Au pays des merveilles, à Arles, La Chassagnette est un éden potager. La nature balayée de vent salé exerce de plein droit son désir de liberté. C’est là qu’Armand Arnal cultive son jardin. pour inventer, au gré des saisons, une cuisine sainement savoureuse.

Curieux, pressé, boulimique, cultivé, Armand Arnal l’est assurément. Une tornade qui parcourt le monde, court les expositions d’art contemporain, se gorge de rencontres et convoque tous ses sens.  » En cuisine, on ne peut pas se limiter. Ce qui compte, c’est la continuité d’un regard exercé. On a besoin de créer une émotion, on a besoin de vécu.  » C’est pourquoi il goûte la vie à plein temps et cuisine dans l’instant. Une approche urgente, incisive qui s’exprime avec c£ur et lui vaut la gratitude de ses hôtes et la reconnaissance de ses pairs. Dans l’assiette, les trésors d’un potager tout en légèreté se transforment en paysage émotionnel. Et c’est sans aucun doute au contact de la nature que le jeune chef a appris la patience.

L’éclosion de jeunes bourgeons, les verts tendres printaniers, les cueillettes en été : chaque saison compose bouquets et collections qu’il faut savoir apprivoiser. Fleur de bourrache ou de capucine, rhubarbe et citronnelle, sauge ananas et cresson de Para, blette multicolore et tomate Borsalinaà tous les goûts sont dans cette nature savamment domestiquée. Alors que quatre jardiniers composent des harmonies, sur fond de pensées vitaminées, éclot un véritable laboratoire d’idées. Complicités et libertés croisées : au c£ur du parc naturel régional, la question bio n’est alors plus un vain mot.

Maja Hoffman, initiatrice de La Chassagnette, avait su relever le défi d’une riziculture camarguaise labellisée 100 % bio. Et désormais, sur la route du Sambuc, l’autosuffisance du potager d’Armand Arnal en dit bien plus long que n’importe quel discours sur les bienfaits des légumes frais. On retrouvera dans l’esprit et le ton de Garum – le fanzine ébouriffant édité par l’équipe -, tout l’instinct créatif des  » jeunes pousses et des durs à cuire  » qui composent la brigade, conjugué à la réalité prolifique de la terre camarguaise. Une délicieuse alchimie pour des recettes au parfum de mer : escabèche de lisette, loup fumé aux branches et bulbes de fenouil, aïoli de baudroie et cigales pochées, calamars snackés aux blettes et olives des Bauxà Tout un programme pour raconter La Criée, là-bas, tout au bout du quai du Grau-du-Roi, mais aussi le mariage réussi d’une Camargue terrienne et gastronomique.

Avec ses palissades bleues passées à la bouillie bordelaise, son eau Fresh produite sur place dans un souci éthique d’écoparticipation, ses trois bases de moka pour réaliser un café Chassagnette d’origine bio par le torréfacteur d’Arles, son riz rouge de Camargue au subtil goût de noisette, ses grandes tables à l’ombre des canisses, le temps déroule à La Chassagnette un fil précieux. Mais, précieuse entre toutes est la complicité qui unit Armand Arnal à son directeur de salle Michel Mialhe. Et, au diable les titres ! De lui, le chef dit qu’il n’est ni plus ni moins que  » sa cerise sur le gâteau « . Il met en scène le jardin, anime la tonnelle, la salle, l’élégante moustiquaire en un cercle parfait de fluidité, d’échange et de partage. Gage de la liberté du chef, ce duo-là sait tenir les rênes d’une belle aventure humaine.

Sous l’immense moustiquaire, on dîne le soir avec les étoiles ; à une volée d’escaliers se niche la bibliothèque gourmande que chacun est libre de consulter, mais aussi une cave à vin généreuse, une boutique de bons produits bio, avec vaisselle choisie et conserves du potager. Cet été, on guettera la publication de Garum pour le récit de nouvelles aventures et, chaque premier week-end du mois, une invitation à la dégustation de légumes associés à du saké célébrera les finesses de la culture japonaise.  » Confronté à l’âpreté, à l’amertume, il est un merveilleux compagnon d’aventure gustative. Le saké a l’élégance de développer le goût.  » On l’aura bien compris, à deux pas d’Arles la romaine, La Chassagnette cultive une notion toute personnelle de mens sana in corpore sano (Un esprit sain dans un corps sain !).

Carnet d’adresses en page 48.

Par Cécile Vaiarelli/Photos : Bernard Touillon.

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