Le célèbre metteur en scène américain Bob Wilson a ouvert à Weekend les portes de son loft new-yorkais. Ce bel espace de 700 m2 sert d’écrin à toute une ribambelle de collections dont la plus époustouflante est consacrée… aux chaises.

Il est l’un des plus célèbres metteurs en scène des trente dernières années. Il a £uvré sur les cinq continents et ses créations ont été associées au théâtre, au cinéma, à l’opéra, aux plus grands dramaturges et compositeurs du monde occidental. Pendant trois soirs encore (jusqu’au 31 octobre), le Théâtre royal de la Monnaie, à Bruxelles, propose  » Aïda  » de Giuseppe Verdi dans sa version  » décalée « . Son métier, Bob Wilson le conçoit de manière  » extensive  » et chaque fois qu’il est chargé de mettre en scène un spectacle, il se fait également décorateur, auteur des lumières, ou encore, pour son plus grand plaisir, créateur de meubles. La passion du théâtre se double en effet chez lui d’une forte inclination pour les sièges. Elle s’est déclarée très tôt, quand, à 10 ans, un de ses oncles a eu l’idée singulière de lui offrir, pour son anniversaire, un joli petit fauteuil. Bob Wilson s’est alors intéressé à ces  » objets  » et en a constitué une impressionnante collection, probablement, pour ce qui concerne le xxe siècle, une des plus originales et des plus complètes du monde.  » Mes chaises, confie-t-il, sont comme des sculptures, elles portent souvent un nom : Freud, Staline, Marie Curie, Queen Victoria, Anton Tchekov… qui sont des personnages de mes pièces. Dans un sens, elles sont des sculptures érigées pour nos dieux contemporains, comme les anciens édifiaient des statues pour les leurs . »

Depuis 1997, Bob Wilson habite TriBeCa. Au bord de l’Hudson River, ce vieux quartier de New York, au sud de Manhattan, est, depuis quelques années, réinvesti par les artistes, et par tout ce que la plus trépidante ville de l’univers peut compter d’avant-gardistes et de branchés. Le loft de 700 m2 où s’est installé le metteur en scène était autrefois l’atelier du sculpteur John Chamberlain. Il est composé d’une pièce immense, à la fois salle à manger, salon, bureau, et d’une chambre minuscule, espace intime du maître des lieux, traitée de façon minimaliste. D’un loft, l’appartement de Bob Wilson a l’espace et le volume, mais également l’allure et l’esprit : sol en ciment peint, murs sommairement blanchis, ampoules nues…

 » Les tonalités de mon appartement sont calmes et méditatives et servent d’écrin aux couleurs primaires de mes objets, explique Bob Wilson. Quand j’en acquiers de nouveaux, ils sont mélangés aux autres, parfois alignés comme dans un magasin, parfois exposés seuls, pour donner au thème plus d’importance.  » Le metteur en scène a considéré son vaste loft comme un plateau de théâtre. Au départ, il n’y avait qu’un immense espace blanc, inondé de la lumière que l’Hudson River renvoie par de larges baies. Le scénario était à écrire, mais les acteurs étaient là : les mille et une merveilles de ses prestigieuses collections.

Bob Wilson a rassemblé des bols, des vases, des pots, des amphores, des théières, des céramiques. Dans ces multiples et inépuisables catégories, les exemplaires qu’il a réunis sont les uns très anciens, (fabriqués parfois au néolithique), les autres ultracontemporains. Il possède des collections d’art africain, des meubles asiatiques, des masques et des instruments de musique, des assortiments de chaussures de tous les continents, des gravures des plus grands artistes du xxe siècle. Mais, par-dessus tout, donc, il accumule les sièges qu’il dispose en procession, ou en bouquet sur le sol ou qu’il accroche aux murs…  » J’utilise mes chaises pour donner à chaque zone une personnalité différente, note Bob Wilson. Elles sont placées les unes à côté des autres, en contrepoint, créant différentes atmosphères.  » Précieuses, rustiques, signées des plus grands designers (Alvar Aalto, Frank Lloyd Wright, Frank Gehry, Gerrit Rietveld, Jean Prouvé…), créées par lui, pour des spectacles ou pour son plaisir…. Anonymes, contemporaines, anciennes, exotiques, ergonomiques, colorées, en métal, en bois brut, en matériaux rares… Minimalistes, ornementées, surchargées, des cinq continents, hautes, basses, éditées en quantités industrielles ou n’existant qu’à un seul exemplaire… De toutes formes, de toutes tailles, de tous styles, de toutes époques… Elles sont innombrables !

Dans sa vie professionnelle, Bob Wilson aime être polyvalent et contrôler le plus possible les différents points susceptibles d’assurer la réussite d’un spectacle. Il en va de même at home. Le plus petit détail de son loft bénéficie de ses attentions de chaque instant : c’est à ce prix, au bord de l’Hudson River, que le metteur en scène règne sur un ensemble unique, digne d’un musée, mais profondément vivant parce qu’inspiré, avant tout, par la passion.

Robert Colonna d’Istria

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