De 007 Spectre, le dernier James Bond, au nouveau film de Xavier Dolan, la jolie Française illumine le cinéma. Elle est le feu sous la grâce. Sensuelle, écorchée, piquante, troublante.

Voilà dix bonnes minutes que Léa Seydoux parle, et son regard s’échappe systématiquement à travers la vitre du bistrot pour aller chercher je ne sais quel mot ou quelle idée. A croire qu’elle guette quelqu’un ou qu’elle attend qu’un événement vienne froisser cet entretien. Lorsque tout à coup :  » Je suis désolée mais je ne regarde pas souvent dans les yeux.  » Chacun son truc. Le plus étonnant, d’ailleurs, c’est qu’elle se soit rendu compte du léger trouble provoqué. Comme si l’actrice, à ce point sensible à tout ce qui se passe autour d’elle, parvenait à décrypter l’attitude de son interlocuteur.  » Ma principale qualité ? Mon instinct « , confirme-t-elle.

En fait d’instinct, il suffit de dérouler la filmographie de Léa Seydoux pour y déceler une furieuse propension aux changements de route. Ici, des auteurs plus ou moins populaires – Bertrand Bonello, Abdellatif Kechiche… -, là des gros calibres sur grand écran, tendance gratin mondial – Quentin Tarantino, Ridley Scott, Woody Allen… Cet automne, en l’espace de quinze jours, elle a été à l’affiche de The Lobster de Yorgos Lanthimos et de 007 Spectre de Sam Mendes. Résistante à un ordre moral dans un film barré, étrange et surréaliste d’un côté, James Bond girl glam’ et action tous azimuts de l’autre. Entre deux scènes du second, elle a également tourné Juste la fin du monde de Xavier Dolan, non encore programmé chez nous. Elle qui déteste l’avion devait enchaîner les trajets Londres-Montréal. Arrivée la veille, une journée de tournage avec Vincent Cassel et Marion Cotillard, puis embarquement le soir pour être le matin dans les bras de Bond. On pourra toujours discuter mille heures sur cette façon de dessiner un parcours contrasté, qui peut sembler travaillé au millimètre pour plaire à tout le monde…  » Ce sont mes choix, mes goûts, rétorque-t-elle. Même si une carrière se construit par des contraintes, elle finit par ressembler à soi. Cet éclectisme, c’est moi. Il y a des acteurs qui se contentent de jouer, d’autres qui cherchent une façon de le faire. Moi, j’ai encore du mal à définir mon style mais sur un plateau, je me sens à ma place.  » 30 ans, trente films. Une Palme d’or pour La Vie d’Adèle. Des rôles de tueuse, d’amoureuse, de dame de compagnie, de princesse, de belle. La profession lui accorde une cinégénie peu commune.  » J’ai la chance de prendre la lumière. C’est ainsi. Après, il y a le travail et le talent. Le travail, c’est affiner son talent, s’améliorer, comprendre. Ensuite vient la technique.  » Parfois, Léa Seydoux a tendance à mettre trop de mots partout pour analyser ce qu’elle est, ce qu’elle vit, et comment, alors qu’elle semble elle-même privilégier son instinct.

Dans 007 Spectre, la comédienne s’appelle Madeleine Swann. Un nom proustien en diable qui lui plaît. Comme lui ont plu les trois cents jours de travail – la moitié du tournage :  » C’est ma plus belle expérience de cinéma. C’était formidable de travailler avec Sam Mendes. Il est perpétuellement de bonne humeur. Il est précis dans le détail, infatigable, plein d’énergie.  » Le visage pâle, le regard parfois triste, elle interprète un toubib des âmes qui mène l’agent secret dans les griffes du Spectre. Mais aussi une femme amoureuse qui offre une porte de sortie à un homme plus souvent au service des draps de lit qu’à celui de Sa Majesté. Elle fait le boulot et ne semble pas dépassée par l’importance de cette production extra-large.  » Quand je joue, je suis là pour le film. Je déteste les rapports de force, les plaintes, les caprices. Sur ce Bond, j’ai le sentiment d’avoir fait des choses de qualité.  »

Léa Seydoux commande un café et regarde encore à travers la vitre. Elle revient sur le sujet précédent, comme si le fil de sa pensée épousait le flot de la circulation.  » J’aime de moins en moins discuter d’un personnage. Il faut se jeter à l’eau. Quand j’ai commencé, j’étais dans l’explicatif. Aujourd’hui, j’essaie d’aller vers la simplicité, l’épure.  »

PAR ERIC LIBIOT

 » J’ai la chance de prendre la lumière. C’est ainsi. Après, il y a le travail et le talent.  »

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