3 questions à Eric Boschman sur les vins d’artisans wallons

© Odile Vanhellemont
Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

C’est l’un des livres dont on parle en ce moment,  » Vins d’artisans en Wallonie  » raconte un pan, de plus en plus important, de la viticulture belge actuelle. Ceci à travers la rencontre de 25 vignerons qui font le vin wallon.

Derrière cet ouvrage se cachent trois auteurs, Eric Boschman, Marc Vanel et Aurélie Degoul, qui ont sillonné le sud du pays. Pour en savoir plus sur les contours de ce vignoble proche mais trop souvent méconnu, dont l’histoire remonte à 814, nous avons posé trois questions à Eric Boschman, sommelier spécialiste de la question.

Est-ce que dans l’expression « vins d’artisans wallons » il n’y a pas un pléonasme… le vin wallon n’est-il pas d’office artisanal ?

3 questions à Eric Boschman sur les vins d'artisans wallons
© Odile Vanhellemont

Eric Boschman : Il faut s’entendre sur la définition de l’artisanat. Pour moi, ce n’est pas une question de taille. On peut être petit et faire des produits insignifiants, tout comme on peut être grand et résister aux diktats du marché, regardez Pierre Marcolini. Cela dit, les gens croient trop souvent que les domaines wallons sont minuscules, c’est loin d’être le cas. L’avenir du vignoble belge est en Wallonie, les investissements y sont de plus en plus nombreux et les superficies n’ont rien de négligeables. Je pense à des domaines comme ceux du Vin de Liège, du Chant d’Eole ou du Ry d’Argent. Pour ce qui est de la vinification, les vignerons wallons sont à la hauteur. Pas de différence entre les bulles d’un champagne et celles d’une cuvée Ruffus. Pour résumer, on peut dire que la viticulture en Wallonie a connu trois stades. Le premier est celui du folklorisme, soit, pour faire une métaphore, celui de types qui jouent de la trompette dans leur salle de bain mais qui ne joueront jamais devant le public du Carnegie Hall. C’est important, c’est grâce à eux, et leur amour de ce patrimoine que la vigne a redémarré sous nos latitudes. Le stade 2 tend vers le professionnalisme mais c’est encore une histoire d’amateurs. Aujourd’hui, on en est au stade 3, soit des passionnés qui veulent en faire un métier. Il est vrai que le vin est une très belle façon de se reconvertir pour les agriculteurs. Tout faire, du fruit à la bouteille, permet de maîtriser son marché. Mais cela reste un fameux challenge car lorsqu’on possède 25 hectares de vignes en Champagne on est riche, en Belgique on est juste… endetté.

Dans l’introduction, vous mettez en garde à propos de « ces vins qui ne seront pas toujours au diapason de votre palais », quel est le véritable intérêt du vin wallon dès lors ?

Faire du vin en Wallonie, et plus largement en Belgique, c’est comme chanter en français pour un groupe de rock. C’est une démarche anti-globalisation. Nos palais sont formatés par des standards internationaux qui tendent vers une certaine uniformisation du goût. De nombreux vignerons belges sont à un carrefour, soit ils choisissent les cépages classiques, soit les cépages interspécifiques qui résistent mieux à nos climats. En faisant le second choix, ils optent pour des vins différents, pouvant être davantage marqués par l’acidité par exemple. C’est une acidité qui apporte quelque chose mais il faut être en mesure de pouvoir l’apprécier. Il faut également savoir que celui qui fait le choix des interspécifiques réduit l’utilisation de produits phytosanitaires à une échelle plus que significative… Il pulvérisera littéralement dix fois que quelqu’un qui aura choisi un cépage classique.

Quel domaine faut-il visiter pour se faire une idée de ce qu’est le vin wallon ?

3 questions à Eric Boschman sur les vins d'artisans wallons
© Serge Anton

Il faut en faire trois. Le vignoble des Agaises, d’abord. A la fois pour prendre la mesure d’un excellent vin effervescent belge et à la fois parce qu’ils ont l’infrastructure pour accueillir du public. Ensuite, je dirais le Château de Bioul pour découvrir le potentiel des cépages interspécifiques ainsi qu’un projet ambitieux prenant place autour d’un vrai château. Et, enfin, un petit domaine, à finalité sociale, comme celui du Poirier du Loup à Torgny. L’endroit est d’une grande convivialité. Il est également possible de profiter de cette visite pour aller manger chez Clément Petitjean, le chef de La Grappe d’Or, l’un des meilleurs restaurants de Belgique.

3 questions à Eric Boschman sur les vins d'artisans wallons
© Odile Vanhellemont

Vins d’artisans en Wallonie, Eric Boschman, Marc Vanel et Aurélie Degoul, photographies d’Odile Vanhellemont, Racine, 192 pages, environ 29,95 euros.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content