Pour célébrer en fanfare la sortie de  » No More Sweet Music « , son nouvel album décliné en deux CD (l’un voluptueux, l’autre minimaliste), le trio de Hooverphonic s’est prêté au jeu d’une production de mode exclusive pour notre magazine. Rencontre cosy à Saint-Nicolas et coups de flash très fashion dans un studio bruxellois.

Le double CD  » No More Sweet Music  » de Hooverphonic sort ce lundi 14 novembre chez Sony-BMG. Le groupe sera en tournée en décembre : le 9 au Cirque royal, les 10 et 11 à l’Ancienne Belgique, le 16 à Mons, le 17 à Marche-en-Famenne et le 20 à Ostende. Internet : www.hooverphonic.com

Quel est le point commun entre une Golf en trombe, un feu ouvert, une chemise de cow-boy et des grandes chansons à ressort cinématographique ? Hooverphonic, bien sûr. La Golf est celle de Geike Arnaert qui snobe très ostensiblement le panneau de limitation des 90 km/h sur la route de Saint-Nicolas, ville du rendez-vous à l’ouest d’Anvers. Me dépassant inopinément, la chanteuse d’Hooverphonic ne laisse d’autre choix que de faire le suceur de roue motrice. Très loin de la nonchalance des nouveaux titres  » pédicurés  » du double album du trio flandrien. Distinction et violons, tragédie des c£urs et mélodrame tendre,  » No More Sweet Music  » n’est pas forcément celui qu’on croit. Après quelques kilomètres dans le style Starsky & Hutch, Geike (26 ans) s’engage dans une rue cossue de Saint-Nicolas et s’arrête devant une maison aux curieuses fenêtres chargées de dorure. Nous sommes chez Alex Callier (32 ans), leader des opérations d’Hooverphonic, amateur d’un mobilier rétro qui reflète les flammes d’un âtre complice. Il porte quasi la banane d’époque, tranchant nettement sur Geike qui ressemble à une jeune s£ur d’Axelle Red, timide, blonde, pâle. Et jolie. Le troisième larron, Raymond Geerts (45 ans), guitariste cool, arrive chargé d’une double paire de cernes, vêtu d’une chemise dessinée pour sortir en boîte. Il est en avance puisqu’il n’est qu’onze heures trente du matin, ce qui ne déstabilise nullement Alex, général en chef de la man£uvre.

Weekend Le Vif/L’Express : Sur le premier CD de ce double album flambant neuf, c’est un peu le  » Mur du son d’Alex « , baigné d’arrangements très luxuriants, où Geike semble plongée dans un rôle quasi hitchcockien de blonde tragique…

Alex : C’est un double album qui est venu spontanément. On a assez confiance dans le disque qui a quelque chose de spécial, de personnel : après l’histoire fictive de  » Jackie Cane  » ( NDLR : le précédent album du groupe), voilà des chansons très honnêtes sur notre vie. J’ai vécu une épreuve – ma femme a fait une fausse couche – qui m’a décidé à écrire certains titres comme  » You Love Me to Death  » ou  » My Child « .

Nous voilà déjà à la question de la thérapie musicale…

Alex : C’est certainement une thérapie parce que lorsque c’est arrivé, je suis resté très calme et ma copine ne l’a pas compris. C’est quand elle a entendu les chansons, qu’elle a compris que j’exprimais autrement mes émotions. Et lorsqu’on entre dans le domaine de l’émotion, cela ramène toute la merde à la surface. Mais, de toute manière, chaque album me met dans une sorte d’état de crise.

Geike : A un moment, en studio, j’ai eu du mal à rendre ces textes physiquement. J’ai aussi connu une perte, d’un autre genre.

Raymond : Quand j’ai découvert les textes d’Alex, je m’y suis reconnu. C’est curieux, mais moi aussi, j’ai vécu le même genre d’expérience.

Du coup, on se retrouve assez loin de l’image glamour et un peu froide, voire artificielle, d’Hooverphonic…

Alex : Je crois qu’on a toujours eu des intentions qui dépassaient cette couche un peu extérieure. Nos disques sont des  » slow-burners  » : plus on les entend, plus on y découvre des choses. On travaille beaucoup dans le double sens.

Je reviens à ma question : Geike est-elle une héroïne hollywoodienne ?

Alex : Sur scène, sans aucun doute.

Geike : Telle que je me sens maintenant, ce n’est pas possible. Même si mentalement, je me vois bien entrer dans un rôle…

Pourquoi un double album où chaque chanson existe en deux versions, l’une voluptueuse, l’autre plus minimaliste ?

Alex : Je me suis rappelé du premier album où je craignais d’exprimer mes émotions. Je me souviens que je voulais faire d' » Inhaler  » – une chanson émotionnelle – quelque chose de froid. Sur  » No More Sweet Music « , on a utilisé 41 cordes, un mur du son, et c’est pour cela que j’ai voulu également donner une version minimaliste, plus électronique, de chaque titre.

Pourquoi ? Pour vous punir ? Vous êtes tous catholiques flamands (rires) ?

Alex : Non, non ( rires). La voix de Geike a énormément évolué et même en utilisant des techniques similaires  » minimalistes « , on garde toute l’émotion de sa voix… Sur ce disque, je suis à la fois Docteur Jekyll et Mister Hyde. Concernant mes racines, je me considère comme un véritable Belge, avec un grand-père francophone, wallon, et une grand-mère de Saint-Nicolas. Donc, je viens d’une famille belge, j’insiste, catholique. Je me souviens de ma famille namuroise qui venait chez nous et avec laquelle on allait prendre un verre à une terrasse. Avec eux, on parlait en français et le lendemain, on retrouvait des autocollants genre  » Walen buiten !  » placardés sur la maison. On ne savait pas trop bien qui pouvait mettre ça, on a fini par avoir de forts soupçons sur nos voisins…

Et vous, Geike ?

Geike : Mon père était facteur et je viens d’un petit village, Westouter, en Flandre occidentale, près de la frontière française. Mes parents sont catholiques mais pas pratiquants : je suis allée à l’église jusqu’à 12 ans. Je voulais devenir chanteuse mais je ne me sentais pas très à l’aise dans la chorale.

Alex : Moi, j’ai dû aller à l’église jusqu’à 18 ans ! Je suis agnostique comme l’un de mes frères, mais Yves, mon autre frère, va toujours à l’église. Cela dit, j’évite de parler de religion dans mes chansons : c’est un peu  » touchy  » !

Raymond : Moi, je ne me souviens plus ( rires) ! Non, en fait, j’ai longtemps accompagné mon meilleur ami à l’église le dimanche. Aujourd’hui, c’est fini.

Quelle est la place d’une femme dans un groupe d’hommes ?

Geike : Disons qu’être chanteuse, c’est d’abord vivre dans un milieu masculin…

Alex ( l’interrompant) : On n’est pas des machos ! Même si elle le dit, on n’est pas des machos !

Geike ( mal à l’aise) : Je vois des attitudes très masculines, pas forcément machos, surtout parce que je suis vraiment féminine dans mes attitudes. Mais je ne me vois pas argumenter comme un homme.

Alex ( emballé) : Ma copine discute plus que les hommes ! Cela dit, ma façon d’écrire des textes a quelque chose de féminin. D’ailleurs, pour être musicien, tu ne peux pas être macho. Regarde Tom Barman de dEUS ou Stef Kamil-Carlens de Zita Swoon !

Geike : Je dis simplement qu’il y a peu de place pour les femmes dans la société. Mais pour moi, le plus important, c’est la scène : quand je commence à chanter, je suis presque une autre personne. J’oublie ma timidité, je me dépasse.

Pour notre séance de photos de mode (lire pages 22 à 29), vous vouliez un look  » classe  » mais pas trop…

Alex : Notre musique est sophistiquée, on aime donc que notre look aille un peu au-delà de la combinaison jeans/tee-shirts. Même si cela se passe avec une certaine nonchalance. J’aime assez le chic, la classe, prendre ce que le monde nous offre. Le plus grand avantage d’être musicien, c’est de pouvoir être soi-même. Si je veux porter des pantalons roses, je le fais. Et d’ailleurs, je l’ai déjà fait ( rires). Là, on a demandé d’avoir des vêtements qu’on aime, comme ceux de Xavier Delcour. On a toujours travaillé avec des designers locaux. En tournée, que ce soit en Europe ou en Amérique, on porte toujours des vêtements belges.

Geike : Au début avec Hooverphonic, je consommais pas mal de mode. Aujourd’hui, j’aime d’abord me sentir assez flattée dans mes vêtements…

Alex, j’ai appris que votre compagne, Amke Rijkenbarg, confectionnait les vêtements de scène du groupe !

Alex : Oui, c’est important d’avoir un univers exclusif. Quand tu entres chez moi, tu ne vois pas une table d’Ero Saarinen, le genre d’objet cher et classe que tout le monde possède. Je n’aime pas la dictature des uniformes : je suis récemment allé à Stockholm et là, les femmes portent toutes des stretch-jeans avec des bottes ( il a l’air choqué). Or, peu de femmes sont belles dans des jeans comme ceux-là ! C’est comme les années 1980 qui sont à nouveau très hot : je les ai toujours détestées ! Moi, à l’époque, j’écoutais la musique des sixties. On est très têtu dans ce qu’on désire.

Auriez-vous aimé que Karl Lagerfeld vous offre ce qu’il a proposé à Vive La Fête, le duo anversois branché : jouer pour ses défilés un peu partout dans le monde ?

Alex : Pas vraiment. On préfère faire des concerts pour des gens venus pour nous écouter. Plus que d’être dans un événement people où les gens viennent davantage pour être pris en photo que pour écouter la musique. Sauf si c’est un événement comme Piet Goddaer (Ozark Henry) qui a joué pour Dries Van Noten en pouvant choisir de se produire avec un ensemble à cordes.

Quel souvenir garderez-vous de ces photos de mode pour Weekend où Geike crève littéralement l’image ?

Alex : La première heure est la plus importante parce que tu vérifies qu’il y a bien des choses que tu aimes, sinon, cela peut virer au cauchemar. Mais là, cela a bien marché : on avait beaucoup discuté de ce qu’on voulait. Alors, je sais que j’ai le plus grand ego, que je suis le plus vaniteux et que j’accorde beaucoup d’importance à mon apparence, mais j’accepte parfaitement que Geike soit la  » figure  » du groupe. Même si entre deux chansons, elle reste toujours timide. Nous sommes tous des schizophrènes, n’est-ce pas ?

Philippe Cornet

 » En tournée, que ce soit en Europe ou en Amérique, on porte toujours des vêtements belges.  » Alex Callier

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