Ses plages immenses et ses jardins extraordinaires font de la péninsule normande un des endroits les plus exotiques de l’Hexagone. Et une parfaite destination de (long) week-end dès l’arrivée du printemps.

Ici, même un 15 août, on n’est jamais gêné par ses voisins de serviette ! L’espace est disponible à profusion, dans cette péninsule encore oubliée du TGV. Si la côte est – au nord des plages du Débarquement – est un peu plus courue, celle de l’ouest ravira les amateurs de grèves désertes et de falaises déchiquetées. Au pied de deux collines séparées par un bras de mer, la station balnéaire de Barneville-Carteret, avec sa gare désaffectée, son mail planté de tilleuls, ses villas 1900 aux jardinets manucurés, est une première étape idéale. A Barneville, l’immense plage est le paradis de la pêche à pied. Tandis que le port de Carteret, lui, est le point de départ des vedettes pour Jersey, Guernesey, ou pour les Ecrehou, micro-archipel britannique, juste en face. De cette côte reculée – c’est l’un de ses charmes – on voit partout des îles…

Au nord du grand phare, l’ambiance change. Sauvage, immense, la plage d’Hatainville, terrain de jeu des surfeurs, est bordée d’un exceptionnel massif dunaire où poussent euphorbes, gentianes et orchidées rares. Pas une construction à la ronde. Au bout du chemin sableux, on n’entend plus que le bruit des vagues. Et pour peu qu’un banc de brume vous enveloppe soudain – une spécialité régionale -, on se balade dans une solitude ouateuse, escorté par les mouettes. Dans les parages, les plages font couramment 10 kilomètres de longueur. Ainsi l’anse de Vauville, plus au nord, interminable étendue de sable blanc longée par un cordon dunaire de bruyères et d’oyats.

Entre mer et dune, un étonnant marais d’eau douce abrite une réserve ornithologique gardée par des pierres levées celtiques. Vauville est aussi célèbre pour son jardin, conçu par le paysagiste Guillaume Pellerin et l’auteur d’ouvrages botaniques Cléophée de Turckheim. On passe d’une palmeraie – la plus vaste d’Europe du Nord – à un jardin aquatique, d’une prairie de graminées au spectaculaire bassin des gunneras, sorte de rhubarbe géante originaire du Brésil, aux feuilles de 2 mètres de hauteur ! Environné de 900 espèces végétales de l’hémisphère austral – qui apprécient ici la douceur du Gulf Stream -, on entend le roulis des vagues de la Manche. Partout dans la région, le microclimat tempéré et humide déchaîne les passions botaniques. D’avril à octobre, les week-ends sont rythmés par de très chics Journées des plantes ou encore des visites de jardins privés avec roseraies anciennes et labyrinthes de topiaires…

Mine de rien, vous voilà dans la presqu’île de la Hague. N’espérez pas apercevoir la centrale nucléaire de Flamanville : tout est fait pour tenir les curieux à distance. Les routes qui y mènent se terminent en cul-de-sac, fermées par des guichets, bardées de barbelés. La Hague, heureusement, a bien plus à offrir… Il faut s’y perdre, explorer ses hameaux aux longères de granit et aux jardins exubérants. Rouler au hasard dans les chemins creux, entre vallons herbeux, murets de pierres sèches, landes d’ajoncs peuplées de moutons à tête noire. L’impression d’être en Ecosse – ou en Irlande – vous poursuit jusqu’à la mer. Grand frisson garanti, le long du sentier côtier, au bord des plus hautes falaises d’Europe, du nez de Jobourg au port de Goury. Juste en face, entre le cap de la Hague et l’île d’Aurigny, le raz Blanchard et son chaos de récifs méritent sa sinistre réputation.

Port Racine, minuscule abri où de petites embarcations colorées se balancent comme dans un livre d’images, est plus rassurant. En amont du port, ne manquez pas les jardins en hommage à Prévert. Tombé amoureux de la Hague, celui-ci y passa ses dernières années. A sa mort, ses amis ont planté un jardin poétique et fantasque. Inventaire ? Un ruisseau qui glougloute, des sculptures et des poèmes enfouis dans la végétation, des petits ponts japonisants, le rhododendron de Gréco, le tilleul de Robert Doisneau. Prévert est enterré au cimetière d’Omonville-la-Petite, à côté de son vieux copain Alexandre Trauner. De retour de Hollywood, le célèbre décorateur, installé dans la presqu’île, adorait y entraîner ses amis cinéastes. Losey y a tourné Les Routes du Sud, Truffaut, Les Deux Anglaises et le Continent (censé se passer au pays de Galles), Polanski y a transplanté Tess et, dans Fedora, l’un des derniers Billy Wilder, l’anse de Vauville figure… la plage de Malibu ! Comme quoi la Hague n’est pas seulement cet âpre bout du monde où les vents soufflent  » comme des tourbillons de damnés « … Par une belle fin d’été, avec sa mer qui paillette façon lagon et sa végétation quasi tropicale, elle sait aussi faire mentir les clichés des Déferlantes, le best-seller de Claudie Gallay…

Cherbourg n’est plus très loin. Par beau temps, avec sa rade immense – la plus vaste du monde -, elle a un faux air de Toulon. Direction le port, pour flâner le long des bassins ou dans ses rues étroites, entre maisons de pêcheurs et demeures bourgeoises, dans une ambiance à la Simenon. Une étape à la gare maritime – aujourd’hui partiellement occupée par la Cité de la mer – s’impose. Pas seulement pour l’aquarium abyssal ou la formidable expo Titanic : retour à Cherbourg. En soi, ce gigantesque bâtiment en béton armé est un chef-d’oeuvre Art déco, qui a gardé ses verrières et ses mosaïques d’origine. Dans la salle des pas perdus, la billetterie de la Cunard Line ou la boutique Souvenirs de Paris lambrissée de palissandre sont restées intactes, témoins de l’âge d’or transatlantique, quand débarquaient ici Orson Welles et Rita Hayworth, Burton et Taylor, Chaplin ou Garbo…

Passage obligé, aussi, par le superbe parc Emmanuel-Liais, en pleine ville, dont les serres tropicales abritent des caféiers, des bananiers ou des orchidées vanille. Transformée en muséum d’histoire naturelle, la maison de cet astronome cherbourgeois – qui vécut vingt-cinq ans au Brésil – rassemble, dans des vitrines anciennes, une profusion d’objets des cinq continents : casoar empaillé, traîneau esquimau, pagaies d’Océanie, masques, momies, fossiles, phoques, reptiles, insectes naturalisés. De ce fabuleux cabinet de curiosités, on sort halluciné, avec l’impression d’avoir été télé-transporté un siècle en arrière. Décidément, un week-end dans le Cotentin, c’est beaucoup de voyages pour le prix d’un !

PAR MARIE-ODILE BRIET / PHOTOS : ERIK LEVILLY

IL FAUT S’Y PERDRE, EXPLORER SES HAMEAUX AUX LONGÈRES DE GRANIT ET AUX JARDINS EXUBÉRANTS.

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