Cuisiner l’Italie aujourd’hui, c’est éviter la carte postale. Exactement le propos de ce jeune chef d’origine sarde qui redonne sens et vie aux produits de la Botte.

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, naître italien n’est pas forcément une bénédiction. Du moins quand on a la cuisine à coeur. Pourquoi ? Parce que les plats de la tradition transalpine sont à ce point consacrés que la réinvention de ce patrimoine est la chose la plus malaisée qui soit. Le risque ? Le blocage, la crispation, l’aphasie. Donnons un exemple pour mieux comprendre : quand on a face à soi une  » mozzarella di bufala  » du jour, servie à température ambiante, avec une lampée d’huile verte et aromatique, ainsi qu’un tour de moulin à poivre, que peut-on encore ajouter ? Il est même un peu suicidaire d’essayer de faire mieux en proposant une déstructuration de la composition façon mozzarella infusée, émulsion d’huile d’olive… N’empêche, de tels chefs existent ! Et ils n’ont pas froid aux yeux. Ils ont la tâche difficile, raison pour laquelle il faut les soutenir dans leur entreprise de revitalisation de la gastronomie du cru.

En Belgique, Renato Scanu (32 ans) compte parmi cette avant-garde. L’homme est d’origine sarde et quand on lui parle de son île, ses yeux se perdent dans le vague et son débit s’emporte. Il évoque ces produits qui ont définitivement marqué sa cuisine : la fameuse bottarga, des oeufs de mulet salés et séchés ; la fregola, des pâtes de semoule de blé ; le jambon de Villagrande affiné pendant 24 mois, une salaison à la fois douce et persillée ; ou encore le mirto, une liqueur parfumée à base de myrte. Passionné et bavard, il raconte sa principale source d’inspiration, à savoir les vacances passées dans le fief familial situé dans la province d’Orestano, dans le sud-ouest de l’île.  » J’ai été très marqué par mon oncle qui compose ses plats avec beaucoup de simplicité, ses préparations sont comme des madeleines de Proust pour moi. Tout particulièrement ses pâtes à la tomate fraîche. Il y a aussi les repas interminables que l’on commence à midi et qui se terminent vers 17 heures. Je pense également à ma grand-mère avec laquelle je réalise des pâtisseries en pâte de massepain… Je ne connais rien de plus gourmand « , explique l’intéressé.

C’est à partir de ce schéma que Renato Scanu imagine les mets qu’il sert dans son restaurant d’Omal, près de Liège. Un temps fort ? Sans hésiter, la terrine de foie gras marbrée avec réduction de mirto et de balsamique. Un autre ? Son risotto au chorizo sarde, copeaux de parmesan, filet de bar de ligne rôti à l’huile d’olive et râpé de truffe noire. Très souvent, le chef essaie de se situer au croisement de l’Italie et de la Belgique en panachant produits d’ici et de là-bas.  » Etre à la fois à l’intérieur et à l’extérieur de la cuisine sarde me permet d’avoir un point de vue sur elle, cette double appartenance est une richesse qui stimule ma créativité « , complète-t-il. Pour ne pas s’endormir sur ses lauriers, Renato Scanu change ses recettes toutes les cinq semaines et ne les propose que sous forme de menu, de manière à ce que les clients, eux aussi, ne cèdent pas à la facilité. Ce serait dommage de passer à côté de tant de talent.

L’Isola, 18, chaussée Romaine, à 4252 Omal (Waremme).

www.lisola.be

PAR MICHEL VERLINDEN / PHOTOS : KRIS VLEGELS

 » CETTE DOUBLE APPARTENANCE EST UNE RICHESSE QUI STIMULE MA CRÉATIVITÉ. « 

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