Joyeux mais tourmenté, le plasticien star, célèbre pour ses smileys en forme de marguerite et ses sacs à main pour Louis Vuitton, collabore aujourd’hui avec Frisk, la marque belge de pastilles rafraîchissantes.

Il est l’un des artistes les plus célèbres, les plus accessibles et de ceux dont on reconnaît la patte instantanément. De quoi pousser le confiseur Frisk à s’offrir Takashi Murakami pour habiller ses dernières boîtes à bonbons. Trois étuis en édition limitée qui reproduisent, entre autres gimmicks, les fameux smileys fleuris du créateur. La rencontre entre la presse et la star, mieux protégée qu’un chef d’Etat, avait lieu dans la galerie parisienne du marchand d’art Emmanuel Perrotin. En bon communicant, le Tokyoïte de 53 ans, affable et toujours prêt au jeu des selfies, avait enfilé le jour des interviews une chemise auto-promotionnelle, constellée de ses drôles de personnages hérités de la tératologie nipponne. On n’est jamais aussi bien servi que par soi-même.  » Il n’y a pas de distinction entre l’oeuvre et le produit dérivé « , affirma un jour celui qui a collaboré avec le maroquinier Louis Vuitton pour des collections de sacs à main. Un partenariat qui lui a assuré la notoriété tout en attirant les reproches.  » On m’a présenté comme quelqu’un qui essayait de faire entrer la marchandisation dans le monde pur de l’art. Les révolutions sont comme ça : elles déclenchent un tourbillon d’éloges et de critiques « , confiait-il au Figaro en 2012. Car, à l’égal d’un Jeff Koons, la vedette entretient un rapport décomplexé avec la sous-culture et l’argent roi. On l’accuse de faire du divertissement ? Il répond que l’art est une notion typiquement occidentale qui n’est apparue que tardivement au Japon, à la fin du XIXe siècle, quand le pays s’est ouvert aux influences étrangères. Fin du débat, donc.

Issu d’un milieu modeste – son père était chauffeur de taxi et sa mère, femme au foyer – Takashi Murakami commence par étudier les techniques de la peinture japonaise traditionnelle à l’université de Tokyo. Il se destine à la bande dessinée puis bifurque vers l’art. Il invente, au début des années 90, son premier avatar pictural, Mr. Dob, qui a des allures de Mickey sous ecstasy. Entre le doux et le gore, son coeur balance. C’est l’un des traits du plasticien que de faire côtoyer l’horreur et la légèreté, l’insouciance et le trivial, l’épure et la surcharge. Regarder son travail, c’est un peu assister à l’autopsie de Candy. Dès ses débuts, il se désigne artiste néo-pop et crée son propre courant qu’il appelle Superflat, baigné par l’esprit des mangas. On le compare à Andy Warhol et il s’en accommode bien, si bien même qu’il monte, en 1996, un studio que l’on a tôt fait de comparer avec la célèbre Factory new-yorkaise de son modèle.

En l’espace de sept ans, l’homme va devenir la nouvelle coqueluche des cimaises. Collectionnées par François Pinault, ses sculptures, de plus en plus imposantes, mêlent jusqu’à dix techniques distinctes. Elles sont façonnées dans son nouvel atelier de Tokyo, une ruche ultra-organisée nommée Kaikai Kiki Co., qui emploie cinquante assistants et où l’on pénètre en déclinant son identité biométrique. Le Japonais est pris sous l’aile de Larry Gagosian, galeriste milliardaire qui n’a pas son pareil pour modeler les  » it artists « . Les prix de ses réalisations flambent, s’embrasent, jusqu’à atteindre 12 millions d’euros, en 2008, pour My Lonesome Cowboy, puis retombent ou repartent, comme à la Bourse. En 2010, il investit Versailles. C’est un scandale, évidemment. Et un sacre. Copain avec les rappeurs Kanye West ou Pharrell Williams, pour lequel il a produit le clip It Girl, le concepteur brouille en permanence les cartes, qu’il rebat avec le talent d’un génial bonneteur. Ses dernières oeuvres, exposées à Chelsea l’hiver dernier, sont plus sombres, marquées par les événements de Fukushima. Lui-même parle d’un tournant irréversible dans son parcours. Un choc post- tsunami qui, confiait-il au New York Times, l’a profondément changé. Même le star-system ne l’intéresserait plus. C’est dire la commotion.

PAR ANTOINE MORENO

 » Il n’y a pas de distinction entre l’oeuvre et le produit dérivé. « 

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