Après douze années passées chez Vuitton, le talentueux Peter Copping a repris le flambeau de la création chez Nina Ricci. De quoi donner un second souffle à la maison de mode, plus connue aujourd’hui pour ses fragrances historiques, parmi lesquelles la légendaire L’Air du Temps, de 1948.

Aujourd’hui, Nina Ricci évoque avant tout un parfum : L’Air du Temps, un classique absolu depuis plus de soixante ans, dont les ventes aux quatre coins du monde ne faiblissent pas. La mode de la maison fondée en 1932 semble, elle, connaître une période moins faste que dans le passé, lorsque quatre cents personnes travaillaient dans les ateliers, contre une quinzaine actuellement. Quant au département couture, à la base de toute la saga, il n’existe plus depuis longtemps déjà.

Fait étonnant, la griffe de luxe ne compte qu’une seule boutique, aménagée au rez-de-chaussée de son quartier général, installé, depuis le début des années 70, sur la prestigieuse avenue Montaigne, à Paris. Une unique enseigne, c’est donc bien peu. Et pourtant. Sous la direction du créateur britannique Peter Copping, débarqué voici deux ans de chez Louis Vuitton, Nina Ricci gagne à nouveau du terrain sur les podiums. Et donne ainsi un coup de pouce à L’Air du Temps… car paradoxalement, le succès commercial du jus mythique a aussi besoin de la mode et de son image glamour pour assurer sa pérennité.

L’HISTOIRE DE NINA NIELLI

Née en Italie en 1883, Maria Nielli émigre en France lorsqu’elle est enfant. En 1904, elle épouse le bijoutier et compositeur Luigi Ricci. Elle £uvre pendant vingt ans comme couturière pour le Parisien Raffin. En 1932, à presque 50 ans, elle monte sa propre maison de couture, et nomme son fils Robert directeur administratif. D’un simple salon, l’endroit se métamorphose en une adresse luxueuse de onze étages, répartis sur trois bâtiments.

Après la Seconde Guerre mondiale, la griffe lance une série de parfums. C’est surtout Robert Ricci qui s’y attèle.  » C’était un visionnaire dans ce domaine « , explique le directeur marketing de la marque, Caius von Knorring. Dès 1948, L’Air du Temps, la deuxième fragrance, fait un véritable carton. Le flacon, paré de deux colombes en cristal, est l’un des plus célèbres au monde. Une création signée Robert Ricci et Marc Lalique, dont la cristallerie était, jusque dans les années 50, le fournisseur exclusif de la maison, et qui réalise aujourd’hui encore des packagings en éditions limitées.

Nina Ricci continue de créer jusqu’au début des années 50 (elle décède en 1970). En 1954, elle cède la direction artistique au Belge Jules-François Crahay. Celui-ci rejoint Lanvin en 1963 où il £uvrera jusqu’en 1984 : il est alors remplacé par le Français Gérard Pipart, qui tiendra les rênes de la maison pendant trente-cinq ans. En 1998, Ricci est repris par le groupe espagnol Puig (qui détient notamment la licence mode pour Paco Rabanne et depuis peu Jean Paul Gaultier, et qui produit entre autres aussi les parfums pour Prada et Comme des Garçons). Les premières tentatives, assez prudentes, de rajeunir Nina Ricci, avec l’aide des créateurs Nathalie Gervais, Massimo Giussani, James Aguiar et Lars Nilsson, sont plutôt passées inaperçues. Mais en 2006, Olivier Theyskens réussit à redonner un second souffle à la marque. La presse mode est alors enthousiaste. Les chiffres de vente, en revanche, ne convainquent pas et la collaboration avec le créateur belge s’arrête après quelques saisons. Puig compte depuis deux ans sur le Britannique Peter Copping pour faire de Nina Ricci une griffe de luxe qui donne le ton et couronnée d’un certain succès commercial.

DES PARFUMS À SUCCÈS POUR SOUTENIR LA MODE

Peter Copping, qui a grandi près d’Oxford, entre dans la mode comme stagiaire chez Lacroix.  » Quand j’étais étudiant, je suis retourné à cinq reprises à Paris, confie-t-il, chaque fois pour un nouveau stage, et j’y ai pris goût. Je voulais absolument développer ma carrière dans la capitale française.  » Et c’est ce qu’il est parvenu à faire, après un détour par Milan : pour son premier job, Peter Copping a officié au sein du label italien Iceberg.  » J’ai travaillé 18 mois en deuxième ligne, je dessinais à longueur de journée.  » Le Britannique est ensuite passé par Sonia Rykiel pendant trois ans, puis Louis Vuitton, où il est resté douze ans.

Quel regard portez-vous sur votre passage chez Louis Vuitton ?

J’étais chez Vuitton depuis le tout début, la première collection de Marc Jacobs. Mon rôle a évolué, je suis passé du poste de créateur dans l’équipe de Marc à celui de directeur de studio. C’est évidemment une entreprise plus grande que Nina Ricci mais au département mode, nous travaillions dans notre petite bulle. Nous pouvions expérimenter, collaborer avec des artistes comme Richard Prince, Takashi Murakami, Stephen Sprouse. Un certain nombre de ces projets ont été une vraie réussite. Nous disposions de budgets conséquents mais nous atteignions aussi de bons résultats. Marc délègue beaucoup. Il le fait très bien. Il laisse ses collaborateurs s’épanouir, parle toujours de son équipe. À la fin, j’étais officiellement le porte-parole des pré-collections. La famille Puig m’a contacté parce qu’elle aimait ces lignes. Personnellement j’étais attiré par l’esthétique typiquement parisienne de Nina Ricci. C’est une marque très féminine. Et c’est ce que j’aime.

Vous avez succédé à Olivier Theyskens…

Je savais que mon esthétique était très différente. Et que je voulais faire tout autre chose avec la marque. C’est tout ce qui comptait – pas ce qu’il avait fait avant moi. Je veux créer des vêtements qui se vendent. C’est capital : nous travaillons dans l’industrie de la mode, où le terme  » industrie  » a son importance.

Vous inspirez-vous de l’héritage de Nina Ricci ?

Nos archives sont conservées quelque part en dehors de Paris. Je n’y suis pas encore allé. Nina Ricci a créé un style à l’époque, un esprit particulier. Mais elle n’a pas laissé de pièces fortes comme Yves Saint Laurent par exemple, où l’on pense immédiatement au smoking, à la saharienne. Chanel, c’est le tweed, les camélias. Chez Nina Ricci, les codes sont moins littéraux. Il s’agit davantage d’un sentiment de féminité qu’on doit essayer de saisir en tant que créateur.

Nina Ricci a une industrie du parfum très forte. Cela rend-il les choses plus simples ou plus compliquées ?

Le succès des parfums aide la mode, mais le prêt-à-porter reste essentiel pour la maison. Autrefois, quatre-cents personnes travaillaient dans les ateliers. Aujourd’hui nous sommes quinze. Une petite équipe, mais cela suffit. Nous sommes efficaces. Les résultats sont bons et j’ai beaucoup de liberté. Je ne suis pas compétent dans le domaine de la parfumerie, mais à l’avenir j’aimerais y collaborer. Mon image de Nina Ricci se concrétise davantage à chaque collection. Il y a une évolution claire, et en même temps une constance. La femme Nina Ricci est mieux définie, cela signifie qu’on peut puiser dans la mode l’inspiration pour créer les parfums.

PAR JESSE BROUNS

 » JE VEUX CRÉER DES VÊTEMENTS QUI SE VENDENT. NOUS TRAVAILLONS DANS L’INDUSTRIE DE LA MODE, OÙ LE TERME « INDUSTRIE » A SON IMPORTANCE. « 

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