Varsovie, une ville enfin réconciliée avec elle-même

Vue sur le pont enjambant la Vistule, fleuve séparant Varsovie en deux © istock

Varsovie fut longtemps une ville coupée en deux, par le fleuve, l’histoire, la réputation. La rive droite était un coupe-gorge, la rive gauche, celle du pouvoir et de l’argent. Mais depuis une quinzaine d’années, la ville change et ses deux parties se réconcilient peu à peu.

Même la géographie des rives de la Vistule contribuait à la division entre deux mondes, estime Halina Cieszkowska, une ex-enseignante de 95 ans qui habite depuis longtemps le quartier ouvrier de Praga, sur la rive droite: « La rive gauche est en pente raide. Elle est plus haute, et donc on nous regardait de haut, nous qui sommes en bas », s’émeut cette nonagénaire, une puce d’1,48 mètre pleine d’énergie.

Quartier de Praga
Quartier de Praga© AFP

« Praga a toujours été le mauvais quartier, négligé (…), qui avait donc et a encore un complexe d’infériorité », explique Mme Cieszkowska.

En 1944, les nazis avaient réduit en ruine 85% de la rive gauche, tandis que Praga, sur la rive droite déjà occupée par l’armée soviétique, avait, elle, été relativement épargnée.

Les vieux murs en brique rouge de Praga ont résisté -malgré des impacts de balles ici et là-, les lampadaires sont restés debout, les petites chapelles de la Vierge Marie ont survécu dans les cours d’immeubles. Et c’est ce cadre d’époque qui avait conduit Roman Polanski à tourner dans ce quartier de Varsovie son film « Le Pianiste », récompensé par trois Oscars en 2003.

Mais, revers de la médaille, comme les maisons de Praga tenaient encore sur leurs fondations, tous les financements pour la reconstruction de la ville après la guerre sont allés en face, à cette rive gauche en piteux état.

Et peu à peu, au fil des décennies, Praga a périclité.

Varsovie, une ville enfin réconciliée avec elle-même
© AFP

« Le quartier est tombé en ruine », dit le tailleur Jerzy Hlasny, un moustachu de 63 ans, dont 41 passés dans son atelier, un oeil durablement affaibli depuis une agression par des voyous. « Praga était une sorte d’enfant mal-aimé. »

Un maire-adjoint de Varsovie, Michal Olszewski, arrivé en 1996 dans la capitale polonaise, se souvient avoir vécu d’abord « dans le Triangle des Bermudes, une zone de Praga dont la légende disait qu’on n’en sortait pas vivant ».

Bars branchés

« Les choses changent maintenant », se félicite le tailleur Jerzy Hlasny.

Aujourd’hui, on trouve dans l’ancien quartier ouvrier des galeries d’art et des bars branchés où l’on déguste les « pierogi », sorte de raviolis géants polonais. Des immeubles anciens du XIXe siècle ont été rénovés. Et, surtout, une nouvelle ligne de métro a été ouverte en 2015. Autant d’arguments qui ont réduit la distance avec l’autre rive.

Varsovie, une ville enfin réconciliée avec elle-même
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La mairie a tenté d’initier la mue dans les années 90, mais le vrai tournant est venu il y a une quinzaine d’années, en rénovant plusieurs bâtiments de la rue Zabkowska, l’une des artères historiques de ce quartier, relève Adam Lisiecki, du Musée de Praga.

« Cela a vraiment changé l’image » du quartier dans l’esprit des gens. « Plein de visiteurs de la rive gauche » ont commencé alors à redécouvrir Praga, dit-il.

L'ancienne place du marché
L’ancienne place du marché© AFP

Depuis, pour rénover le quartier, la ville a aussi bénéficié notamment de subventions du Fonds européen de développement régional.

Et la mairie compte désormais injecter à Praga 350 millions d’euros pour accélérer la revitalisation du quartier.

D’ici 2022, des milliers de logements devraient être branchés sur le système de chauffage municipal; des sites historiques devraient être restaurés; et la ville promet un effort pour lutter contre l’exclusion sociale.

Varsovie, une ville enfin réconciliée avec elle-même
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En termes d’impact économique et social, le projet le plus important pour Praga reste la prolongation prévue dans les prochaines années de la deuxième ligne de métro, estime le maire-adjoint Olszewski.

L’art et la plage

Certes, la mauvaise image de la rive droite persiste encore parfois, déplorent des habitants, tel Adam Lisiecki du Musée de Praga.

Mais elle n’est plus rien en comparaison d’autrefois.

Signe des temps, Agnieszka Niedzwiecka, qui vit sur la rive gauche, a ouvert en 2010 une galerie d’art à Praga, rive droite. Elle raconte à l’AFP avoir été bien accueillie par les habitants du quartier. Ils ont dit « que Praga serait bientôt associé à l’art, et non plus à l’alcool ».

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Même le fleuve contribue maintenant à rapprocher les deux rives, de part et d’autre de la Vistule: les bords du fleuve sont devenus des lieux d’animations estivales… surtout sur la rive droite de Praga, riche d’une grande plage urbaine.

« C’est proprement incroyable que ce terrain sauvage ait pu être préservé en plein centre-ville. On peut y allumer des feux de camp, faire des grillades et boire une bonne bière », se réjouit Adam Lisiecki.

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