Le nouveau lifestore d’I de B, qui ouvre ses portes ce lundi à Bruxelles, sera la nouvelle maison chic et hype du boulevard de Waterloo. Une variante du célèbre magasin parisien, Colette, qui a bâti son succès sur l’exclusivité. De Bruxelles à Londres, petit tour d’horizon de ce nouvel art de shopper.

Carnet d’adresses en page 72.

De son père, Egyptien, elle a hérité de l’art de vivre à l’orientale, d’une maison toujours ouverte et d’un sens inné de la générosité. A sa mère, Allemande, elle a emprunté la silhouette longiligne et l’allure. De ce terreau, elle a façonné un personnage, I de B, un personnage qui à force de jouer à être un personnage, en devient touchant de sincérité. Quand Ingrid de Borchgrave ouvre une maison de mode, on s’attend à quelque chose d’éclectique, à une élégance savamment décalée, à un beau paradoxe, comme elle, qui commence une phrase en disant qu’elle veut faire du commerce  » humanitaire « , la poursuit en affirmant qu’elle adore Lætitia et Johnny et la termine enfin en déclarant que  » non, décidément, le yacht d’Armani est trop petit « .  » La vie c’est 50 % de rêve « , dit-elle. Et la mode aussi. La boutique I de B, qui ouvre ce lundi 24 janvier, au 49, boulevard de Waterloo à Bruxelles, sera donc à son image, du rêve en pièces détachées. De la décoration à la cosmétique en passant par le prêt-à-porter, le bien-être et la restauration, tout sera passé à la loupe par la maîtresse des lieux.  » Avant de vendre une petite culotte en boutique, je la porte et je la lave pour voir comment elle réagit « , lâche Ingrid de Borchgrave dans son franc -parler légendaire.  » Je n’ai pas de tabou « , assure-t-elle. Aussi, dans sa magnifique maison de maître, avec pour seule enseigne un petit carré rouge bordeaux qui reprend ses chi- cissimes initiales en gris perle, on pourra aussi bien acheter des nuits d’hôtel au Ritz à Paris avec la garde-robe appropriée que faire un geste caritatif pour l’alphabétisation des enfants marocains en faisant l’acquisition d’un service de verres.

Sur 1 000 m2 et deux étages redécorés par l’architecte François Marq se déploiera une succession de salons tous meublés de canapés. Au rez-de -chaussée : un espace pour l’homme, une pièce dédiée à la décoration avec table dressée et un espace  » cultivial  » (comprenez culturel et convivial avec bar, restauration, sélection de livres et de CD établie par I de B). Au premier étage : un boudoir lingerie, un salon accessoires et prêt-à-porter femmes. Au second étage : un espace relooking, maquillage et massage ainsi qu’un salon joaillerie. Dans son lifestore,  » cette maison de rencontres et de vie où le vêtement sera toujours en mouvement « , I de B envisage d’organiser des déjeuners privés deux fois par mois, sur un thème donné allant de la politique à la culture. Une idée qu’elle avait déjà initiée lorsqu’elle dirigeait la boutique Armani aux Sablons avant de passer chez Dior. A noter aussi : on pourra se faire tirer le portrait par le photographe Jean-Claude Wouters qui a signé toutes les photos de presse d’Ingrid de Borchgrave, dont celle que nous publions en page 14.

Côté exclusivités, on annonce des pièces griffées Lanvin, des modèles de Jean-Charles de Castelbajac prêt-à-porter ou crées par Castelbajac en association avec Le Coq Sportif, Comme des Garçons shirt et la ligne créée avec Fred Perry, Barbara Bui, une collection Jean-Paul Knott spécialement dessinée pour I de B ou encore des vêtements signés Sofie d’Hoore. Dans le boudoir lingerie, on jettera son dévolu sur des dessous signés Christian Lacroix, Carine Gilson ou encore Andres Sarda. Pour les chaussures, on retient Patrick Cox ou Rodolphe Ménudier. Delvaux signe aussi un sac spécialement dessiné pour la boutique. Et dans l’espace bijouterie, on découvrira une sélection de bijoux Daniel Swarovski. A ne pas manquer : la collection d’ I de B herself qui a posé sa griffe sur des pulls en cachemire, des bustiers, des souliers et de la porcelaine ou encore du linge de maison.  » J’aurais bien aimé appeler la boutique Joséphine, confie Ingrid de Borchgrave mais mon associé (NDLR : l’homme de communication français Jacques Berrebi) a préféré l’utilisation des initiales.  »

Si on en croit l’histoire du concept-store, la formule magique semble, il est vrai, tenir à une personne et surtout à une personnalité. Voyez Colette. Cette boutique parisienne dont la propriétaire, prénommée Colette, a bâti son succès sur l’idée de sélection et d’exclusivité. Même si Ingrid de Borchgrave se défend du rapprochement.  » Colette, c’est froid, c’est chèrissime « , constate-t-elle sans nier pour autant qu’elle partage avec la boutique parisienne le même goût du mélange des genres et de la pièce unique.  » Comme eux, on touche à tout « , reconnaît-elle. Et comme chez Colette, c’est I de B en personne qui opère chaque sélection.  » Nous voulons faire un lieu qui se situe au-delà de la mode « , souligne Ingrid de Borchgrave qui mise sur l’accueil dans sa maison. Un accueil qu’elle supervisera au quotidien puisqu’elle compte bien y être à demeure.  » Je veux qu’on vienne chez I de B comme on vient chez Ingrid « , souhaite celle qui a choisi le papillon pour emblème de sa boutique et de sa marque, destinée à se développer. Un papillon stylisé qui, comme elle, aime aller butiner des idées aux quatre coins du monde pour en ramener ce nouveau concept de  » lifestore  » pour les 15 – 80 ans. Un label qu’elle vient de déposer et qui pourrait bien d’ailleurs avoir plusieurs vies dans d’autres capitales.

Colette, le temple de l’exclusivité

L’exclusivité semble être le nouveau philtre magique dans l’univers de la mode. Le concept de la pièce unique a fait le succès de Colette à Paris à tel point que l’enseigne est devenue un véritable label à travers le monde. On est pro ou anti-Colette, n’empêche, on se définit toujours par rapport au label. Ainsi, il y a quelques mois, on annonçait l’arrivée de I de B comme le nouveau  » Colette belge « . Aujourd’hui, Ingrid de Borchgrave a revu sa stratégie marketing et se définit plutôt comme un anti-Colette.

Bref, on se demande bien quel est le secret de ce concept-store de la rue Saint-Honoré qui fêtera ses huit ans au mois de mars.  » Colette se résume à une acheteuse, enfin deux, Colette et sa fille Sarah « , explique très simplement un des jeunes chargés des relations presse, Guillaume Salmon. Colette compte aujourd’hui 80 employés mais seulement deux acheteuses qui sélectionnent elles-mêmes les produits parmi les nouveaux créateurs et les magasins les plus hype du monde. Pas de stratégie commerciale définie donc, mais une politique à l’instinct pour cette enseigne qui porte le nom de sa propriétaire. Un prénom si français qu’il est devenu emblématique d’un nouveau chic parisien à l’étranger. Récemment, Colette s’associait avec la marque Comme des Garçons pour la création d’une boutique éphémère à Tokyo.

Exclusivité donc mais aussi mélange des genres et décalage sont les maîtres mots de l’esprit Colette qui n’hésite pas à mixer des objets en cristal de Baccarat avec des figurines de l’emblématique chatte japonaise Hello Kitty. La mixité est tellement réussie qu’on serait presque tenté de rebaptiser la boutique  » magasin de curiosités « . Autre secret du succès du lieu et surtout de sa pérennité :  » la boutique ne s’est jamais définie comme un magasin pour branchés « , souffle Guillaume Salmon dans un sourire. Aussi, si l’enseigne parisienne a attiré à ses débuts une première clientèle parisienne ultrapointue, la deuxième vague a amené provinciaux et touristes dans le quartier. Dans les guides de la Ville lumière, Colette est devenue le passage obligé au même titre qu’une visite au Louvre, au Moulin-Rouge ou au musée d’Orsay. On vient chez Colette voir les dernières tendances, siroter une eau au water bar, manger un plat du jour au restaurant, essayer le jeans Blue Cult que portent les stars et humer un peu de l’esprit parisien. Quel que soit l’âge, on pousse les portes de cette boutique sans se sentir inhibé. Et au passage, on s’offre un peu de rêve.

Le magasin recense entre 800 et 1 000 visiteurs par jour, enregistre sur son site web 500 commandes par mois et ne compte plus ses parutions dans la presse spécialisée. En huit ans d’existence, l’équipe, qui ne se repose jamais sur ses lauriers, veille sans cesse à se renouveler (les vitrines sont changées toutes les semaines) et voit l’arrivée d’autres concepts avec sérénité.  » D’autres ont tenté de développer le même concept mais n’ont pas duré. Si des magasins à la Colette ouvrent en Belgique, nous sommes flattés « , se contente de commenter le sémillant attaché de presse. Toujours à l’affût, Colette nous fera encore cette saison découvrir de nouveaux noms. Fidèle à son esprit de mélange des grandes signatures et des jeunes talents.

Dover street market, le libre marché

A Londres, qui n’en est pas à son premier concept-store et où l’idée de mélange des genres existe déjà depuis de nombreuses années, Comme des Garçons ouvrait, le 11 septembre dernier, un grand marché de luxe, le Dover Street Market. Inspiré du Kensington Market des années 1980, il se veut un réservoir d’idées et de créativité. Rei Kawakubo, la créatrice de la marque, a clairement défini le concept :  » Je veux créer une sorte de marché où différents créateurs d’horizons multiples se rencontrent et génèrent une atmosphère de beau chaos.  » Dans un grand squat de luxe aux murs nus, aux poutres en acier et au sol en métal qui s’étale sur six étages et sur 1 200 m2, douze artistes et designers soigneusement choisis par Rei Kawakubo mélangent leurs créations avec les collections de Comme des Garçons. Pour exemple, le doyen, le designer de chaussures Terry de Havilland, qui a connu le temps du Kensington Market, dispose de son  » coin  » tout comme le jeune duo de créateurs britanniques Bouddica ou encore le créateur belge Raf Simons. Alber Elbaz, pour Lanvin, a élaboré, quant à lui, une belle mise en scène entre lustres, vieux fauteuils et mannequin renversé sur un canapé vintage. On observe avec délice les variations sur le thème de la petite robe noire de Didier Ludot, l’antiquaire parisien de la mode, et on se rue sur le stand de Cameron Silver, propriétaire de Decades, la boutique Vintage de Los Angeles, celle où s’approvisionnent les stylistes des stars. On découvre aussi l’espace réservé à Azzedine Alaïa ou encore celui aménagé par Hedi Slimane. Baptisé  » Archaïsm « , ce dernier est constitué d’un mobilier en bois d’ébène et en métal noir révélant une ambiance des plus minimalistes. Diamétralement opposé, l’espace sport expose les collections de Junya Watanabe ainsi qu’une sélection de modèles de Shawn Collins, James Perse, Resistance ou encore Fred Perry. Dès le mois de février, on découvrira également un corner jeans avec des modèles nés de la rencontre de Levis et de Junya Watanabe. Enfin, dans ce vaste marché, un coin est dédié aux livres de la Galerie 213 d’Antoine de Beauprès. La librairie parisienne, qui s’est exportée à Londres, a amené dans ses malles une sélection de livres de photographies des plus pointus. Enfin, pour orchestrer le tout, un espace musique propose un choix de morceaux encore inconnus. A tous les étages, des performances d’artistes font souffler un vent de liberté.  » Faire clasher l’environnement et briser le concept des traditionnels corners « , tel était le souhait de Rei Kawakubo. Opération réussie.

Clinic, le Denimandstuff supermarket

Encore une boutique  » à la Colette « , le Denimandstuffsupermarket, ouvert depuis quatre mois à Anvers ?  » Plus précisément un croisement entre American Outfitters à Londres et Colette à Paris « , note Jorrit Baars, un des deux associés à l’origine de ce nouveau supermarché du  » jeans et autres trucs  » dans la très branchée Burburestraat à deux pas du musée des Beaux-Arts d’Anvers. En fait, s’il reprend l’esprit de l’éclectisme à la Colette, Clinic se veut meilleur marché et moins exclusif. Plus sportswear donc. On y trouve toutefois quelques modèles uniques en Belgique comme la collection de Missy Eliott pour Adidas, la ligne Blackstation de Puma, les chaussures dessinées par Philippe Stark pour Puma ou encore les modèles les plus récents de la marque japonaise de baskets Onitsuka Tiger. Dans plus de 1 000 m2, ce magasin sur deux étages, qui comprend une jeanserie au premier et un espace restauration au sous-sol, mélange vêtements, livres, objets de décoration, gadgets, disques…  » On voulait un nom court qui claque et surtout qui permette une opération marketing autour « , poursuit Jorrit Baars. Ainsi dans la salle du bas, rebaptisée Intensive Care, on commande sandwiches, salades ou boissons à l’aide de feuilles qui ont tout l’air de prescriptions médicales. Pour ajouter à l’atmosphère clinique, de grandes lignes rouges tracées au sol dessinent une croix rouge. En haut, le personnel a été renommé  » style doctors  » ou encore  » style nurses « .  » Si vous ne pouvez plus voir la mode, venez chez Clinic « , s’impose comme un des slogans de ce nouveau supermarché qui s’adresse aux 20 ans et plus.  » Shoppertainment « , tel est le nouveau concept de cet endroit qui veut associer le shopping au loisir. Parmi les projets de Clinic, on retient l’ouverture d’une terrasse en été, des expositions dans la partie restaurant, la préparation d’une compil signée Clinic et quelques exclusivités comme la tennis toute blanche de Onitsuka Tiger qu’il faudra peindre soi-même ou les chaussures de la marque K-Swiss. En attendant, on peut toujours s’acheter le tee-shirt made in Clinic  » style nurse  » ou  » style doctor  » ou encore celui de la marque américaine  » Just another rich kid  » en exclusivité pour Clinic au Benelux  » après Colette à Paris « , précise, fièrement, Jorrit Baars.

En shopping comme en littérature, Colette est devenue la référence. Un siècle après le courant d’émancipation que lançait l’écrivaine française dans le monde des Lettres, le prénom évoque aujourd’hui un nouvel art de consommer, libéré des contraintes de genres. Reste à savoir si I de B en écrira le prochain chapitre.

Agnès Trémoulet

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