Il est l’inventeur du Dyson Dual Cyclone, le célèbre aspirateur transparent fonctionnant sans sac à poussières, et de la Dyson CR01, la fameuse machine à laver design à deux tambours tournant en sens inversé. Adepte des nouvelles technologies, le britannique James Dyson n’en est pas moins amoureux des belles demeures d’autrefois. Il a ouvert à Weekend Le Vif/L’Express les portes de son moulin du Wiltshire (XVIe siècle) et de sa maison de Londres (XVIIIe siècle). Découvrez, en exclusivité, ses home sweet home… côté campagne et côté ville.

(*) Pour en savoir plus sur James Dyson et ses inventions, lire :  » Dans la cour des grands « ,Le Cherche Midi, 250 pages.

Entouré d’un parc de 25 hectares, Kingsmead Mill, un ancien moulin à eau du xvie siècle admirablement rénové, est l’antre merveilleux où l’innovateur le plus en vue de la société britannique cocoone en paix. Niché dans le Wiltshire, l’endroit n’en est pas à son premier propriétaire célèbre puisque James Dyson l’a acheté à une autre gloire nationale, le producteur David Puttnam, célèbre pour ses films comme  » Midnight Express  » (1978),  » Chariots of Fire  » (1981),  » The Killing Fields  » (1984)…

Quand il est à Kingsmead Mill, chaque matin, James Dyson quitte peu avant 9 heures son home sweet home et parcourt en Range Rover les quelques miles campagnards qui le séparent de son quartier général de Malmesbury. Look à la Sting, ce grand jeune homme grisonnant de 56 ans partage là sa passion pour l’invention avec plus de 300 jeunes ingénieurs et scientifiques (leur moyenne d’âge est de 27 ans). Des centaines de brevets attendent d’être exploités… A l’image de la CR01, la machine à laver à deux tambours tournant en sens inversé, récemment lancée sur le marché belge.  » Nous avons eu la chance qu’ont parfois les chercheurs, confie James Dyson. Nous nous sommes aperçus que lorsqu’une femme fait sa lessive au lavoir, elle applique un mouvement de torsion aux tissus. En 15 minutes à basse température, son résultat est meilleur que celui d’un tambour qui tourne deux heures. Nous en avons déduit la théorie de la double rotation inversée.  »

Né en 1947 d’un père professeur de latin-grec et d’une mère professeur d’anglais-français, James Dyson passe son enfance dans le nord du Norfolk, en Grande-Bretagne. Diplômé en architecture du Royal College of Art de Londres, mais tenaillé par le design industriel, il occupe son premier emploi dans une entreprise d’ingénierie. Le directeur, qui a sans doute repéré les capacités du jeune frais émoulu, lui confie illico le projet Sea Truck : concevoir pour l’Ecosse et ses multiples îles, un petit bateau voguant plus vite qu’un hovercraft et capable d’accoster en un éclair, même en eaux peu profondes. Fin 1969, le projet est breveté. Vient alors la Ballbarrow. En lieu et place d’une roue, la brouette selon James Dyson est équipée d’une sorte de grosse sphère, qui offre une plus grande assise au sol et limite ainsi le risque de s’embourber toute en réduisant les efforts de l’utilisateur.

L’aspirateur révolutionnaire ? L’idée émerge de la simple obser- vation attentive. Pour peindre des brouettes, on recourt à des peintures à base de poudre. Pour recycler l’air pollué, on emploie un cyclone : la force centrifuge projette les particules en suspension vers l’extérieur et l’air purifié s’échappe par le haut, au travers d’une colonne centrale. Il suffisait de concevoir le cyclone en version miniature ! James Dyson fignole les premiers cyclones domestiques… dans son garage. En 1993, il décide de fabriquer ses aspirateurs en Angleterre et de les commercialiser sous son propre nom. Le succès est au rendez-vous : à ce jour, 10 millions d’exemplaires ont été vendus (*).

Au fil du temps, celui dont l’entreprise pèse aujourd’hui des centaines de millions d’euros a changé peu de choses dans son mode de vie.  » Je travaille depuis trente ans de la même manière, assure- t-il en souriant. Nous avons les mêmes amis. Certes, ma maison est plus grande qu’avant.  » Kingsmead Mill est la résidence principale de James Dyson. C’est ici aussi que Deirdre, son épouse a son atelier. Outre ses tableaux, elle dessine de grands tapis qu’elle fait produire en Ecosse et au Népal. De magnifiques exemplaires agrémentent la belle demeure dont l’essentiel de la décoration et du mobilier est très classique. La salle à manger, par exemple, aménagée dans l’ancienne pièce principale du moulin, est garnie de mobiliers d’époques George II et George III.

Chaque cuisine possède son poêle Aga. Dans la plus grande, celui-ci côtoie un grand billot de boucher et de hauts meubles de rangement. La modernité réside essentiellement dans les instruments et ustensiles de cuisine. Remarquable : le bel assortiment de couteaux de cuisine japonais en Inox, de la marque Global. Dans les salons, la priorité est accordée au confort grâce à de grands et profonds canapés.  » En fait, ce qui m’importe le plus c’est que les choses soient confortables, poursuit James Dyson. C’est aussi ce que je recherche si j’opte pour du mobilier contemporain. Nous avons deux chaises longues de Le Corbusier et Charlotte Perriand. C’est tout bonnement extraordinaire. Parce que le repose-tête est amovible, vous pouvez, par exemple, commencer par lire, puis lorsque vos yeux commencent à se fermer, vous y endormir.  » D’autres sièges contemporains ont, eux, trouvé leur place dans le grand salon du premier étage : deux Feltri de Gaetano Pesce et deux Wink de Toshiyuki Kita. Ils ont évidemment été choisis pour leur confort mais aussi pour leur concept même et la technologie qu’ils mettent en £uvre.  » Kita a utilisé l’idée du siège de voiture, explique James Dyson. Quant à Pesce, c’est le choix des matériaux, de la résine qui vient imprégner les tissus pour les rendre rigides et pliables à la fois. D’ailleurs, Pesce aime les nouveaux matériaux, particulièrement ce qui est souple.  »

A ceux qui s’étonnent de ne pas voir James Dyson habiter une maison high-tech, il répond :  » Tout d’abord, parce que j’ai suivi une formation classique, j’aime l’histoire, celle du mobilier, comme celle des techniques (il a récemment publié une histoire des grandes inventions). De plus, il est a priori difficile d’imaginer trop de contemporain au sein d’une telle architecture.  » n

On peut être inventeur, concepteur de technologies de pointe, adepte des matériaux les plus modernes… et néanmoins être amoureux de l’architecture traditionnelle. Sise dans le quartier vert de Chelsea, la maison londonienne de James Dyson est un superbe bâtiment de l’époque de la reine Anne. Elle fut construite en 1708, sur une ancienne propriété de chasse du roi Henry VIII, non loin de la Tamise. Ce modèle d’architecture se distingue de prime abord par ses pièces rectangulaires, hautes sous plafond, et dotées de grandes fenêtres. Pour mettre la pureté des lignes en valeur, il a été décidé de ne pas placer de lourdes tentures, typiques des intérieurs cossus anglais.

Telle qu’elle apparaît aujourd’hui avec ses couleurs claires (deux tons de blanc cassé utilisés en combinaison et en alternance), la maison est le fruit d’un intense travail de restauration qu’il a fallu mener pour remettre en état les quatre étages. A l’exception du sous-sol, où sont installées les cuisines, les murs des pièces sont en effet entièrement lambrissés, rehaussés de corniches délicatement moulurées. Les plafonds ont la forme de demi-dômes. Détail marquant du style Reine-Anne, on note la présence de plusieurs niches et petites alcôves, aujourd’hui utilisées comme étagères.

Une des pièces maîtresses de cette belle demeure est l’escalier aux fines balustres en forme de spirale. En termes techniques, celles-ci portent le nom de Barley Sugar, par référence à ces confiseries décoratives en sucre d’orge bouilli qui faisaient fureur au xviiie siècle. James Dyson a tenu à choisir des meubles qui s’harmonisent au mieux avec l’époque de la construction, en apportant, ici et là, quelques notes contemporaines. Des chaises françaises Régence (vers 1700) cohabitent avec une table et un buffet George III (1790).

A l’étage, James Dyson a privilégié des éléments plus modernes comme ces profonds canapés ou les tapis de son épouse Deirdre. Le linge de maison qu’on retrouve dans toutes les chambres et salles de bains, lui, est l’£uvre de sa fille Emily. Mais la seule note véritablement contemporaine est celle du jardin, qui a été organisé autour d’une pièce d’eau rectangulaire. Dans ce tissu urbain, relativement dense, il constitue un véritable havre de paix… et une immense surprise, enclavé qu’il est au milieu d’autres bâtiments.

S’il a mis toute son énergie dans la remise en état de ce patrimoine, James Dyson n’en caresse pas moins un autre projet : lui qui a conçu des aspirateurs et une machine à laver transparents, pour montrer la beauté intrinsèque de la haute technologie, rêve aujourd’hui d’une grande maison en verre au c£ur même de Londres.  » Le plus difficile est de trouver le terrain adéquat et d’obtenir les autorisations, note-t-il. Mais le schéma général est déjà dessiné par Chris Wilkinson, l’architecte de mon usine de Malmsbury. Ce sera un volume unique, très grand, haut de presque quatre étages. Deux chambres à coucher seront comme suspendues dans l’air. La nuit, on pourra y voir les étoiles. Bien entendu, nous avons aussi travaillé sur les mécanismes d’occultation, visuelle comme thermique. Elle sera résolument contemporaine et technologique. Et elle sera construite à Londres parce que c’est là que se trouvent une grande partie de mes activités.  »

Texte et photos :

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