Il partage son temps entre les forêts tropicales et les métropoles pour y tisser d’étonnants jardins verticaux… Pour donner une specta-culaire note verte à leurs réalisations, les designers et architectes branchés ne jurent aujourd’hui que par Patrick Blanc.

(*)  » Etre plante à l’ombre des forêts

tropicales « , par Patrick Blanc,

éditions Nathan.

Il est l’homme d’une invention, patiemment élaborée à l’ombre de ses contemporains puis peu à peu révélée au monde scientifique et au public. Patrick Blanc, 49 floraisons mais une silhouette d’adolescent fluet, est aujourd’hui plébiscité dans le monde entier pour son concept de jardin vertical.  » Cela fait vingt-cinq ans que j’ai mis au point cette technique dans mon coin, raconte le botaniste. Le jardin vertical n’est pas une mode à mes yeux, c’est une nouvelle manière d’appréhender le paysage végétal dans les villes. Dans un jardin traditionnel, vous êtes condamné à voir la végétation selon le cheminement décidé par le paysagiste. Avec les jardins verticaux, le spectateur est beaucoup plus libre et dialogue face à face avec les plantes.  »

Son amie Andrée Putman, la célèbre designer française, l’appelle  » le saint François d’Assise de la feuille  » pour célébrer une foi qui prend racine aux aurores…  » A l’adolescence, je me passionnais pour les poissons exotiques de notre médecin de famille. Puis l’aquarium est devenu réservoir… les plantes tropicales ont pris de l’altitude et m’ont doucement accaparé.  »

A 19 ans, Patrick Blanc part explorer les forêts de Thaïlande pour y étudier l’instinct de survie des sous-bois tropicaux qui  » mettent en place des stratégies de survie extraordinaire pour se développer avec parfois moins de 1 % de lumière naturelle  » ; un thème qui constituera son sujet de thèse et une récente publication chez Nathan (*). A 20 ans, il a deux passions : les sciences naturelles auxquelles il s’initie sur les bancs de la faculté de Jussieu et l’Alcazar, à Paris, le célèbre club des années 1970.  » Je travaillais comme étudiant aux grands magasins La Samaritaine pour pouvoir me payer l’entrée. Le monde de la nuit me subjuguait.  » De cette époque date la rencontre avec son ami Pascal. Par amour, son compagnon se teindra les cheveux en bleu, lui en vert… Les mèches de cheveux couleur gazon du botaniste font désormais partie intégrante du personnage.  » Ma vie privée est indissociable de mon travail. J’ai commencé mes premiers jardins sur les murs intérieurs de notre appartement, celui-là il a déménagé trois fois !  » confie-t-il en désignant un buisson de spirées, de campanules et de giroflées dressé entre les étagères de sa maison surchauffée de Créteil.

D’abord  » bricolée « , la technique du jardin vertical s’affinera rapidement. Brevetée en 1988, elle est exposée pour la première fois au festival des jardins de Chaumont-sur-Loire, en 1994. Le grand architecte français Jean Nouvel est l’un des premiers à lui commander un tableau végétal destiné à la façade de la Fondation Cartier. Puis c’est Andrée Putman qui lui donne  » carte verte  » l’an passé pour  » reboiser  » à pic le spectaculaire patio de l’hôtel Pershing Hall. Le résultat, saisissant, suscite l’admiration et propulse Patrick Blanc au rang des incontournables plasticiens de la scène parisienne. Les ramifications ne tardent pas à se propager… L’été 2002, c’est le couturier Azzedine Alaia qui lui demande de concevoir un jardin-ruisseau pour sa résidence privée, tandis qu’en février dernier, c’est le duo Marithé & François Girbaud qui l’envoie à New York pour réaliser û après Paris û un mur végétal au c£ur de leur nouvelle boutique américaine. Bref, les commandes prestigieuses foisonnent.

De 2 mètres à 20 mètres de hauteur, les réalisations varient en dimension et en genre…  » Avec une dizaine de variétés au mètre carré, les jardins verticaux peuvent prendre toutes les apparences, insiste Patrick Blanc. Je ne fais jamais deux fois le même paysage. Tout dépend de la situation, de l’exposition au soleil et mis à part les lianes qui sont trop difficiles à gérer, tout est possible.  » Révolutionnaires en apparence, les jardins verticaux existent pourtant bel et bien sur Terre depuis des milliers d’années…  » Je me suis inspiré de la nature là où les plantes colonisent les grottes, les éboulis rocheux ou les falaises. En Malaisie, sur 8 000 plantes recensées, 2 500 poussent hors sol sur des troncs ou des rochers ! Le mythe de la terre nourricière est un leurre. La terre ne nourrit pas directement les plantes. Tous les éléments minéraux sont en fait véhiculés par l’eau et absorbés avec elle par les racines. Une fine pellicule d’humus est un substrat suffisent pour la végétation herbacée.  »

Une observation minutieuse amènera Patrick Blanc à recréer en miniature l’écosystème vu et décortiqué aux quatre coins de la planète.  » Le procédé technique du jardin vertical est simple : je commence par fixer à quelques centimètres du mur un cadre métallique sur lequel je rivette une plaque de PVC expansé, je la recouvre ensuite d’une feuille de feutre en polyamide de quelques millimètres. Grâce à son fort pouvoir de capillarité et de rétention d’eau, le feutre devient un support de substitution pour le développement des plantes. Celles-ci peuvent y être installées sous forme de graines, de boutures ou de plantes adultes, peu importe. Au sommet du mur, un tuyau percé alimente régulièrement les végétaux.  » Et après ?  » C’est tout ! L’entretien est réduit au strict minimum. Grâce à la verticalité, les mauvaises herbes ne poussent pas et il ne faut pas attendre comme avec les arbres des années avant d’avoir un résultat satisfaisant. Ici, les jardins sont beaux tout de suite.  »

Patrick Blanc fait l’éloge du béton en milieu urbain :  » Un support génial pour les jardins verticaux « , clame-t-il au grand dam des écologistes. Peu importe, l’homme ne court pas après les contrats…  » Mon activité au CNRS ( NDLR : en tant que spécialiste dans la stratégie de croissance des plantes tropicales) m’occupe la moitié du temps et enrichit constamment mes interventions. Je n’ai aucune raison de privilégier l’une des deux activités et cela me permet de n’accepter que les projets qui me séduisent vraiment.  » Comme ces jardins verticaux qu’il conçoit aujourd’hui pour des clients particuliers… en Wallonie en collabo-ration avec l’agence bruxelloise Christophe Spehar.  » Cela fait longtemps que Christophe Spehar souhaitait rencontrer Patrick Blanc avec une envie très forte de travailler avec lui, souligne Vincent Gillier, l’associé de l’agence. Le caractère insolite et exceptionnel de son travail est fascinant. Nos clients qui connaissaient le Pershing Hall en rêvaient. Patrick nous a rencontrés, le courant est passé et il a accepté de collaborer avec nous sur plusieurs projets de jardins verticaux intégrés dans des jardins traditionnels, dont deux dans la région de Liège.  »

Texte et photos : Antoine Moreno

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