Le 1er août, pour sa fête nationale, la Suisse s’offre une grande partie de campagne. Au cour de l’été, les paysans assurent ainsi la promotion de leurs savoureux produits de tradition en organisant un brunch à la ferme. Une institution unique en son genre !

« Proches de vous les paysans suisses.  » Le comédien Jean-Luc Bideau, le chef triplement étoilé Philippe Rochat, le grand architecte Mario Botta (lire aussi en page 18), posent fiers et souriants sur de grandes affiches. Pour marquer tous les trois leur adhésion à cette campagne en faveur de l’agriculture helvétique, ils portent fièrement la chemise paysanne bleue ornée d’edelweiss. D’autres stars l’ont fait avant eux, comme le chanteur Stephan Eicher ou le pilote de F1 Michael Schumacher. Et chaque citoyen de chaque canton de la Confédération, anonyme ou célèbre, est ainsi invité à marquer son soutien à un secteur qui doit se défendre face à la concurrence internationale.

Constituant 3 % de la population active nationale, les paysans suisses sont certes une minorité. Mais celle-ci suscite bien de la sympathie, et pour plusieurs raisons. Tout d’abord, chacun a, de près ou de loin, un agriculteur, un éleveur, un viticulteur, dans son arbre généalogique. Deuxièmement, la taille relativement petite des villes et leur faible emprise sur le territoire fait que la campagne est toujours accessible, en peu de temps de surcroît, grâce à la bonne organisation des transports en commun. Ensuite, le relief du pays, entre autres toutes ses parties alpestres, nécessite, pour le maintien de sa qualité, l’intervention des paysans, plus que jamais jardiniers du paysage.

Conscients que leur agriculture ne peut survivre sans leur soutien, de nombreux Helvètes s’inscrivent dans des circuits courts de diffusion, en participant à des groupements d’achats, en cueillant fruits ou légumes dans les champs. De leur côté, les fermiers multiplient les activités de transformation des produits qu’ils élaborent en privilégiant les spécialités traditionnelles comme les charcuteries de montagne ou les fromages d’alpage.

Depuis dix-huit ans maintenant, le pays tout entier partage le brunch du 1er août, jour de la fête nationale. En 2009, pas moins de 200 000 personnes y ont pris part, dans 420 exploitations réparties dans tous les cantons de la Confédération. Ce qui signifie que chaque ferme a accueilli en moyenne 500 personnes en un seul jour ! Pour garantir un vrai moment de convivialité, certaines exploitations agricoles limitent toutefois le nombre de couverts. Elles sont généralement situées dans les alpages, comme c’est le cas de celle de la famille Sarbag-Aelig, à Adelboden, dans l’Oberland bernois.

Comme tout producteur laitier d’alpage, ces paysans ont assuré à la mi-mai la transhumance de leur bétail laitier depuis le bas de la vallée jusqu’à leur chalet en montagne, à quelque 1 300 mètres d’altitude. Les vaches broutent jusqu’au tout début de l’automne (l’estivage se termine officiellement le 10 octobre) des dizaines d’hectares de prés d’altitude. Et le lait – biologique – est transformé directement sur place, selon un savoir-faire ancestral, en un fromage à pâte dure, le Berner Alpkäse qui bénéficie d’une AOC depuis 2004.

En effet, cette appellation d’origine prévoit que le lait cru est transformé dans des cuves en cuivre chauffées au feu de bois. Seule la présure naturelle peut être ajoutée au lait afin d’obtenir le caillé. Les meules obtenues en pressant celui-ci sont plongées dans une saumure puis mises en cave où elles sont soignées régulièrement par un frottage de leur croûte avec du sel et de l’eau. Un Berner Alpkäse AOC ne peut être commercialisé avant 6 mois d’affinage.

C’est ce fromage au goût moyennement aigre, salé, avec une note fumée que l’on déguste avec du pain chez les Sarbag-Aelig lors du brunch du 1er août. Avec du pain et des charcuteries artisanales avant de savourer les desserts traditionnels. Le soleil aidant, la longue table dressée dehors pour une cinquantaine de personnes offre une vue sans pareille sur les chaînes de montagne voisines.

Comme dans toutes les exploitations participant au brunch, la fête ne peut être complète sans ses musiciens. De l’accordéon au cor des Alpes en passant par les groupes folkloriques, chaque hôte donne le ton à sa manière dans une atmosphère bon enfant. Pour agrémenter encore cette belle journée des alpages, dont chacun repart content d’avoir quelques heures durant goûté l’assiette d’un paysan pur nature.

Carnet d’adresses en page 40.

Par Jean-Pierre Gabriel

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content