Natalie Portman, actrice et maman engagée

Natalie Portman © isopix
Isabelle Willot

A 36 ans, l’actrice a déjà tourné avec les plus grands, de Terrence Malick à Pablo Larraín, en passant par Darren Aronofsky. Et bientôt Xavier Dolan, dans son premier long-métrage en anglais, qui sortira l’an prochain. Visage de Miss Dior depuis six ans déjà, l’Américaine est aussi mère de deux enfants, Aleph et Amalia. Portrait.

Ne la cherchez pas sur les réseaux sociaux, elle ne fait pas partie de ces égéries nouvelle génération qui doivent leur renommée à l’exhibition permanente de leur petite personne. Quand on l’interroge d’ailleurs sur sa célébrité, celle qui est en ce moment à l’affiche de Song to Song de Terrence Malick dit qu’elle ne s’attend pas à passer à la postérité. On a pourtant comme un doute. Car on l’oublie un peu, mais Natalie Portman est dans le métier du cinéma – car elle n’est pas qu’actrice, elle produit aussi et réalise – depuis plus de vingt-cinq ans, déjà. Une carrière commencée enfant, c’est peut-être même cette détermination précoce qui l’a rapprochée du danseur et chorégraphe Benjamin Millepied, dont elle partage la vie depuis 2010. Cette rencontre charnière avec celui qui deviendra son mari et le père de ses deux enfants a eu lieu sur le set de Black Swan, le film auquel elle devra son premier Oscar pour son rôle de ballerine névrosée en pleine autodestruction. Rien de prémonitoire heureusement, c’est encore l’un des souvenirs qu’elle chérit le plus aujourd’hui.  » C’était comme magique, sourit-elle. Vous savez, ces instants où l’on tombe amoureux et où tout est à jamais gravé en vous, jusqu’au temps qu’il faisait, à la chanson qui passait en arrière-plan, au parfum qui flottait autour de vous.  » Alignement des astres ? C’est à la même période qu’elle devient le visage de Dior, pour les fragrances d’abord, le maquillage ensuite, une aventure qui se poursuit encore aujourd’hui, alors que sort la nouvelle version de Miss Dior, jus mythique s’il en est, né dans les premiers temps de la maison parisienne avec laquelle Natalie Portman a renforcé des liens au fil des années. La présence d’une femme à la tête de la couture – elle est vêtue ce jour-là d’une robe noire toute simple et de sandales plates en  » cuir  » vegan spécialement créées pour elle – n’est sûrement pas pour déplaire à cette féministe engagée qui entend bien encourager sa fille, comme son fils d’ailleurs, à l’insoumission. Explications.

Aux côtés de Michael Fassbender dans Song to Song, de Terrence Malick, l'actrice interprète une jeune serveuse en quête de succès sur la scène musicale d'Austin, au Texas.
Aux côtés de Michael Fassbender dans Song to Song, de Terrence Malick, l’actrice interprète une jeune serveuse en quête de succès sur la scène musicale d’Austin, au Texas.© DR

On pouvait lire cette saison sur des tee-shirts de la maison Dior le slogan We Should All Be Feminists, qui est aussi le titre d’un essai de l’auteure nigériane Chimamanda Ngozi Adichie. Pensez-vous que la mode doive jouer un rôle politique aujourd’hui ?

Cela fait sept ans que je travaille avec Dior et j’ai eu la chance d’être habillée par trois créateurs (NDLR : John Galliano, Raf Simons et aujourd’hui Maria Grazia Chiuri), de pouvoir observer leur manière respective de travailler. Tous trois sont exceptionnels mais je trouve particulièrement excitant de voir qu’une femme ait pris les rênes de la maison. En soi, c’est déjà un message fort qui nous amène dans la bonne direction : celle qui consisterait à ne plus considérer cela comme remarquable finalement. Bien sûr, nous n’en sommes pas encore là. Dans le monde d’aujourd’hui, le leadership féminin reste hélas exceptionnel, dans tous les sens du terme. J’estime que c’est formidable que Maria Grazia Chiuri ait choisi de promouvoir le féminisme à travers ses collections. Mais à mes yeux, ce qui compte plus que tout, c’est qu’elle crée des pièces que les femmes ont envie de porter. Le fait qu’elle pense par exemple à proposer des chaussures plates ! Merci ! Evidemment, nous aimons toutes une belle paire de stilettos mais nous avons chacune une vie où nous voulons être capables de courir, de travailler confortablement. Ses créations sont luxueuses, belles mais aussi compatibles pour ce dont nous avons besoin dans la vraie vie. Elle nous comprend mieux que personne. Au-delà des tee-shirts à message, c’est le caractère pratique du vêtement qui le rend féministe.

En matière de féminisme, justement, l’élection d’un homme comme Donald Trump à la tête des Etats-Unis envoie plutôt un mauvais signal. Craignez-vous un recul des droits des femmes ? Cela vous inquiète-t-il pour votre fille ?

Natalie Portman
Natalie Portman © Reporters / GSI Media

C’est inquiétant évidemment, mais dans le même temps, je suis excitée à l’idée que ma fille grandisse dans un pays qui s’insurge, où les gens sont beaucoup plus impliqués politiquement que pendant mon enfance. Quand les choses ont l’air d’aller, il est tentant de ne pas porter trop d’attention à ce qui se passe autour de soi. Aujourd’hui, nous devons nous tenir prêts à affirmer haut et fort ce qui nous tient à coeur, nos valeurs. J’aime l’idée que mes enfants s’engagent, qu’ils comprennent vite que cela compte de voter… ou de ne pas voter. Nous avons sans doute été trop gâtés même si tout n’était pas rose aux Etats-Unis, loin de là, mais ce n’était certainement pas aussi grave que maintenant.

On dit souvent que les gestes de beauté se transmettent de mère en fille. Que vous a appris votre maman ?

Ma mère était et est toujours très belle. Son héritage, ce serait sans doute de n’avoir jamais fait de commentaires négatifs à mon encontre, de ne jamais m’avoir dit ce que je devais faire ou pas faire en termes de maquillage ou de coiffure. Ma grand-mère, en revanche, ne s’en privait pas (elle rit) ! Combien de fois n’ai-je pas entendu :  » Tu ne vas quand même pas sortir comme cela !  » J’ai rapidement réalisé que j’avais beaucoup de chance en voyant ce qui se passait chez mes amies qui avaient des mères tellement dans le contrôle – du genre à dire :  » Fais-toi une mèche sur le front sinon ton visage a l’air bizarre…  » – qu’elles en attrapaient des complexes. A la maison, c’était tout le contraire. Les conseils de ma mère, c’était plutôt :  » Sois gentille, travaille dur, sois respectueuse des autres…  » Elle exhale la bonté, littéralement, et c’est ce qui la rend magnifique. J’ai compris très vite que l’important n’était pas de quoi vous aviez l’air mais ce que vous étiez.

A ce titre, si vous aviez un souhait pour vos enfants ?

Qu’ils ne soient pas trop soumis ! Cela m’inquiéterait qu’ils soient toujours très bons à l’école, presque trop, à toujours obéir aux règles parce que c’est important de savoir sortir du cadre. Cela ne signifie pas qu’ils doivent être méchants ou indisciplinés, mais oser suivre leur propre voie. Maintenant, je vous dis cela mais j’ai aussi un petit côté  » mère tigre  » qui pourrait me pousser un jour à leur clamer :  » Il faut absolument que tu apprennes à coder !  »

Le fait de devenir mère a-t-il influencé vos choix stylistiques ?

Oh oui, sans aucun doute ! C’est le côté pratique qui m’importe. Déjà, je choisis des vêtements qui se boutonnent par l’avant car j’allaite encore ma fille. Je porte plus de robes aussi, car c’est super facile ! On les enfile et hop ! On peut donner l’impression que l’on fait un effort sans en faire.

Sur papier, vous avez une carrière de rêve, une vie de famille épanouie, vous êtes aussi le visage de Dior. Comment gérez-vous tout cela de front ?

Je me noie ! Je suis épuisée (elle rit) ! Je vois autour de moi des femmes que j’admire qui bossent, qui ont des enfants, qui ont l’air de tout faire sans effort, genre  » no big deal « . J’adore mes enfants et je sais que j’ai beaucoup de chance. Mais je ne suis pas comme ça.

Black Swan (2011)
Black Swan (2011)© DR

Vous êtes actrice depuis vingt-cinq ans déjà. Qu’est-ce qui vous motive encore ? Envisageriez-vous de faire autre chose ?

En effet, cela fait déjà plus d’un quart de siècle que je joue, c’est intéressant de se dire qu’il y a aussi d’autres options, je pense à la réalisation notamment, je l’ai déjà fait et j’aimerais poursuivre dans cette voie. Il reste heureusement encore beaucoup de nouveaux réalisateurs avec lesquels j’adorerais travailler. Et ceux que j’aimerais retrouver. Car plus une personne vous connaît bien, plus vous pouvez créer quelque chose qui sort de l’ordinaire ensemble, de vrai, de profond, parce que vous avez cette connexion. Parce qu’ils percevront une part de vous que celui qui vous découvre le premier jour du tournage ne verra pas.

Avec l’expérience, est-ce devenu plus facile de jouer ?

C’est un drôle de job, acteur : si vous êtes médecin, en vingt-cinq ans, vous aurez forcément acquis une certaine expérience. Je n’ai pas l’impression d’en savoir plus aujourd’hui que quand j’ai commencé ce métier. Au contraire, je dois parfois me libérer des habitudes que j’ai pu acquérir au fil de tournages. A l’inverse, je me sens aussi plus libre de dire non, de suivre ma propre curiosité artistique au risque de déplaire à d’autres. D’un certain côté, c’est peut-être plus facile au début : vous êtes plus naturel, vous ne vous posez pas de questions, vous vous contentez de réagir à ce que l’on vous demande et c’est ce qu’il faudrait toujours faire en réalité. Plus on vous voit à l’écran, plus il est difficile de faire croire à votre personnage car les spectateurs ont tendance à se dire :  » Là, elle est juste elle-même.  »

Est-ce plus facile d’incarner un personnage de fiction ou d’interpréter une figure comme Jackie Kennedy ?

C’est une autre démarche. Avant de me glisser dans la peau de Jackie, j’ai dû regarder tous les enregistrements d’époque et m’en imprégner. C’est techniquement plus difficile de jouer un personnage réel car vous devez faire en sorte de lui ressembler vraiment. Dans la pure fiction, vous êtes plus libre, ce héros, vous pouvez l’emmener où vous voulez mais cela demande de faire des choix.

Jackie (2016).
Jackie (2016).© DR

Parvenez-vous facilement à abandonner vos personnages quand le tournage est terminé ?

J’aimerais pouvoir vous dire que dès que j’ai fini un film, je lâche prise, mais ce n’est pas vrai. Il y a quelque chose qui flotte, ce n’est pas là en permanence bien sûr, ça va, ça vient et cela peut durer des mois. C’est pour cela que les acteurs doivent rester prudents sur ce qu’ils acceptent de jouer car cela peut les affecter même s’ils prétendent le contraire.

Avez-vous un mantra ?

Amuse-toi et sois bienveillante ! C’est la combinaison parfaite, non ? Ce n’est pas toujours possible mais c’est l’objectif en tout cas.

LE TEMPS DES ROSES

Elle l’assure, et le caractère passionné de son discours donne franchement envie de la croire. Ce parfum, dont elle est l’égérie, elle le porte. Lui et uniquement lui. Pas question pour elle de s’adonner à la mode du « layering », qui consiste à superposer plusieurs fragrances : sa complexité qui se révèle au fil des heures lui suffit amplement. « L’odorat est le sens le plus important à mes yeux car c’est celui de l’enfance, c’est grâce à lui que l’on commence à explorer le monde, souligne Natalie Portman.

Natalie Portman, actrice et maman engagée
© DAVID BELLEMERE POUR PARFUMS CHRISTIAN DIOR, MAQUILLAGE : PETER PHILIPS, CHEVEUX : BRYCE SCARLETT, MANUCURE : NELLY FERREIRA,STY

C’est sans doute pour cela que c’est si émotionnel, que cela vous prend aux tripes, que vous soyez un homme ou une femme d’ailleurs. » Au delà des notes fraîches de citron et de fleur d’oranger qui la ramènent comme par enchantement en Israël où elle a passé les premières années de sa vie, c’est aussi la rose qui la séduit en particulier dans cette version revisitée de Miss Dior. Une fleur dont François Demachy, parfumeur créateur de la maison Dior, lui a fait découvrir les charmes… au beau milieu des champs de Grasse. « C’était magique, ajoute-t-elle. Nous étions comme plongés dans une autre époque. Aujourd’hui, tout est instantané.

La beauté qui se dégage de ces fleurs va à l’encontre de la rapidité du monde moderne. Le temps des roses est tout autre : il faut les planter, attendre qu’elle fleurissent, les cueillir à un moment bien précis, avec prudence. » Un savoir-faire qui se transmet de génération en génération, artisanal surtout qui, même si la touche finale se fait en usine, confère à l’art du parfumeur un petit côté couture qui le rend si précieux.

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