Barbara Witkowska Journaliste

La célèbre styliste du centre de Bruxelles investit le haut de la ville et s’installe dans les superbes écuries Delvaux. Son fils Jonathan, passionné de mode, de design et créateur de joaillerie, gagne, lui, le prestigieux concours De Beers. Zoom sur une double success story.

Carnet d’adresses en page 160.

A l’arrière de l’hôtel particulier servant d’écrin au maroquinier Delvaux, à Bruxelles, les célèbres écuries sont blotties au fond d’une jolie cour et entourées de beaux arbres. L’endroit est à la fois prestigieux, alluré et discret. Lorsque François Schwennicke, président du groupe Delvaux, a décidé de le remettre en location, Johanne Riss n’a pas hésité une seconde.  » Plusieurs raisons m’ont amenée à ouvrir un second magasin dans le haut de la ville, explique-t-elle. Dans le centre, ma clientèle est constituée d’habituées du quartier et d’artistes. Le boulevard de Waterloo a une forte connotation internationale, je pourrai y toucher un autre type de clientèle. Je pressens un fort potentiel de développement dans ce quartier. Ce nouvel espace s’inscrit aussi parfaitement dans l’évolution de mon travail. Les écuries Delvaux, avec leur esprit d’arrière-cour, répondent parfaitement à ma prédilection pour des ambiances discrètes et intimistes, comme dans le bas de la ville.  »

Inaugurée il y a quinze jours, la boutique est aménagée avec sobriété, afin de mettre en évidence les beaux volumes et les détails architectoniques originels. Sur un fond de tons neutres, des camaïeux de gris et des blancs, la collection automne-hiver 04-05 se détache avec élégance. Le vert,  » symbole de la nature et de l’espoir  » est interprété avec maestria dans toutes ses nuances. Côté matières, on retrouve le polyamide, simple ou thermocollé, enrichi de Lycra, l’une des marques de fabrique fétiches de Johanne Riss parce qu’il  » camoufle si bien tous les défauts « . Un mélange de laine et de polyamide envahit une nouvelle collection de maille sans coutures, fabriquée en Italie. Les  » petites pièces « , inspirées de la lingerie, tels les tops et les tee-shirts, sont confectionnées en cachemire. Les robes et les jupes s’inspirent des années 1940 et battent le mi-mollet. Douillets et féminins, les twin-sets déclinent les pulls à col roulé avec ou sans manches. Les cardigans qui les accompagnent sont animés par un joli jeu de boutons. Les coloris ? Du noir et du camel pour l’élégance classique, du vert anis pour le côté fashion ainsi que du bleu azur qui annonce déjà les bleus de l’été prochain. Les vestes cintrées, d’inspiration années 1940, s’enfilent par-dessus des blouses et des tops à nouettes. Pour une jolie silhouette, on les accessoirise avec des escarpins à bout pointu ou arrondi, hissés sur un talon de 5 ou 7 cm. La fourrure (du renard ou de la belette), discrète ou plus présente, ajoute, ici et là, des touches glamour. Les jodhpurs s’accompagnent de bottes classiques, les caleçons se portent avec des santiags en serpent, petit clin d’£il vintage. Les collections de chaussures gagnent ainsi en importance dans les activités de Johanne Riss.  » Elles ne sont pas nouvelles chez moi, note la créatrice. J’en ai déjà dessinées pour des mariages ou des soirées. Conçues comme des chaussures de danseuse, elles se distinguaient par un confort hors pair. Les clientes en redemandaient, alors je démarre cet hiver une vraie collection. Elle ne cessera de se développer.  »

Voilà pour le prêt-à-porter. Passons à la grande force de Johanne Riss : les robes du soir et de mariée. Le concept, simple et infaillible, réunit à la base quinze modèles aux lignes très pures. A la demande de la cliente, on modifie la forme du décolleté ou le bas de la robe. Il peut être droit,  » sirène  » ou en biais. Le bustier, adaptable aux différentes poitrines, tient comme une vraie gaine, sans donner l’impression d’être comprimée comme dans un carton. Le confort n’empêche pas le glamour. Le bustier peut être recouvert de tulle, de mousseline, de bijoux ou de perles. Les silhouettes,  » assez strictes  » selon Johanne, gagneront dorénavant en nonchalance et en légèreté. Il y aura plus de flou, plus de volumes vaporeux, des fronces et des drapés. Côté matières, Johanne Riss reste fidèle à ses grands classiques, le polyamide, le satin et la mousseline de soie.  » Je regrette que personne ne travaille la dentelle de façon moderne, confie- t-elle. Telle qu’elle est présentée aujourd’hui, elle fait souvent ringard.  » Les imprimés sont également bannis.  » Je déteste les imprimés, s’exclame Johanne Riss. Je n’en porte jamais et j’ai un mal fou à les travailler. J’estime aussi qu’on s’en lasse très vite.  » La palette chromatique de base des robes du soir privilégie donc l’élégance classique : le noir, le vison, le marine et le rouge. Chaque année, elle s’enrichit, de coloris mode. Cet hiver, le vert sera à l’honneur. Les mariées ont le choix entre le blanc et l’écru. Adepte d’un total look raffiné, Johanne Riss crée aussi des bijoux. Purs et minimalistes, mais dotés d’une architecture très originale. La bague First for two, en argent ou en or, entoure deux doigts à la fois. Le bracelet Soneva est un simple ruban d’or ou d’argent qui coule sur le dos de la main. Dernières-nées, les boucles d’oreille Falst Twins, se présentent sous forme de tiges en argent ou en or, de longueurs différentes. Les bijoux développés pour le soir et pour la mariée se rangent dans la catégorie fantaisie haut de gamme. Des  » rivières  » de cristaux de roche et de perles, mousseux et chatoyants, se posent avec délicatesse sur les décolletés, les bras et les bretelles ou encore serpentent autour de la taille en guise de ceinture. Dès cet hiver, la gamme de bijoux sera élargie pour devenir une vraie collection. Le fil de métal remplacera le fil de nylon. Du coup, il y aura plus de variété dans les formes qui gagneront en dimension, en volume et en exubérance. Dernier scoop ? Une ligne d’éponge en noir et blanc, disponible uniquement au boulevard de Waterloo, réunissant des peignoirs, des draps de bains et des serviettes, ainsi que des babouches et des pyjamas d’intérieur, pour cocooner devant la télé.

La discrète Johanne Riss ne  » chôme  » donc pas. Son parcours, très cohérent, se poursuit en ligne ascendante depuis 1987 où elle a démarré dans une boutique  » mouchoir de poche  » de 37 m2. Trois ans plus tard, elle s’installe définitivement dans ce magnifique espace industriel, situé rue Marché aux Grains et contribue, en pionnière, à l’explosion du quartier Dansaert. Autodidacte surdouée, elle se fait connaître et apprécier par un concept innovant.  » Il faut toujours revenir à la base, épurer, explique Johanne Riss. Mon idée consistait à dessiner une ligne de vêtements de tous les jours, en coton-Lycra, sur lesquels on ajoutait de la mousseline, de la soie ou des bijoux, pour sortir le soir ou voyager avec une valise compacte. Avec quelques pièces, on pouvait improviser une quantité d’ensembles différents. Et pas de repassage ! L’important, c’est de travailler une belle matière avec du Lycra qui ne se déforme pas.  » Le concept séduit et fidélise toutes les femmes modernes et actives qui aiment la mode mais veulent  » un plus « . Johanne Riss leur offre un service exclusif grâce à un atelier qui se charge de transformer, retoucher et personnaliser tous les vêtements. Ce service  » couture à des prix prêt-à-porter  » sera aussi disponible, dès décembre prochain, boulevard de Waterloo.

Telle mère, tel fils

Styliste renommée et appréciée, Johanne Riss est aussi une mère comblée. Devant son fils Jonathan, 27 ans aujourd’hui, s’ouvrent des perspectives les plus prometteuses. Pendant deux ans, il lui a donné un coup de main, en développant la griffe Johanne Riss à l’exportation, surtout à New York. Il y a un an, il apprend que le Bon Marché,  » le  » grand magasin parisien de la Rive Gauche, prépare une exposition sur les robes de mariée. Dynamique et entreprenant, il  » négocie  » la participation de sa mère, aux côtés de trois autres designers. La griffe Johanne Riss cartonne. Les robes partent comme des petits pains : 60 pièces seront vendues en cinq semaines. Pour suivre la clientèle et lui offrir le même service qu’à Bruxelles, l’idée d’un show-room à Paris s’impose très vite. Aujourd’hui, Jonathan Riss dirige de main de maître une petite équipe de Parisiens. Il commercialise la collection de maman, dont certains modèles peuvent être, avec son accord, interprétés dans le goût parisien, plus audacieux. Cela dit, Riss Junior ne manque pas d’autres ambitions. Il est fou de bijoux de haute joaillerie, lui, et ce depuis l’âge de 10 ans.  » J’adore l’émotion de la femme par rapport aux diamants « , confie-t-il. Il s’est lancé lui-même dans la création et dessine des pièces uniques sur commande. Est-ce la fin de la confidentialité ? Lors du dernier concours organisé par la DTC (Diamond Trading Company), mieux connue auprès du public sous le nom De Beers-LV, Jonathan Riss a présenté, parmi des milliers de candidats du monde entier, un impressionnant collier-cascade composé de 300 diamants pour une valeur de 150 carats, entièrement articulé sur des liens d’or brut entrelacés. Et il a gagné ! On pourra admirer cette somptueuse parure, en automne, à Venise, lors d’une exposition organisée par De Beers. L’£il sur l’horizon, Jonathan Riss voit déjà plus loin et peaufine dans sa tête la boutique de joaillerie qu’il ouvrira à Paris en 2005. Ce sera un  » bijou  » au concept inédit, un  » endroit magique  » où les jeunes pourront trouver des pièces de haute joaillerie à des prix abordables.

Barbara Witkowska

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content