Les Fines Gueules, pour « communier avec le terroir »

Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

Après avoir officié sept ans à Verviers, Paul Knott cuisine désormais parmi les arbres fruitiers du pays d’Aubel et invite généreusement la nature dans ses assiettes. Pour le bonheur des convives de son restaurant au nom évocateur, Les Fines Gueules.

C’est beau un chef qui, tel un papillon sortant de sa chrysalide, déploie ses ailes. Longtemps confiné dans un environnement urbain, Paul Knott n’en revient pas d’avoir les pieds dans le gazon. Comme pour mieux y croire, il caresse l’herbe tendre d’une main bienveillante. Le sourire qui s’ensuit, illuminant son visage, fait plaisir à voir. Tout autour de lui, des pommiers, des cerisiers, des poiriers ainsi qu’une vigne sauvage plantent l’atmosphère végétale du plateau de Herve, entre Aubel et Battice.

Ce vert foisonnement en pente douce mène à une vieille ferme orientée plein sud. Bardé de bois exotique et éclairé par de larges baies vitrées, le bâtiment abrite aujourd’hui Les Fines Gueules, un restaurant bien dans son époque.  » Je voulais qu’il n’y ait presque pas de rupture entre la salle et le verger qui l’entoure, l’idée est de communier avec le terroir « , explique cet heureux propriétaire qui est le cousin du styliste Jean-Paul Knott.

La rupture avec son ancienne enseigne verviétoise est flagrante. Celle-ci s’affichait comme une espèce de duplex industriel. À nouvelle grammaire formelle, nouveau propos culinaire.  » Par goût personnel, j’ai décidé de renouer avec une cuisine de bistrot à la parisienne, dans le sens noble du terme, souligne ce chef dont les origines sont à la fois thaïes et coréennes. Une cuisine qui ne triche pas, qui joue la carte du fait maison et des produits irréprochables. Je travaille des mets emblématiques comme la blanquette, le vol-au-vent, la terrine… « 

Ce goût récemment acquis du zinc et de la tradition bistrotière ne risque-t-il pas de détourner Paul Knott de ses racines, de renoncer aux saveurs asatiques ?  » Sûrement pas, affirme-t-il. J’ai beau être arrivé en Belgique alors que j’avais à peine 5 mois, l’Asie est une source d’inspiration majeure pour moi, elle fait partie de mon ADN gastronomique… Je constate d’ailleurs qu’à un certain point, toutes les cuisines se ressemblent. Elles fonctionnent selon les mêmes équilibres, reposent sur les mêmes tensions. Quand je bossais dans le sud de la France, je me souviens que l’on utilisait un jus monté à l’anchois pour accompagner une viande de taureau, c’est exactement le principe de la sauce nuoc-mâm au Vietnam. Mon bagage asiatique est un atout pour souligner le caractère des plats, il me permet de renforcer les goûts. Chez moi, les escargots de Bourgogne expriment tout leur potentiel grâce au wasabi. Idem pour le lapereau en croûte de moutarde japonaise ou pour la classique côte à l’os que l’on peut agrémenter de caramel de soja.  » Dans la foulée de cette profession de foi asiatique, il avoue ne pas pouvoir se passer du wok, outil indispensable de ses cuissons.

Itinéraire d’un enfant doué

 » Quand j’étais à l’université, je travaillais en salle pour financer mes études, se souvient Paul Knott. J’étais fasciné par les chefs. Les odeurs qui s’échappaient des cuisines me rappelaient les plats de mes grands-mères. C’est d’elles que je tiens ma passion pour la cuisine, sans oublier ma gourmandise.  » Sa vocation, Paul Knott, 38 ans, l’a eue sur le tard. C’est à 24 ans, après des études de psychologie, qu’il se lance grâce au parrainage de Roger Simul, le chef du Charmes Chambertin à Clermont-Thimister. Il passe ensuite chez Georges Blanc, le célèbre 3-étoiles de Vonnas, en France, dans la région Rhônes-Alpes, et obtient une place de chef exécutif d’un hôtel de luxe à Gordes, dans le Lubéron.  » De retour en Belgique, j’ai d’abord exercé comme second chez le traiteur Pascal Goosse, à Liège, avant d’officier au Château des Thermes, à Chaudfontaine… Cela dit, je n’attendais qu’une chose : m’installer à mon propre compte. L’opportunité s’est présentée assez rapidement : un ancien patron m’a proposé de reprendre l’Opéra Café à Verviers, il n’en fallait pas plus pour que je saute sur l’occasion. « 

Ce qui frappe quand on se trouve dans la cuisine de Paul Knott, c’est sa générosité et son enthousiasme. Tendant une fourchette, il incite constamment le visiteur à goûter ses recettes, preuve évidente de son irrépressible besoin de partager. Côté allégresse, il faut le voir détailler un train de côtes acquis chez Olivier Metzger, boucher réputé de Rungis, le plus grand marché au monde de produits frais installé dans la banlieue parisienne… Ses yeux pétillent comme ceux d’un enfant devant un sapin de Noël. Sans doute doit-il cette motivation à son statut d’autodidacte arrivé tardivement derrière les fourneaux. Cette passion, on la retrouve également dans l’énergie qu’il met au  » sourcing  » de produits exceptionnels. Ainsi de l’excellent pain de campagne que lui confectionne Benoît Segonds, un ingénieur français reconverti dans la boulangerie du côté de Lixhe-Visé.

Pour autant, Paul Knott n’a rien d’un individualiste. Au contraire, quand on le questionne sur sa réussite, il renvoie la balle vers les artisans de son succès. Il cite d’abord sa femme, Rose Mary, elle aussi venue d’un autre horizon que celui des écoles hôtelières. Diplômée en écriture et analyse cinéma, cette souriante compagne l’épaule fidèlement, animée d’un sens inné du produit qui lui vient de ses origines toscanes. Le chef n’oublie pas non plus Sylvain Deltour, son second, non moins emballé par la nouvelle aventure que représente Les Fines Gueules.

Les Fines Gueules, 794, Les Faweux, à 4654 Charneux. Tél. : 087 39 89 89.

PAR MICHEL VERLINDEN

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