Comme Viola (Jane Fonda) et Charlie (Jennifer Lopez) dans Sa mère ou moi vous vous affrontez sans ménagements ? Votre belle-mère vous exaspère, mais restez zen : c’est pour votre bien !

« Quelle est la différence entre une belle-mère et un bouledogue ? Le rouge à lèvres…  » Des blagues corrosives sur les belles-mères, on en trouve à la pelle. Jusqu’en milieu botanique où le surnom de langue de belle-mère est donné non pas à une douce fleur raffinée mais à… la sansevière, une plante grasse aux feuilles pointues ! C’est un fait, depuis que le monde est monde, ou plutôt depuis que les relations de couple existent, la belle-doche s’en prend plein la tronche. Mais si auparavant, on entendait principalement les gendres plaisanter sur leur belle-maman trop envahissante, dorénavant, ce sont surtout les brus qu’on écoute se plaindre. La note humoristique en moins.

Perfide, aigrie, méchante, jalouse, rusée, possessive, infantilisante… À en croire les blogs et les forums qui pullulent sur le sujet, la belle-mère incarnerait tous les vices. Pourquoi si rare est la bru à faire l’éloge de celle qui a pourtant mis au monde sa moitié, l’être aimé, le père de ses enfants ? Probablement parce que ce lien conflictuel universel et intemporel est nécessaire au bien-être de son couple et de ses kids justement ! Un point de vue inédit et surprenant défendu par Aldo Naouri, qui signe Les belles-mères, les beaux-pères, leurs brus et leurs gendres (*).

 » Pour comprendre, il faut d’abord savoir que la relation d’une mère à sa fille est d’une densité et d’une importance considérable, souligne le célèbre pédiatre. De façon inconsciente, « la belle-mère de gendre » a pour objectif de garder sa fille pour elle et même de récupérer les enfants de celle-ci… Raison pour laquelle, d’ailleurs, on assiste souvent au cas de figure où la fracture du couple est accélérée par l’insistance de la mère de l’épouse à vouloir impérativement chasser monsieur. Il est donc important qu’en face, il y ait une force qui vienne contrarier l’action de « la belle-mère de gendre », et c’est le rôle de « la belle-mère de bru ». Malheureusement, notre époque déteste le conflit. On refuse de comprendre qu’il est constitutif de la vie… Il est même essentiel que les deux forces contraires ne cessent de se contrarier. « 

MOURIR DE SA BELLE-MÈRE

Cette guerre larvée entre hommes et femmes existe depuis la création de la loi de l’espèce, l’interdit de l’inceste.  » Une loi instaurée par les hommes, il y a 300 000 à 500 000 ans, pointe Aldo Naouri. En effet, pour éviter de risquer la mort pour se trouver une partenaire sexuelle, les hommes ont procédé à des échanges de femmes entre groupes. Sans demander leur avis aux femmes, évidemment. Ces dernières s’y sont soumises parce qu’elles étaient plus faibles physiquement. De génération en génération, les hommes se sont donné un pouvoir légal, dans les canons de droits. Les femmes, bien que dénuées de pouvoir, possèdent quant à elle une puissance intrinsèque : portant les enfants, elles ont un lien avec eux d’une solidité considérable ! À tel enseigne que l’enfant n’a de père que dans la mesure où la mère le lui désigne comme tel… « 

De cette guerre entre les sexes s’est opérée une certaine homéostasie, un équilibre sociétal : le père a le pouvoir, la mère possède la puissance. Malheureusement, selon le pédiatre, notre société occidentale néolibérale a anéanti, avec la révolution sexuelle des années 70, le soutien de la société tout entière au père. Avec l’émergence de la coparentalité, on a réduit à néant le pouvoir paternel et laissé toute la place à la puissance maternelle :  » la nature  » a repris le pas sur  » la culture « , entraînant avec elle l’avènement d’une société sans limites. Car, pour Aldo Naouri, si la société patriarcale présentait certes de sérieuses inégalités envers la gent féminine, la société matriarcale, elle, n’aura pas gommé ces dernières mais tout au plus a- t-elle nié les différences entre les sexes.

 » L’idéologie patriarcale consiste à asséner : « On ne peut pas satisfaire tout le monde, parce que si tel était le cas, plus personne ne voudrait rien faire ! », enchaîne le pédiatre. Alors que l’idéologie matriarcale est de vouloir que chacun soit satisfait dans ses besoins. Ces deux idéologies, en opposition totale, sont aussi indispensables l’une que l’autre. Et pendant très longtemps, c’est de cette opposition qu’ont émané les progrès ! Aujourd’hui, le matriarcat n’a plus rien qui s’oppose à lui… Et va donc finir par s’effondrer également. « 

Aux yeux d’Aldo Naouri, l’anéantissement du système patriarcal est dramatique. On a vu ainsi naître les enfants-rois, capricieux, incapables à gérer et dans le refus du moindre effort.  » Ils ne sont pas bêtes ces enfants : puisqu’on leur dit « tout vous est dû », pourquoi voulez-vous qu’ils fassent un effort ?  » Et le pédiatre de pousser plus loin son raison-nement : face à la disparition de la politesse, des conventions et des bonnes manières,  » la belle-mère de bru  » serait un dernier rempart à la cause paternelle.  » Quand son fils prend une femme, « la belle-mère de bru » va bouleverser la position féminine pour faire entendre l’importance de « la culture » au travers de son fils, souligne le pédiatre. Le langage qu’elle adresse à sa bru pourrait se résumer sur le mode suivant : ce n’est pas au vieux singe qu’on apprend à faire la grimace. J’ai été femme avant toi, je sais comment j’ai réussi par toutes sortes de comportements propres au féminin à faire manger le père de mon fils dans ma main, eh bien, je t’avertis : je suis là, je te surveille, je te regarde. De mon fils, tu ne feras pas ce que tu voudras ! « 

ESPÈCE EN VOIE D’EXTINCTION

Difficile pourtant d’imaginer que lorsque notre belle-mère exige qu’on fête l’anniversaire de notre fille chez elle, réclame qu’on se raccorde au téléphone fixe  » parce que cela coûte moins cher « , insiste pour qu’on passe les dimanches en famille… ce soit pour notre bien à nous, les épouses ou compagnes. Mais être consciente que son existence est importante à l’équilibre de notre couple et à celui de nos enfants devrait nous aider à l’apprivoiser plutôt qu’à tenter de s’en débarrasser. D’autant plus qu’avec l’explosion des divorces,  » la belle-mère de bru  » est sérieusement menacée…  » Avoir plusieurs belles-mères pour une bru équivaut à n’en avoir aucune, confirme Aldo Naouri, alors que « la belle-mère de gendre », elle, est toujours là, malgré le divorce. « 

Bref, plutôt que de voir notre belle-mère comme une ennemie, tentons de la regarder comme une alliée. Transformons nos envies de meurtre en petites attentions. Recevons ses remarques avec clémence, mettons de la Spa dans notre Margaux, et restons zen. Sans pour autant se laisser marcher sur les pieds. Pour nous aider à trouver un nouvel équilibre et  » pardonner  » à notre belle-mère, gardons à l’esprit la citation de Jules Renard :  » En chaque femme, il y a une belle-mère.  » Après tout, nous aussi, nous passerons peut-être un jour de l’autre côté de la barrière. Alors commençons par être la belle-fille idéale en ayant pour credo :  » aimez votre belle-mère, son fils vous le rendra… « 

(*) Éditions Odile Jacob, 2011.

PAR VALENTINE VAN GESTEL

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