PAR ANNE-FRANÇOISE MOYSON

Comment devient-on présidente, femme d’affaires, David contre Goliath ? Ce n’est pas parce que l’on pose la question qu’il existe une réponse toute faite, un vade- mecum carré, en 10 paragraphes, qu’il suffirait de suivre à la lettre pour ressembler à Aliza Jabès – un concentré de vivacité, regard crayonné by Terry (sa s£ur) et chevelure de jais, à la tête du groupe de beauté Nuxe. Pourtant, quand elle détaille son parcours, mais sans s’attarder jamais – de l’avant, voyons -, se dessinent quelques pistes non négligeables qui pourraient éventuellement servir de règles d’or non formatées et à l’infinitif.

Faire confiance à son instinct.  » Quand j’étais jeune, j’étais une très bonne élève, très rationnelle. Et puis je me suis aperçue que mon mode de fonctionnement était autant lié à la raison qu’à l’intuition…  » Petit regard en arrière, validation :  » À chaque fois que j’ai bifurqué, c’était mon instinct qui me guidait et la raison prenait la suite, pour confirmer.  » Le tournant fondateur ? Un billet retour Indianapolis-Paris, un poste d’analyste financier dans l’industrie pharmaceutique aux États-Unis, chez Eli Lilly, quitté pour tout reprendre à zéro, à Paris, à 25 ans.

Croire à son destin.  » Le pouvoir du cerveau est assez incroyable… « , dit-elle sans oublier les points de suspension ni l’aveu que cette idée pourrait sembler un peu  » basique « , et pourtant. En 1989, elle rachète pour 38 000 francs français un vieux laboratoire pharmaceutique fondé en 1957 tombé en désuétude qui porte déjà le nom de Nuxe, comme Luxe et Nature, elle trouve que ça sonne formidablement bien. À ses côtés, son père, chercheur en pharmacie, plutôt tourné vers l’aromathérapie et la phytothérapie qui lui a refilé son amour des plantes.  » On a commencé à deux, embauché un jeune pharmacien et travaillé à la formulation. II n’y avait rien, pas de moyens, pas d’argent, pas d’expérience – les sept premières années ont été celles des vaches maigres mais j’ai toujours eu la foi. « 

Être pugnace. À haute dose. Et inventive. Car comment autrement réussir à s’attaquer à un marché verrouillé par les grands groupes cosmétiques ? Snober les parfumeries, direction pharmacies et parapharmacies, avec une gamme où il est question de crème nirvanesque, de baume de rêve de miel et de merveillance.  » Nuxe, c’est le parfait équilibre entre rigueur et poésie.  » Les joyeux vers de mirliton pour les noms et le reste, après success-story, pour la science – 32 brevets, 14 spas, 450 employés, 100 millions d’euros de chiffre d’affaires, 1 laboratoire flambant neuf au c£ur de Paris,  » un choix coûteux, mais c’est un luxe que l’on peut s’offrir « .

Rêver tout haut. Être enceinte et fantasmer sur une huile multifonction, multi-usage pour oindre le corps, le visage et les cheveux. Faire plancher l’équipe sur une concentration inédite en huiles végétales  » précieuses  » (30 %) et en vitamine E, avec un maximum d’ingrédients d’origine naturelle (98,1 %). Compter sur le paternel,  » un génie des marques « , pour trouver le nom, l’Huile Prodigieuse, qu’il avait en réalité déposé depuis belle lurette, comme ça, parce qu’on ne sait jamais et que c’est d’une évidence évidente. Charger le coffre de sa  » petite Clio « , on est en 1991, faire personnellement la tournée des pharmacies qu’on connaît, tenter de convaincre les sceptiques, nombreux, se répéter en boucle qu’il faut faire confiance à son instinct/croire à son destin/être pugnace/et ainsi de suite. En 2012, il se vend dans le monde 1 flacon d’Huile Prodigieuse toutes les 6 secondes.

Grandir dans les jupes d’une mère qui  » travaillait pour une maison de mode « , collectionnait les beaux vêtements – ne cherchez plus d’où vient la petite robe haute couture de Jeanne Lanvin que porte parfois Aliza Jabès. Grandir sous le regard d’un père- mentor qui était forcément là depuis le début, et qui l’était encore quand elle se vit distinguée de la Légion d’honneur et sacrée Entrepreneur de l’année 2010. Ne pas ignorer sa chance, tenter la transmission. Car cette dernière règle, grandir bien entourée pour faire court, est la seule qui vaille, puisque c’est d’elle que découlent mathématiquement toutes les autres.

 » J’AI TOUJOURS EU LA FOI. « 

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