avec j. mays, la galaxie ford connaît un véritable bouleversement. le designer à poigne promet dorénavant du fun, de l’émotion et de l’homogénéité. vaste programme.

Américain, J. Mays est une sommité dans le monde du design international. Il coordonne les activités de toutes les marques du groupe Ford dans le monde, dont Jaguar, Volvo, Lincoln ou Aston Martin. Avant d’arriver chez Ford, il travaillait chez Volkswagen. C’est lui qui a eu l’idée de génie de développer la Volkswagen New Beetle, un projet qui lui était cher lorsqu’il était en poste au centre de design VW en Californie. Pendant quelque temps, il dirigea aussi le studio de design d’Audi en Allemagne. C’est sous son  » règne  » que l’étonnante Audi TT prendra forme. Il y a cinq ans, on lui propose un véritable challenge : remettre de l’ordre dans l’organisation du design de Ford à travers le monde. Véritable rouleau compresseur, J. Mays ne perd pas de temps. Amateur de belles voitures et puisant dans les grands classiques automobiles, on lui doit aujourd’hui le retour aux Etats-Unis d’une Mustang des plus réussies ainsi que l’esprit de la GT40. Deux réalisations qui donnent un avant-goût des surprises qu’il nous réserve en Europe…

Weekend Le Vif/L’Express : Il y a cinq ans, le style de Ford était plutôt terne. Quel a été votre premier objectif ?

J. Mays : Chez Ford, il y a cinq ans, nous avions déjà quelques véhicules excellents sur le plan du design, mais l’ensemble était plutôt disparate. Ainsi, la Ka, la Puma ou la Focus – qui venait juste d’être lancée à mon arrivée chez Ford – n’avaient aucune connection entre elles ! Quand on entrait chez un concessionnaire Ford à l’époque, il n’y avait pas réellement de perception de l’esprit de la marque. Mon objectif a donc été de remédier à cette situation. Cinq ans plus tard, Ford peut s’accorder un peu plus de fun !

Nous sommes maintenant dans une phase que j’appellerais un peu plus  » sexy  » pour la marque. Nous avons la possibilité de créer des modèles exclusifs, qui vont pouvoir créer une émotion maximale auprès de la clientèle.

Précisément, à propos d’émotions suscitées par une voiture, Ford avait racheté le carrossier italien Ghia, il y a plus de trente ans. C’est Ghia qui a notamment créé des concept-cars très originaux. Pourquoi l’avoir fermé ?

Nous n’avons pas fermé Ghia, nous l’avons simplement momentanément mis en veilleuse. Nous possédons la marque et les droits d’utilisation y afférents. Mais pour être honnête avec vous, le fait que Ghia soit installé à Turin n’était pas vraiment pratique pour moi. Chaque mois quand je viens en Europe depuis Detroit, il est plus simple de me rendre à Londres qu’à Turin. A Londres, où nous disposons à présent de notre nouveau studio baptisé Ingeni Design. De plus, c’est en Angleterre que sont rassemblés la plupart des marques de  » Premier Automotive Group « , la division des voitures de luxe de Ford. C’était donc une décision stratégique de rassembler nos activités de design avancé en Angleterre et non plus en Italie.

Vous mentionnez le studio de design Ingeni à Londres, qui s’occupe des nombreuses marques du groupe (dont Jaguar, Aston Martin et Land Rover). N’est-il pas difficile de coordonner à distance l’ensemble de leurs activités design ?

Oui, c’est absolument impossible ! Cependant, il fallait bien que quelqu’un s’y attelle. Je ne peux évidemment pas être à l’origine de toute la créativité propre à chacune des marques. Mon travail consiste donc à faire en sorte que chaque entité peaufine non seulement sa propre identité tout en prenant soin de ses valeurs  » design « . Il faut également veiller à ce qu’il n’y ait pas de confrontation entre les différentes marques du groupe. Ainsi, avec l’ensemble des responsables design, nous nous rencontrons quatre fois par an pour être certains d’aller dans la bonne direction. Ainsi, depuis que nous sommes propriétaires de Volvo, il est clair pour moi que nous ne devons plus nous préoccuper de construire une grande berline Ford pour l’Europe, puisque Volvo en possède déjà une dans sa gamme.

D’après-vous qu’est-ce qui constitue le côté original de Ford en Europe ?

Au cours des trois ou quatre dernières années, je pense que les qualités routières ont joué un rôle déterminant dans l’intérêt de la marque. Nous n’avons sans doute pas eu autant de succès pour le style de nos modèles, sauf en ce qui concerne l’aménagement intérieur, où en matière de qualité d’assemblage nous avons désormais atteint le même niveau que Volkswagen. Ford désire dès à présent maintenir un côté authentique à son design. Nous n’avons pas pour vocation d’être un constructeur à la mode. Renault accomplit en cette matière un travail fantastique, mais nous n’avons pas envie de suivre cette voie.

Pensez-vous pouvoir transposer le langage design européen de Ford aux modèles américains ?

Ford en Europe est ce que j’appellerais une marque de taille normale. Aux Etats-Unis, Ford est perçu de manière beaucoup plus générale. Sous le label Ford, vous pouvez y trouver bien plus de modèles que sous n’importe quelle autre marque à travers le monde. C’est ainsi que nous avons divisé la marque Ford en différents groupes de produits. Les prochaines voitures que Ford produira aux Etats-Unis ressembleront beaucoup à leurs homologues européennes, sauf que leurs dimensions seront plus imposantes et ceci en réponse aux attentes des acheteurs américains. D’autre part, aux Etats-Unis, nous différons complètement de l’Europe par la quantité de SUV (4 x 4, monospaces ou encore pick-ups) que nous proposons sur le marché.

Lors des salons de l’auto américains, Ford présente beaucoup de concept-cars. Allez-vous faire de même en Europe ?

Au cours des deux prochaines années, nous allons effectivement y déployer davantage de concept-cars. Certains de ceux que nous allons dévoiler au Salon de l’auto de Detroit en janvier 2004 auront d’ailleurs des dimensions telles qu’ils seront également adaptés au marché européen.

En tant que responsable du design Ford pour toutes les marques du groupe, quelle est celle que vous préférez ?

C’est un peu comme si vous me demandiez quel est celui de mes enfants que je préfère ! Vous savez, c’est très difficile sinon impossible de répondre à une telle question. Pour différentes raisons, j’apprécie toutes les marques de notre groupe. Quand je vois ce qui se prépare pour chacune d’entre elles, je ne trouve que des projets intéressants !

Quelle voiture conduisez-vous personnellement ?

Je conduis un nouveau Range Rover et je viens de passer commande de la nouvelle Jaguar XJ.

Que pensez-vous des voitures de très grand luxe, Maybach ou Rolls-Royce, dévoilées en Europe au cours des derniers mois ?

Il est très difficile pour moi de manifester quelque émerveillement pour une marque qui ne peut intéresser que 20 clients à travers le monde. Cela n’a aucune incidence sur les profits qu’une entreprise automobile doit pourtant générer. Je ne veux pas me montrer critique vis-à-vis de Maybach ou de Rolls-Royce, mais je pense qu’elles n’ont aucune influence sur l’industrie. Tout cela n’est qu’une question d’ego de la part des patrons de ces entreprises et constitue un peu d’amusement sur le marché automobile.

Propos recueillis par

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