Tous les meubles ont droit à une seconde vie : c’est le credo d’Iris De Feijter et Thijs Demeulemeester qui ont recréé, chez eux, un univers complètement iconoclaste où s’entrechoquent pièces de designers et trouvailles bon marché… ou dénichées sur le trottoir. Pour un résultat résolument inspirant.

Ledeberg est surnommé le Bronx de Gand. Snacks à pittas et magasins de nuit n’y sont pas rares… Mais quelques artistes ont également fait de ce quartier leur repaire. Un café branché s’y est même récemment installé. C’est là que les journalistes Thijs Demeulemeester et Iris De Feijter ont élu domicile. De la rue, rien ne laisse deviner l’intérieur atypique que le duo a façonné au gré de ses découvertes.  » Nous sommes tous les deux indépendants et notre lieu de vie est aussi celui où l’on travaille, explique Thijs. C’est ici que nos textes prennent forme et que nous imaginons des reportages créatifs pour des magazines. Notre environnement se doit d’être inspirant.  » Chez ce couple, les surprises ne manquent donc pas. L’espace respire le luxe et le bon goût, et pourtant, beaucoup d’éléments de mobilier et de déco proviennent de boutiques de seconde main, voire des poubelles ou de la rue. De quoi démontrer qu’il est possible d’aménager un intérieur que tout le monde jalouse, sans pour autant débourser des fortunes.

MIROIRS ET PORTE-CERCUEIL

Les curiosités commencent dès le hall d’entrée où trône une grande branche de lierre séché.  » Nous sommes un jour tombés sur ce tronc flétri et l’avons ramené chez nous, raconte Iris. En fait, pour notre déco, nous testons tout et n’importe quoi et c’est ce qui nous réussit le plus. Il nous arrive même de fouiller parmi les déchets et d’y pêcher des merveilles.  » A l’instar de leur plan de travail en marbre, aperçu sur un trottoir alors qu’il allait être emmené à la décharge.  » Il n’était pas en bon état mais cela n’a pas d’importance. Il s’harmonise parfaitement avec le cadre en bois brut et donne à notre îlot de cuisine beaucoup de caractère.  »

Dans le salon, ce sont quatre blocs en bois qui font office de table et viennent d’un chantier de construction abandonné… Et dans le séjour, ce qui attire l’oeil en premier, c’est une rosace en papier qui n’a coûté que 2 euros. Y prend également place un grand miroir triangulaire au look eighties, composé en réalité de plusieurs glaces achetées dans une boutique de récup’ pour 8 euros. Le résultat : une véritable oeuvre d’art. Google leur a appris plus tard que ces éléments miroitants provenaient des chambres de l’hôtel Holiday Inn, au Flanders Expo de Gand, avant que celui-ci ne soit rénové.  » Grâce à ces objets récupérés, nous avons toujours des anecdotes à raconter ; ce sont des éléments qui ont un passé et ont souvent frôlé la mort, rappelle la propriétaire. Nous avons un certain flair pour dénicher des pièces qui semblent à l’origine n’avoir que peu de potentiel. Il suffit parfois de les retirer de leur contexte insipide ou ordinaire pour modifier complètement leur style.  »

VIEUX MEUBLES ET DESIGN POINTU

Les antiquités ont également les faveurs de ce binôme à l’imagination débordante. Dans son espace de travail, qui ressemble davantage à un atelier qu’à un bureau de rédaction, pas de mobilier classique. La petite table, acquise sur Kapaza.be, servait autrefois à un entrepreneur de pompes funèbres pour le transport des cercueils.  » Elle était vendue en tant que « chariot industriel ». Nous n’avons appris sa véritable fonction que plus tard. Cette table s’allongeait en fonction de la taille du cercueil. La photo sur Internet était plutôt banale mais lorsqu’on regarde le mécanisme de plus près, on découvre des rouages intrigants « , s’amuse le journaliste. L’imprimante et le papier sont eux placés dans un mastodonte de seconde main datant du XIXe siècle :  » Les pièces antiques peuvent être magnifiques. Et elles ne coûtent presque rien car plus personne n’en veut.  » Si certains de leurs amis, au style plus minimaliste, qualifient leur logement de musée, le couple de propriétaires préfère parler d’atelier d’artiste.

Aux côtés de tous ces meubles et objets chinés, l’intérieur comporte quelques pièces stars : une table griffée Zanotta, un fauteuil Gispen, une chaise de Maarten Van Severen, une lampe de Florian Schulz, un bureau de Mathieu Lehanneur, un dessin signé par le peintre et graveur tournaisien Pierre Caille… La collection de céramiques vaut aussi le coup d’oeil ainsi que les animaux empaillés disposés çà et là. Si ces quelques objets ont un certain coût, le couple met toutefois un point d’honneur à ne pas acheter via les canaux habituels, privilégiant les recherches sur le Net, les fins de stock ou les prototypes des designers. Le meuble de Mathieu Lehanneur vient par exemple d’un déstockage de la marque Objekten.  » Nous n’entrons que rarement, voire jamais, dans un showroom de décoration pour acheter un article. La pire erreur à nos yeux est de choisir la totalité de son mobilier d’une traite, à une seule et même adresse. Comment un intérieur pourrait-il avoir une âme ? Le nôtre a été aménagé par couches, presque comme un collage.  »

ANONYMES ET GRANDS NOMS

Par ailleurs, si quelques noms connus se cachent dans l’ensemble, il ne s’agit en aucun cas de grands classiques. Le fil rouge reste le même : rechercher l’originalité comme le montre la table de cuisine Oormerk réalisée à l’aide d’anciens pieds de meuble. C’est ce mélange exceptionnel entre des pièces anonymes ou peu connues de designers qui rend l’habitation si particulière. Impossible au simple coup d’oeil de deviner ce qui a coûté cher ou pas. La preuve : parmi les neuf peintures de la chambre, seule une n’est pas issue d’un marché aux puces (et il s’agit d’une lithographie de Sonia Delaunay, une créatrice textile et designer d’impression qui vaut la peine d’être découverte)…  » Il ne faut pas avoir peur de faire des erreurs. Nous rapportons parfois chez nous des objets étranges mais nous leur trouvons toujours une place, conclut l’homme de la maison. Si vous craquez pour un objet, évitez de vous demander tout de suite où vous allez le mettre, sinon c’est perdu d’avance.  »

Dernier détail amusant : une fois par mois au moins, Thijs rentre chez lui avec un tapis sous le bras. Il se met ensuite en quête d’un endroit où le poser.  » C’est ma faiblesse, avoue-t-il. Ils exercent une certaine force d’attraction sur moi et je ne parviens pas à les laisser là. Ils apportent à n’importe quel espace de la chaleur et de la couleur.  » Un jour, alors que lui et sa compagne quittaient la Foire des antiquaires de Bruxelles, le passionné vit que la moquette recouvrant le sol était prête à être jetée.  » Elle était imprimé de dessins de Julien Colombier. J’ai réussi à sauver une partie de la décharge grâce à une amie qui m’a aidé à la ramener chez nous « , se souvient-il. Un tapis d’expo taché de champagne d’un côté et de pas poussiéreux de l’autre qui a désormais pris ses quartiers dans la chambre à coucher du duo.

PAR VEERLE HELSEN / PHOTOS : LUC ROYMANS

 » SI VOUS CRAQUEZ POUR UN OBJET, ÉVITEZ DE VOUS DEMANDER TOUT DE SUITE OÙ VOUS ALLEZ LE METTRE, SINON C’EST PERDU D’AVANCE.  »

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