L’oeuvre de Salvador Dali et Andy Warhol, deux des artistes les plus marquants du XXe siècle, se traduit désormais dans une recherche olfactive. Une aubaine pour les collectionneurs.
Silhouette souple et fluide enveloppée de soie, déhanchement lascif et tête abondamment fleurie… La » Femme à la tête de rose « , peinte par Salvador Dali en 1935, inspire Daliflor, le dernier » conte parfumé » de la saga des parfums Dali. Ces courbes sensuelles, transposées sur le verre (une véritable prouesse technique), accueillent une composition florale-boisée-fruitée, dont la rose est l’âme charnelle et soyeuse.
Les parfums Dali? C’est l’idée très personnelle d’un homme passionné d’art. L’histoire commence au début des années 1980. » A ce moment, raconte Jean-Pierre Grivory, PDG de la société Cofinluxe, le parfum appartenait à l’univers de la mode et des couturiers. Or, pour moi, le parfum est lié directement à l’art. Un parfumeur qui crée des huiles essentielles travaille exactement de la même manière qu’un peintre qui manie ses pinceaux. J’ai souhaité retrouver ces racines artistiques. » Jean-Pierre Grivory pense immédiatement à Salvador Dali, l’un des grands maîtres encore vivants à l’époque. Plus qu’un peintre de génie, cet artiste visionnaire s’implique dans beaucoup de domaines. Pionnier d’holographie, Dali crée des objets en cristal pour Baccarat, dessine des costumes pour les Ballets russes, collabore avec le réalisateur espagnol Luis Buñuel. Homme amoureux et sensuel, il adore les parfums. Dali aimait à répéter : « Des cinq sens, l’olfaction est sans nul doute celui qui donne l’idée de l’immortalité… «
Jean-Pierre Grivory adresse à Dali un télégramme où il expose sa stratégie : créer, à partir d’un dessin original, un flacon en édition limitée et numérotée, et le décliner, ensuite, en une ligne d’eaux de parfums et de toilette, distribuées en parfumerie. La réponse du maître, positive, arrive immédiatement. On se met, alors, au travail. A partir de son tableau » Apparition du visage de l’Aphrodite de Cnide dans un paysage » (inspirée de la très célèbre statue de Praxitèle), Dali fait l’esquisse d’une bouteille. Le flacon s’anime de courbes d’une bouche voluptueuse. Il est surmonté d’un bouchon prenant la forme du nez grec de l’Aphrodite. Le jus ? Une composition à base de rose et de jasmin. » La rose était la fleur préférée de Gala, sourit Jean-Pierre Grivory. Dali adorait le jasmin. D’ailleurs, il peignait souvent avec une fleur de jasmin à l’oreille. «
Ce premier parfum féminin Salvador Dali, appelé aujourd’hui, tout simplement, Le Classique, a été suivi par une bonne dizaine de lignes parfumées. Laguna, un floriental frais, sensuel et dynamique à la fois, reste fidèle à Salvador Dali par le tracé de son flacon » bouche « , mais affirme sa différence par la couleur turquoise du lagon tahitien. Laguna en version masculine sortira ce printemps. Son flacon sera bleu profond, comme le ciel de Polynésie. Le flacon de Dalimix, une fragrance unisexe fraîche et naturelle, destinée aux jeunes, évoque aussi la bouche, déjà tout un symbole, mais associée à un menton d’homme, givré et transparent. Les autres fragrances se distinguent par des flacons originaux, inspirés des différentes oeuvres de Dali. Par exemple cette aquarelle, peinte au milieu des années 1940, qui reflète l’admiration de l’artiste pour Louis XIV. La même extravagance, la même mégalomanie, la même passion du luxe… Le Roy Soleil décline un chypré oriental en version féminine et un chypré aromatique en version masculine.
Lancés, tous, sans pratiquement aucun support publicitaire, les parfums Salvador Dali se taillent un joli succès de par le monde, et aussi en Belgique. Les meilleures ventes ? En Russie et au Japon ! » Notre société a été l’une des premières à s’implanter en Russie communiste, explique Jean-Pierre Grivory. Or il faut savoir qu’à l’époque les Russes n’avaient pas beaucoup de distractions. La mode n’avait pour eux aucune signification. D’où un intérêt énorme pour l’art et la culture. Salvador Dali était un peintre très connu. Ses parfums correspondaient aux aspirations du peuple russe. Le Japon, c’est pareil. Les gens sont extrêmement raffinés et passionnés d’art. Ils sont avides de connaître et d’intégrer la culture occidentale. «
Après Dali, Andy Warhol
Il y a trois ans, la Fondation Andy Warhol souhaite lancer un parfum en hommage à la star du pop art. En toute logique, le PDG de Cofinluxe est contacté. » Le projet m’a intéressé car il impliquait un lien et une légitimité, souligne Jean-Pierre Grivory. Un concept doit être homogène et cohérent. Il ne suffit pas de juxtaposer un nom et un produit. Or, en dehors de Dali, Warhol est celui qui s’est intéressé le plus aux différents domaines culturels et à l’art de vivre. Il a su intégrer les images de tous les jours pour en faire des oeuvres d’art. Les deux artistes ont d’ailleurs beaucoup de points communs, même s’ils les ont exprimés différemment : le non-conformisme, une certaine extravagance, le goût de la provocation et un extraordinaire sens du marketing. «
Deux célèbres tableaux d’Andy Warhol sont sélectionnés : « Les Fleurs de pavot » pour le jus féminin (un fleuri-boisé-vanillé) et les « Dollars » pour le jus masculin (un boisé marin). L’originalité du concept ? Chaque année, ces » parfums tableaux » s’enrichissent de deux nouvelles éditions chromatiques : au printemps et en automne. La touche finale? Les différentes couleurs « pop » sont obtenues par une sérigraphie sur verre, selon la technique même des oeuvres originales créées par Andy Warhol. Le scoop ? Un parfum Marilyn ! Le flacon sera décliné en trois harmonies de couleurs. Il y aura aussi trois jus différents, tous » glamour » et hollywoodiens à souhait (sortie ce printemps).
Barbara Witkowska
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