ÉLOGE de la transparence
L’artiste Philippe Decelle est aussi un grand collectionneur, partageant ses passions entre le verre opalescent et le plastique. Il nous a ouvert les portes de sa maison bruxelloise : un cocon de lumière, de douceur, de poésie.
De nombreux usagers du métro bruxellois contemplent l’£uvre de Philippe Decelle, sans pour autant connaître l’artiste. Le vol de canards multicolores qui agrémente la station Roi Baudouin est emblématique de la période durant laquelle le créateur belge réalisait des sculptures, dont des arbres à partir de fers à béton : un matériau utilitaire auquel cet ingénieur civil diplômé en constructions conférait une indéniable poésie.
Une maquette de ces oiseaux flotte dans l’escalier du hall de sa maison. Elle côtoie une des authentiques tôles de l’Atomium sur laquelle a été fixée une réduction du monument sculptural, emblème de l’Expo 58. Deux autres £uvres complètent cet accrochage. Épinglons tout d’abord une Diana signée par l’Américain Robert Silvers à l’aide de centaines de photographies déposées aux grilles de Buckingham palace lors du décès de la princesse de Galles. » Ce portrait célèbre a été composé par un programme d’ordinateur, en associant à un modèle existant les tonalités présentes dans les photos, selon une grille déterminée par Robert Silvers. Elle reflète donc ce que la technologie informatique était capable de réaliser l’année de la disparition de Diana ( NDLR : en 1997). J’aime qu’une £uvre d’art se réfère ainsi à un moment donné dans l’histoire. » L’autre opus est également photographique. Il s’agit d’un ensemble de tours de hauts-fourneaux en noir et blanc, immortalisé par Bernd et Hilla Becher.
Mais la véritable personnalité de Philippe Decelle émerge au rez-de-chaussée de son habitation, dans le salon et la salle à manger. D’emblée on repère quelques-unes de ses créations, comme des sculptures arbres ou des peintures qui sont toutes exécutées en utilisant de l’émail de carrosserie Delta professionnel, dans les tons les plus purs qui soient. Puis on découvre une collection unique en son genre de verres opalescents de l’époque du maître verrier René Lalique (1860 – 1945) et de ses contemporains qui ont marqué les arts décoratifs. » D’une manière générale, je m’intéresse à la transparence, tant dans mes travaux personnels que dans les £uvres que je collectionne. «
Philippe Decelle est aussi le fondateur du Plasticarium, sous-titré musée des plastiques pop de 1960 à nos jours. » J’ai d’abord acquis la Garden Egg Chair de Peter Ghyczy, pour con côté sculptural. Puis, un jour, j’ai repéré sur les grandes poubelles de l’avenue Hamoir, à Bruxelles, une chaise de Joe Colombo. Et je me suis dit qu’il était temps de collectionner les objets et mobiliers en plastique, qui représentent pour moi la matière de référence du XXe siècle.
Tant pour le Plasticarium (musée privé, ouvert au public sur rendez-vous) que pour sa collection de verres opalescents, Philippe Decelle élabore des ensembles qu’il appelle » familles « , à l’image d’installations d’artistes. » Lorsqu’on parle de verres opalescents, on pense immédiatement à René Lalique. Mais je me suis évertué à rassembler des créations de ses contemporains, de ces » suiveurs » en quelque sorte, comme Etling, d’Avesn, ou même André Hunebelle, qui quittera rapidement le monde du verre pour réaliser des films de cape et d’épée ! «
Dans ses collections de mobilier et d’objets en plastique, Philippe Decelle privilégie des éléments des seventies tout simplement parce qu’il » court après sa jeunesse « . Mais une fois de plus, ce qui importe à ses yeux c’est que les choses se répondent les unes aux autres… Comme ce canapé Roche Bobois des années 70 et cette table basse en verre acquise chez Habitat aux premiers temps de la marque lancée par Terence Conran.
Carnet d’adresses en page 128.
PAR JEAN-PIERRE GABRIEL
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