Après le triomphe du marketing olfactif, la tendance vise désormais à plus de retenue au niveau des narines. Vive le grand air !

Retrouvez Frédéric Brébant chaque lundi matin, vers 9 h 45, dans l’émission  » Bonjour quand même « , de Jean-Pierre Hautier, sur La Première (RTBF radio).

Il était une fois un monde qui sentait bon. Un monde où l’on avait décidé de tout parfumer. Les savons, les bougies, les lingettes et les produits de vaisselle. Mêmes les boutiques et les lieux publics avaient succombé à la mode aromatisante à coups d’essences spécialement étudiées pour rassurer le visiteur et séduire le consommateur. Certains avaient même poussé le bouchon odorant jusqu’à créer un parfum personnalisé pour chaque client en fonction de son profil unique, comme l’hôtel Park Hyatt Paris-Vendôme. C’était au tout début des années 2000 et l’on parlait alors de marketing olfactif. Un marketing qui n’en mettait plus seulement plein la vue, mais qui menait désormais le passant par le bout du nez. Des sociétés spécialisées avaient d’ailleurs vu le jour comme, par exemple, www.parfumdimage.com, imaginant la meilleure senteur adaptée aux entreprises soucieuses de communiquer de manière originale. Plus fort : on ne parlait plus seulement de logo ni même de signature musicale propre à l’esprit d’un produit spécifique (idéale pour les spots radiophoniques), on était désormais entré dans l’ère des  » logolfs « , mot-valise désignant les logos olfactifs censés compléter l’image globale d’une société. Dans cette logique du  » tout à l’odorat « , des petits malins avaient même imaginé guérir le monde à coups d’inhalateurs de poche contre le stress, la fatigue et l’angoisse ( www. aromapod.net), voire même à garnir nos ordinateurs des senteurs appropriées grâce à un petit boîtier diffuseur directement connecté au PC. A cette époque û en l’an 2004 très exactement û, on pouvait ainsi recevoir des e-mails parfumés et même personnalisés par des arômes précis selon l’expéditeur : menthe poivrée pour sa dulcinée, citron vert pour oncle Albert, mandarine pour une copine, patchouli pour grand-mamy ( www.violet.net). Pratique et plus sympa que le son froid de l’ordi ! Mais l’année 2005 s’imposa. Et, avec elle, son lot de craintes et de suspicions. Des enquêtes menées quelques mois plus tôt par des organismes très sérieux vinrent tirer la sonnette d’alarme face à ces odeurs multiples et agressives. Le magazine  » New Scientist  » nous apprenait alors que les bâtonnets d’encens supposés nous relaxer en toute sérénité étaient de véritables nids à substances cancérigènes ( www.newscientist.com). Pire, l’association Tests-Achats en Belgique et l’Union fédérale des consommateurs en France annonçaient ensuite que les désodorisants d’intérieur qu’elles venaient de tester se révélaient tous toxiques à des degrés divers. Bref, huiles essentielles, bougies parfumées, papiers d’Arménie, vaporisateurs traditionnels et autres diffuseurs liquides étaient purement et simplement mauvais pour la santé. La réaction ne se fit pas attendre : on ouvrit toutes les fenêtres et les grandes villes interdirent peu à peu, à l’instar de la pionnière canadienne Halifax, les parfums et autres désodorisants dans les lieux publics. Lentement, la tendance  » sans parfum  » gagnait du terrain, soutenue par l’invention spectaculaire de ce nez artificiel chargé de veiller au grain. Grâce à cet outil désormais incorporé à tous les téléphones portables, l’homme moderne était enfin informé de ces dangers olfactifs qui le guettaient en permanence. Aujourd’hui, en l’an 2014, la nostalgie se fait pourtant sentir. Tapis dans l’ombre, les  » alter-parfumistes  » préparent doucement le grand retour des vieux arômes artificiels…

Frédéric Brébant

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