La poésie est-elle dissoluble dans l’arithmétique ? Oui, si l’on en croit les  » Fibs « , une version revisitée des chiffres et des lettres unis à la perfection.

Inutile de dire que la superproduction  » Da Vinci Code « , fraîchement sortie sur nos écrans, risque d’accélérer encore le phénomène. Si phénomène il y a. Car à l’heure actuelle, il faut plutôt parler de phénomène en gestation, à l’instar du sudoku, ce jeu mathématique en forme de grille, quand nous avions été les premiers à humer la tendance ( lire Weekend Le Vif/L’Express du 10 juin 2005), plusieurs mois avant sa véritable conquête du grand public. Cette fois, ce sont les  » fibs  » qui risquent de prendre la relève. Ne cherchez pas dans le dictionnaire, ni sur les sites francophones de Google : le mot est encore introuvable chez nous et ne passionne, pour le moment, que quelques milliers d’internautes anglo-saxons. Lancé le mois dernier par l’écrivain américain Gregory Pincus sur son blog http://gottabook.blogspot.com, cet exercice de style mathématico-littéraire a créé peu à peu l’effervescence sur la Toile, au point d’intéresser sommairement quelques médias de l’Oncle Sam. Concrètement, les  » fibs  » sont des espèces de petits poèmes denses répondant aux contraintes de la célèbre  » Suite de Fibonacci « . Ouvrez la parenthèse : Leonardo Pisano, connu sous le surnom de Fibonacci, est un mathématicien qui vécut à la charnière des xiie et xiiie siècles. On lui doit notamment un travail sur la théorie des nombres dont cette fameuse  » Suite de Fibonacci  » liée au nombre d’or et dont les premiers chiffres sont : 1, 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21, 34… Sans entrer dans les détails trop mathématiques de sa formule, chaque nombre de cette suite logique est en réalité composé de la somme des deux précédents nombres. Cerise sur le gâteau médiatique : elle est utilisée par les deux héros du  » Da Vinci Code  » pour résoudre une des toutes premières énigmes de leur enquête ! Fermez la parenthèse. Séduit par la perfection numérique de la formule (que l’on retrouve, paraît-il, dans la  » construction  » de certains éléments naturels tels que des coquillages et autres fleurs), l’écrivain Gregory Pincus s’est donc amusé à la décliner sous une forme poétique en imaginant des textes courts répondant à cette règle simple : le nombre de pieds de chaque vers doit correspondre à la somme des syllabes des deux vers précédents. En clair : en partant d’un premier vers d’un seul pied, le deuxième vers en compte alors également un (0+1), le troisième en compte deux (1+1), le quatrième en compte trois (2+1), le cinquième en compte cinq (3+2) et le sixième en compte huit (5+3). Le jeu pourrait être poursuivi à l’infini, mais pour la dynamique du texte, l’initiateur de cet exercice de style s’est délibérément limité à six vers. Un exemple ?

Un

Court

Instant

Poésie

Et math réunies

Voici les Fibs en harmonie.

Soit respectivement 1, 1, 3, 5 et 8 pieds (si l’on fait évidemment abstraction des e muets). Inaugurés sur son blog il y a quelques semaines à peine, les fibs de Gregory Pincus conquièrent désormais, chaque jour, un peu plus d’adeptes sur le Net. Etrange. Un peu comme si les célèbres haïkus japonais étaient subitement remis au goût du jour dans une version occidentale et quelque peu ésotérique. Car au-delà de la performance exclusivement littéraire qui consiste à pondre un texte bref en respectant certaines contraintes arithmétiques, c’est tout un symbole fascinant qui jaillit ici : l’union – a priori contre nature – de la poésie et des mathématiques pour composer un poème répondant aux sirènes de ce mystérieux nombre d’or. Bref, une étrange fusion d’apparents contraires destinée à atteindre la perfection littéraire. Certes, la  » Fibsmania  » n’a pas encore traversé l’Atlantique. Mais avec la force du Web et le succès prévisible du  » Da Vinci Code « ,

Je

Vous

Parie

Cent euros

Que vous y jouerez

Tous très bientôt comme des accros.

Retrouvez Frédéric Brébant chaque lundi matin, vers 9 h 45, dans l’émission  » Bonjour quand même « , de Jean-Pierre Hautier, sur La Première (RTBF radio).

Frédéric Brébant

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