Et le soleil se leva

Louis Vuitton © GETTY IMAGES

Adieu, Virgil Abloh. Bonjour, Nigo. Les semaines de la mode masculine de Milan et Paris se sont inscrites sous le signe du passé et du futur pour nous donner déjà un aperçu des tendances de l’hiver prochain.

A Paris, le monde de la mode a fait ses adieux à Virgil Abloh, le principal créateur de mode masculine de sa génération, décédé en novembre dernier à seulement 41 ans et surtout reconnu pour l’élan novateur qu’il a donné à tout un secteur. Louis Vuitton a donc présenté sa huitième et dernière collection pour la marque, dans un décor évoquant Le magicien d’Oz, le classique hollywoodien qui avait inspiré les débuts du regretté directeur artistique du malletier. Le décor: une maison bleu pâle, à moitié voilée par les nuages. C’était davantage une cérémonie commémorative qu’un défilé, des anges faisant même leur apparition. Un tableau sublimé par un orchestre qui a joué sans interruption.

Kenzo
Kenzo© SDP

C’est aussi à Paris que le gourou du style japonais Nigo a fait ses débuts chez Kenzo. Le Nippon, qui a lancé les marques populaires A Bathing Ape et Human Made, et qui a collaboré avec de nombreux labels, de Uniqlo à Louis Vuitton, était à la fois une idole de Virgil Abloh et un de ses disciples: une légende du streetwear doublé d’un homme d’affaires et d’un génie créateur, toujours cool, pétri de hip-hop, qui ne rechigne pas devant un soupçon de populisme. D’ailleurs, c’était Virgil Abloh qui avait présenté Nigo aux directeurs de Louis Vuitton.

La collection était prévisible, avec des clins d’oeil à Paris, à son pays natal, à l’americana et à l’héritage de Kenzo Takada. Une bonne nouvelle pour Kenzo et pour les cool kids qui affectionnent la marque: Nigo renoue ainsi avec la stratégie de Humberto Leon et Carol Lim, qui ont dirigé le label pendant dix ans et ont été ensuite remplacés par Felipe Oliveira Baptista et sa mode moins street. Toutefois, le créateur de 51 ans, originaire d’un pays ultraconservateur, est moins progressiste que ses prédécesseurs américains. Il semble dès lors que Kenzo reprenne le rôle de Louis Vuitton au sein du groupe de luxe LVMH: une marque proposant une esthétique similaire pour un public similaire et à des prix plus abordables.

Lemaire
Lemaire© SDP

Belgian touch

Depuis quelques années, le monde de la mode est ébranlé. Alors que le secteur se tourne notamment vers les thématiques de la durabilité et du racisme, la pandémie a compliqué davantage les choses. Les traditionnelles Fashion Weeks survivent, mais au prix de transformations. Plusieurs shows ont d’ailleurs encore été annulés suite à la nouvelle progression du Covid. Les différentes présentations des Belges en sont la démonstration.

Glenn Martens est le seul de nos compatriotes à avoir organisé un vrai défilé. Précisons toutefois que sa marque Y/Project est établie à Paris. Il a loué un immense entrepôt en périphérie de la capitale française et a montré un aperçu de la collection couture qu’il a imaginée pour Jean Paul Gaultier et qui a été dévoilée entièrement la semaine suivante, lors de la Semaine de la haute couture. Au menu: des imprimés psychédéliques de corps nus en trompe-l’oeil.

Dries Van Noten, lui, a filmé sa présentation dans un hôtel particulier de Saint-Germain-des-Prés, et a affiché des amoureux qui s’embrassent sur fond de Dream Baby Dream de Suicide. Jan-Jan Van Essche a de nouveau fait appel au vidéaste Ramy Moharam Fouad et Walter Van Beirendonck a révélé son côté plus agressif par le biais de vidéos. Il a travaillé en collaboration avec le modiste Stephen Jones et la marque de lunettes Komono.

Y/Project
Y/Project© SDP

Les images à retenir

Çà et là pourtant, tout portait à croire que les choses étaient comme avant. Dior a par exemple conçu une installation sur la place de la Concorde contenant une réplique du Pont Alexandre III, situé non loin de là. Pour ce faire, Kim Jones a consulté les archives des années 40 et 50 de Christian Dior. C’était peut-être la meilleure collection de la maison, mais elle donnait une image idéalisée de l’élégance française, dans l’esprit de la série Emily in Paris.

A Milan, Prada a montré son premier show dédié à l’homme depuis que Raf Simons a rejoint Miuccia Prada en tant que codirecteur artistique. Le casting se composait d’une kyrielle d’acteurs célèbres, dont Kyle MacLachlan ( TwinPeaks, Dune) et Jeff Goldblum (Independence Day, Le monde perdu: Jurassic Park). La garde-robe était relativement virile: manteaux en cuir, bruts, aux épaules larges, semblables à ceux que le Belge avait créés chez Jil Sander… mais on y trouvait aussi des salopettes sexy.

Dior
Dior© Brett Lloyd for Dior

Toujours à Milan, Dsquared2 a fait son retour. Les fondateurs, Dean et Dan Caten, ont prononcé un discours avant le défilé. Chez Dolce & Gabbana, l’événement s’est articulé autour d’une performance du rappeur Machine Gun Kelly. Quant à Zegna, le label a organisé la projection d’un film pour une cinquantaine de spectateurs dans une petite salle de réunion impersonnelle. Le directeur artistique, Alessandro Sartori, y a introduit sa réinterprétation du costume, moins formel que l’uniforme classique. Un moment assez morose, en période de pandémie, le glamour perd du terrain.

Dries Van Noten
Dries Van Noten© SDP

Cela dit, c’est peut-être Lemaire qui a exprimé le plus beau statement de la saison masculine, à Paris. En effet, Christophe Lemaire et Sarah-Linh Tran ont organisé un défilé sur fond d’une immense photo de nuages, dans les Ateliers Berthier, d’anciens entrepôts de décors de théâtre. Dès le début de la présentation, la photo a laissé la place à un lever de soleil tout en lenteur, telle une aube, une nouvelle ère.

Pitti voit vert

Traditionnellement, le Salon Pitti Uomo, à Florence, ouvre la saison de la mode. Mais en cette mi-janvier marquée par l’Omicron, la manifestation a connu quelques ratés. L’invitée d’honneur, la Belge Ann Demeulemeester, a reporté un événement planifié, et Brunello Cucinelli, l’un des fidèles grands exposants, a également annoncé son retrait à la dernière minute.

Mais il y avait aussi de bonnes nouvelles. Tout d’abord, le public était en plus grand nombre qu’en juin dernier, lorsque le salon avait rouvert ses portes après deux éditions numériques. Par ailleurs, la mode durable a fait l’objet d’une plus grande attention. La marque italienne Save The Duck a fêté son dixième anniversaire, notamment par le biais d’une collab avec le créateur britannique Edward Crutchley. La marque espagnole Ecoalf a lancé une nouvelle ligne premium, Ecoalf 1.0. Herno continue d’investir dans la jeune ligne parallèle Globe, en mettant l’accent sur les matériaux recyclés. Et Marc O’Polo vise lui aussi un avenir durable et respectueux de l’environnement.

L'acteur Kyle MacLachlan chez Prada
L’acteur Kyle MacLachlan chez Prada© IMAXTREE
Zegna
Zegna© IMAXTREE
Walter Van Beirendonck
Walter Van Beirendonck© IMAXTREE

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