qu’aujourd’hui, explique-t-elle. Mon personnage veut sortir de son rôle pour créer sa propre émission, qui donne la parole aux femmes. Elle fait face à de nombreux obstacles parce qu’elle est une femme. C’est par ce genre de rôle que je peux exprimer mon féminisme. Incarner des femmes libres, affirmées dans leur liberté, en quête d’émancipation, c’est important. » A 43 ans, elle a également reçu le titre de Commandeur de l’Ordre de la Couronne des mains du roi Philippe et présidé la vingtième édition du Festival de la Fiction de La Rochelle. « Une certaine forme de responsabilité », assure-t-elle. Qu’elle a assumée avec brio. I.W.

A 8 ans, déjà, elle se sentait comme étrangère à ce corps de garçon dans lequel elle était née. Celle qui se nommait alors Aaron est peu à peu devenue Nora. Elle rêvait d’être ballerine classique mais c’est finalement vers la danse contemporaine qu’elle s’est tournée. Son histoire hors du commun a inspiré le jeune cinéaste belge Lukas Dhont, lauréat de la Caméra d’Or du dernier Festival de Cannes avec le long-métrage Girl. Nora Monsecour était aux côtés de l’équipe lors de la montée des marches. Pendant tout le tournage aussi, pour apporter son soutien à Victor Polster, l’interprète de Lara, tout en lui laissant carte blanche. Elle se souvient encore des ovations de la salle à la fin de la projection. « Je n’arrivais pas à croire qu’un tel film recevrait un accueil aussi chaleureux », confiait-elle en octobre dernier à nos confrères de VTM. Aujourd’hui, Nora n’a plus honte d’admettre qu’elle est née garçon, car, dit-elle, « il y a tellement d’autres choses qui font ce qu’est Nora que simplement le fait d’être transgenre. Pour moi, c’est une leçon de vie, une période à traverser dont je suis fière désormais ». I.W.

Rive gauche, la série de documentaires en immersion dans une école professionnelle bruxelloise, diffusée cet automne sur La Deux, a touché le public. Une motivation supplémentaire pour sa coréalisatrice, Safia Kessas, de « s’accrocher à ce type de sujet pour briser les stéréotypes et humaniser ces jeunes ». Responsable Diversité à la RTBF – un rôle multiforme de lanceuse d’alerte, experte et accompagnatrice à travers des formations au personnel notamment -, elle a, à ce titre, connu en 2018 quelques petites victoires, comme l’engagement de la rédaction sur le traitement médiatique des violences faites aux femmes. En écho à cette fonction, ses chroniques sur La Première ont, elles aussi, eu un impact: « J’ai vu la cristallisation d’une proposition d’assises pour l’égalité au parlement fédéral. C’est une idée que j’avais formulée à la radio. » Dans ses cartons, pour 2019: le premier réseau de rencontres entre journalistes de la télévision publique et expertes pour promouvoir la place des femmes dans des rôles modèles à l’antenne, ainsi qu’une série de groupes de réflexion pour lutter contre le racisme dont peuvent être victimes ses collègues. La journaliste « espère que le thème de la décolonisation des esprits prenne également toute sa place dans les médias et la culture. Moins de paternalisme et de sexisme pour que chacun se retrouve dans l’espace médiatique et donc démocratique ». E.M.

Parce que les anecdotes discriminatoires envers les femmes qu’elles entendent à l’école de cinéma ou sur les plateaux leur deviennent insupportables, ces deux jeunes Françaises de 25 et 26 ans, installées en Belgique depuis dix ans, décident de les récolter et les publier en lançant en mars 2018 le tumblr Paye ton tournage, inspiré par le modèle français bien connu de Paye ta shnek, pour sensibiliser à la question du sexisme dans leur secteur. La centaine de témoignages rassemblés jusqu’à présent est terriblement révélatrice de la banalisation de ces actes dans le milieu. Les commentaires concernent autant le physique et les tenues vestimentaires des femmes que la remise en question de leurs capacités, le harcèlement moral sous couvert d’humour ou encore les menaces et avances à caractère sexuel. Et au vu des récents exemples reçus, « la situation reste déplorable. Nous ne voyons pas vraiment les choses évoluer concrètement ». Si elles ont choisi de rester discrètes sur leur identité pour l’instant, c’est notamment en raison de « la stigmatisation encore très forte de celles qui s’élèvent contre ce genre de comportements ». Leur souhait, pour l’année à venir, est de continuer de recueillir la parole des victimes de sexisme dans le 7e art et espérer un changement des mentalités. « Que les femmes sachent qu’elles ne sont pas seules et qu’elles sont dans leur droit quand elles exigent le respect de leur intégrité et l’estime de leur compétences. Que les hommes prennent part au combat s’ils ne veulent pas être mis dans le même panier que les nombreux oppresseurs. » A bon entendeur… E.M.

C’est peu dire que Zakia Khattabi aura connu une année plutôt mouvementée. Coprésidente d’Ecolo depuis 2015, et par ailleurs seule femme présidente de parti du paysage politique francophone, elle est parvenue à mener à bien une campagne pas avare en petites phrases perfides et en coups bas – et l’on se rappellera de sa gestion de crise plutôt réussie dans « l’affaire Bocken », du nom de ce candidat des verts également représentant du lobby des industriels des emballages en plastique. Au lendemain du 14 octobre, elle fait figure de grande gagnante des communales, surtout chez elle, à Bruxelles. Après dix ans dans la capitale, son parti est en progression partout sauf à Molenbeek, décrochant 23% des 695 sièges de conseillers communaux ainsi que certains importants mayorats, comme celui d’Ixelles, où elle avait personnellement poussé la liste de Christos Doulkeridis. Désormais épaulée par Jean-Marc Nollet, « la Baronne » – surnom donné en raison de son allure BCBG et de son port altier – a pour mission de prolonger cette vague verte et d’aider son parti à faire ses preuves dans l’exercice du pouvoir. Le tout selon une certaine idée de la modernité – comme sur Twitter où sa bio affiche « Féministe radicale assumée ». M.N.

Jamais, dans l’histoire du sport belge, la gymnastique n’avait décroché de titre mondial. Autant dire que le 2 novembre dernier, lorsque Nina Derwael s’est offert la médaille d’or à Doha après un programme exécuté à la perfection aux barres asymétriques, le plat pays n’était pas peu fier. Même si la jeune fille originaire de Saint-Trond était pointée comme la favorite – ça s’était joué à un cheveu l’année dernière à Montréal, où elle avait obtenu le bronze -, l’exploit est inouï. A marquer au fer rouge sur la (courte) liste de celles qui ont joué les pionnières tout en haut des podiums, à l’instar de Justine Henin, Tia Hellebaut ou Nafissatou Thiam. Atout de la demoiselle de 18 ans, ultraprécieux à ce niveau-là: son moral d’acier. « Dès la maternelle, mon instituteur m’appelait « la chef » en raison de mon caractère », dit-elle. Aujourd’hui, celle qui s’entraîne « 32 heures par semaine depuis 7 ans » évoque un « rêve qui se réalise », mais aussi des médias qui, peut-être, vont désormais « plus s’intéresser à la gymnastique, aussi bien masculine que féminine ». Lauréate logique du Trophée national du Mérite sportif – où elle succède à David Goffin -, elle a désormais les poignets fixés sur un objectif encore plus fou: les jeux Olympiques de Rio de 2020. N.B.

Elle n’est pas du genre à abandonner, Stéphanie Fellen. Fin de l’année dernière, sa start-up Made & More était forcée de déposer le bilan. Epaulée cette fois par Maxime Heutz, expert en digital rencontré sur les bancs de l’unif, cette diplômée en ingénieur de gestion a rebondi avec succès, sans changer une idée porteuse: son e-shop, nouvelle version, propose toujours une gamme de vêtements conçus dans le respect de l’homme et de l’environnement. « Notre communauté nous soutient, et nous sommes en train de réaliser une levée de fonds, pour voir plus grand, engager et ouvrir une boutique. » Mais ce projet de mode éthique, la trentenaire l’inscrit désormais dans un défi plus global: l’urgence d’agir pour la planète. « Je vais encore vivre quarante ans au moins. Je ne suis pas d’accord que rien ne soit fait en matière de climat. » La Liégeoise est donc devenue consultante certifiée Circulab en économie circulaire, pour accompagner les entreprises dans leur transformation durable. Elle termine également un ouvrage sur le sujet et fait partie des ambassadrices de Digital Wallonia, histoire d’encourager les jeunes femmes à choisir des carrières scientifiques, et plus particulièrement numériques. Ou quand l’engagement se vit de multiples façons. C.Pl.

S’il s’agit évidemment d’une équipe et non d’une seule personne, nos Belgian Cats méritent sans conteste d’être honorées pour avoir enchaîné les performances historiques et marqué le sport belge de leur griffe. Après leur première médaille dans un grand tournoi, à l’Euro de Prague, en juin 2017, les Cats ont mis le feu au parquet lors des Championnats du monde en Espagne, cette année. Parties avec un objectif modeste, elles se payent le luxe d’échouer au pied du podium en nourrissant pas mal de regrets. Inespérée, la quatrième place leur revient après un parcours extraordinaire, dont on se rappellera le 4e quart-temps épique contre l’Espagne, le quart de finale gagné contre la France (coucou les Diables rouges) et une défaite honorable, en demi, contre les Etats-Unis. Face aux nombreuses demandes d’un public enthousiaste et grandissant, la RTBF décidera même de changer ses programmes pour diffuser leurs rencontres, une décision importante pour la visibilité du sport féminin chez nous. Pour l’heure, nos basketteuses viennent de valider leur ticket pour les Championnats d’Europe en juin prochain, où elles poursuivront leur ascension vers le top. Go Cats! M.N.

Sa vidéo coup de gueule contre le racisme, publiée sur les réseaux sociaux début septembre, a été vue plus de 2,6 millions de fois. C’est peu dire que l’année 2018 a une résonance particulière pour Cécile Djunga, présentatrice météo sur la RTBF et TV5 Monde. La goutte qui a fait déborder les larmes? L’appel téléphonique d’une spectatrice se plaignant qu’elle était trop noire et qu’elle ne passait pas bien à l’écran (sic). Prise dans ce tourbillon médiatique, la jeune femme se refuse d’abord à devenir le symbole de l’antiracisme, craignant d’être cantonnée à ce combat. « Mais avec le recul, l’artiste engagée qui était en moi se réveille. J’ai désormais envie d’agir avec les moyens qui sont les miens, à savoir l’humour », confie celle qui fait du théâtre depuis l’âge de 12 ans, s’est formée au cours Florent à Paris, avant d’être repérée par le Jamel Comedy Club. Depuis, quand elle n’est pas devant une caméra de télé, la presque trentenaire manie le stand-up sur scène… Nul besoin de préciser que son spectacle, actuellement en tournée en Belgique et en France, a été complété par un sketch revenant sur les événements de ces derniers mois. Le rire, comme la meilleure des réponses à la bêtise humaine. C.Pl.

Son entrée en scène, à 62 ans – « l’âge où on tire généralement sa révérence » -, Anne Gruwez l’a faite sans concessions. L’hiver dernier, on découvrait en effet sur grand écran son job de juge d’instruction, à Bruxelles, dans le documentaire Ni juge, ni soumise de Jean Libon, cocréateur de l’émission Strip-Tease, et Yves Hinant. Le résultat d’un tournage de plusieurs années mettant en avant un job complexe, qui consiste « à faire la lumière sur les faits », mais aussi la personnalité sans tabous d’une femme profondément humaine, n’hésitant toutefois pas à verser dans le politiquement incorrect pour donner son opinion. « Je n’avais aucun dessein en acceptant ce film mais il montre combien notre société a besoin de transparence de la justice », nous confie-t-elle, extrêmement flattée de figurer dans notre palmarès. Avant de préciser qu’elle ne se sent néanmoins pas féministe: « Je suis une femme, cela doit suffire. Et puis, ce terme n’a pas son équivalent masculin, et moi, j’aime l’équilibre. » Insoumise peut-être alors? Là encore, elle nuance: « Je préfère la liberté à l’insoumission, même dans la parole… mais sans le mépris », conclut-elle, citant Simone Veil, décédée en 2017, comme femme de l’année 2018… « parce que les idées ne meurent pas ». F.By.

[NDLR: Retenue dans cette sélection avant son passage à la N-VA] D’aussi loin qu’elle s’en souvienne, l’engagement a toujours fait partie de sa vie. Etudiante déjà, elle militait pour une presse libre au Burkina Faso. C’est tout naturellement, finalement, que la jeune femme se tournera plus tard vers la politique. Elue sur la liste MR à Ixelles aux communales de 2012, Assita Kanko fait rapidement le constat, sur le terrain, de la trop faible représentativité des femmes dans les instances de pouvoir, à quelque niveau que ce soit. « J’ai vite réalisé que la politique partisane ne m’intéressait pas, note-t-elle. Mon objectif est de faire avancer les choses, résoudre les problèmes, peu importe avec qui. » En février de cette année, elle lance Polin, un « incubateur politique » destiné à ses pairs, dans les trois Régions du pays, tous partis confondus. Un « club » ouvert à toutes et sans droit d’entrée, « dont le but est d’augmenter le nombre et l’influence des femmes en politique, qu’elles soient candidates ou pas », ajoute celle qui tient par ailleurs une chronique régulière dans De Standaard. Assita Kanko est également partie aux quatre coins du monde à la rencontre de celles qui sont arrivées au sommet dans des domaines aussi variés que le sport, l’armée ou la politique bien sûr… Des témoignages regroupés dans l’essai Leading Ladies, publié chez Racine. I.W.

Rien ne les arrête. Fondée en 2012, la griffe de mode Filles A Papa ne cesse depuis lors de répandre son style sportswear mâtiné de sequins, ses slogans provoc’ et son mix & match de matières sur les fashionistas les plus cool de la planète. Même Cara Delevingne, Bella Hadid, Beyoncé ou Marion Cotillard se sont laissé tenter, c’est dire. L’année 2018 fut riche de projets: « La création d’une collection capsule aux accents streetwear, qui rassemble une série de looks traversés de l’iconique mot Tomboy, la poursuite du développement international de la marque et le lancement prochain de notre nouvelle plate-forme digitale », compilent Carol et Sarah Piron. Autant d’actualités qui ont incité plusieurs acteurs de la mode belge – le MAD, WBDM, Flanders DC, sans oublier Le Vif Weekend et Knack Weekend – à remettre aux deux soeurs le titre d’Entrepreneur de l’année. Une reconnaissance pour ce duo, qui s’est lancé au départ sans trop réfléchir. Preuve que cela vaut la peine de suivre ses rêves et de tout mettre en oeuvre pour les réaliser… C.Pl.

Elle ne souvenait plus qu’elle l’avait gardée, cette lettre de motivation, écrite à la main comme cela se faisait alors, avec agrafée par-dessus, la petite annonce découpée dans le journal pour un poste d’assistante marketing. Son premier job. D’autres fonctions ont suivi, chez Chanel d’abord puis pour la filiale Benelux du groupe Estée Lauder Companies qu’elle dirige depuis le 1er septembre dernier. Avant cela, Isabelle De Cock était chargée du développement des marques M.A.C et Jo Malone pour tout le Moyen-Orient et Dubai, une expérience de trois ans comme on en vit peu dans une carrière. C’est elle, là-bas, qui était la « caution de famille » pour son mari et ses trois filles. Sa nomination au poste de General Manager a été perçue par les femmes de l’antenne bruxelloise comme une victoire. « Je ne m’attendais pas du tout à ce que l’on vienne de tous les services pour me dire « enfin », sourit-elle. C’est vrai que je suis la première en Belgique depuis 1990 mais au sein du groupe, 54% des postes au niveau exécutif sont occupés par des femmes. » Celles-ci représentant pas moins de 84% des 46.000 employés au niveau mondial… I.W.

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