Sicile, terre de vins de très longue date. Ici comme ailleurs, rouges et blancs s’arrangent. Le Vif Weekend est parti à la découverte de six vignobles et autant d’hôtels. Avec plaisir et sans réserve.

De Palerme, deux heures de voiture, cap à l’est-sud-est, et vous voilà au milieu des collines, un nulle-part habité, le vent, les vignes, les oiseaux qui planent. C’est beau, c’est ailleurs, c’est à 600 mètres d’altitude mais la chaleur n’est qu’à peine moins dense.

Tasca d’Almerita et Piazza Armerina

Tasca d’Almerita est un village tout entier dont le propriétaire, le comte Giuseppe Tasca d’Almerita, 40 ans, septième du nom, assure que le domaine est autosuffisant. Presque tout ce qui est nécessaire est cultivé ou élevé sur place. Et d’abord, le vin. Là, une cuvée se détache des autres, le Rosso del Conte, un rouge épicé et puissant, au nez exubérant, une bouteille à forte majorité de nero d’avola (le grand cépage sicilien). C’est l’un des très beaux vins que nous allons découvrir en Sicile. Preuve, s’il en fallait (oui, il en fallait), que la Sicile a amorcé un redressement vinicole de premier intérêt. Quelques dizaines de kilomètres de plus dans un paysage grandiose et vous arrivez à Piazza Armerina, village tout rond autour de son imposante basilique. Là, prenez vos quartiers à l’hôtel Suite d’Autore : un boutique-hôtel dans de vieilles maisons, face à la cathédrale. Ultramoderne, presque exagéré dans le genre design, vous pouvez en repartir avec le mobilier qui compose votre chambre : tout, ici, est à vendre. L’endroit est assez épatant. Le très jeune propriétaire nous a emmené visiter la célèbre villa Romana, où l’on apprend que ce sont les Romains qui ont inventé le bikini, puis un vignoble récent, Maurigi. Surprise d’y être accueilli par la directrice, jolie jeune fille en minijupe et diplôme d’£nologie. Le site est (était) grandiose, très malmené par les chais, d’une architecture industrielle-rurale vraiment très laide. Les vins sont très modernes. Sur quarante hectares, on y cultive une quinzaine de cépages. Tout ceci tient du laboratoire, on y assemble tout et n’importe quoi. On y fait des essais, pas toujours concluants.

Morgante et la vallée des Temples

Traversée d’improbables collines pelées, c’est le Sud, villages déserts, volets mi-clos et sens aux aguets, on sent très bien qu’il ne s’agit pas de rigoler, l’ombre veille. Les Palermitains disent de la Mafia que c’est une ombre qui marche. Ce ne sont, en fait, que de tristes brutes qui ne marchent pas si bien. Morgante existe dans ce pâle décor depuis quelques décennies. Ils proposent une gamme courte de quatre ou cinq cuvées. Le top, chez eux, c’est le Don Antonio, un beau vin dense et noir, puissant, à 18 euros. Aujourd’hui, ce sont les deux fils qui gèrent le domaine, mais le patriarche promène toujours sa silhouette de film américain entre les grandes cuves en inox. Plus tard, nous serons dans un hôtel, sur une butte qui regarde la vallée des Temples. Il s’appelle Baglio della Luna, ce qui veut dire à peu près  » la cour de la Lune « . Voici un hôtel d’un certain niveau, organisé autour d’une cour fermée (baglio) qui descend jusqu’à une piscine, nous ne sommes pas ici dans le luxe effréné et l’endroit est reposant. Belle salle à manger à vue panoramique.

Donnafugata et le Kempinski

Les chais sur le quai, la brise marine qui rafraîchit une ambiance qu’on devine assez vite surchauffée au plus fort de l’été. Donnafugata est une belle marque, établie depuis longtemps, un grand nombre de cuvées, une ambassadrice de charme en la personne de la fille de la maison, crooneuse à ses heures. L’endroit va bien, le chai à barriques est splendide, on expédie dans le monde entier et Ben Rye, le passito de Pantelleria de la maison, est sublime. Ce soir, nous dormirons au Kempinski, énorme resort international d’un luxe appuyé. Il va de soi que c’est le genre d’option hôtelière indispensable pour attirer une clientèle haut de gamme, à l’exigence monomaniaque. Ils veulent le même hôtel partout où ils se déplacent, ils l’ont, le confort est parfait mais on a l’impression étrange d’avoir déjà dormi dans cette chambreà

Planeta et Trapani

Alessio Planeta est un grand garçon préoccupé, qui dirige avec son frère un domaine familial en place depuis des générations. Il parle de plus de 400 hectares, ici dans l’ouest mais aussi vers Noto, dans le sud-est et sur les pentes de l’Etna. Il maîtrise parfaitement quelques langues vivantes et toutes les ficelles de l’£notourisme qui gagne. Chez Planeta, il y a longtemps que l’on exporte, et on suit le développement du mondovino avec beaucoup d’application. Les vins sont très bien, la gamme coche toutes les cases. Cap au nord-ouest, maintenant. Nous allons vers les marais salants qui débordent Trapani. Là, il y a le Relais Antiche Saline, un drôle d’hôtel cerné par les bassins d’eau de mer en train de s’évaporer. Il est tenu par des gens charmants, et doté d’un restaurant et d’une cave de vins italiens absolument épatants, ce qui justifie tous les détours.

Rapitalà et Sallier de La Tour

Rapitalà est un domaine qui a échu par alliance à des aristocrates normands, les Bernard de La Gatinais. Sicilien comme pas un, le jeune comte qui nous reçoit est un garçon solide, très passionné par ce qu’il fait, ce qui est la marque de la plupart de ceux que nous avons rencontrés. Le domaine est implanté au creux d’une suite de collines qui lui font comme un berceau. C’est très beau. Récemment repris par un grand groupe italien, il produit une large gamme de vins à tous les prix. Ici, on irrigue (sans quoi la vigne brûlerait, l’été) et on produit beaucoup. Certains de ses vins sont de très beaux assemblages de cépages internationaux (cabernet-sauvignon) et autochtones (le nero d’avola). Nous passerons la nuit chez Sallier de La Tour, autre aristocrate de lointaine origine française. Tout le contraire de Rapitalà. Peu de terre et petite production quasiment manuelle, le blanc est excellent. Et le domaine est une maison d’hôtes assez exceptionnelle, avec coins et recoins, immense salon-cathédrale, cascades de fleurs dans toutes les cours et les patios. Monsieur Sallier de La Tour sait recevoir.

Nos adresses en Sicile

La Sicile s’aborde par Palerme. Sa rade tonique, les montagnes en fond de décor. Mais aussi sa circulation dantesque, où tout se joue à l’oreille. Un crissement de pneus sur l’asphalte chaud vaut un coup de Klaxon. D’où l’importance d’arriver dans le bon hôtel, tout de suite. Nous, c’est la Villa Igiea, un grand machin Napoléon III, les jardins en pente douce vers la rade, un service comme on n’ose plus y croire. Cet endroit, c’est une retraite dont on ne veut plus sortir. Posologie : deux nuits pas plus, usage intensif du restaurant et de la piscine (ses belles Palermitaines), promenade dans le parc (ses fleurs, son ombre). Voilà, vous êtes reposés, acclimatés et prêts à attaquer la Sicile de l’intérieur, par le vignoble. Un triangle Palerme – Agrigente – Trapani. Les pentes de l’Etna ? Une autre fois.

Nos 6 coups de c£ur :

1. À Palerme, un hôtel de luxe dans un cadre enchanteur

Villa Igiea, 43, Salita Belmonte, à 90142 Palermo. www.villaigiea.hilton.com. Tél. : + 39 0916 31 21 11.

2. À Paceco, confort simple, mais très belle cave

Relais Antiche Saline

www.relaisantichesaline.com. Tél. : + 39 0923 86 80 29.

3. À Piazza Armerina, le design ultramoderne, là où on l’y attend le moins, Hôtel Suite d’Autore

www.suitedautore.it. Tél. : + 39 0935 68 85 53.

4. À Agrigente, le parfait hôtel de tourisme

Hôtel Baglio della Luna

www.bagliodellaluna.com. Tél. : + 39 0922 51 10 61.

5. À Camporeale, cet hôtel est un vignoble, Masseria Pernice

www.sallierdelatour.it. Tél. : + 39 0924 36 797.

6. À Mazara del Vallo, le grand luxe en version internationale

Hôtel Kempinski Giardino di Costanza

www.kempinski.com. Tél. : + 39 0923 67 50 00.

Par Nicolas de Rouyn / Photos : Mathieu Garçon

Ce clan des Siciliens sait aussi soigner l’étiquette

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