Ils sont naturels, sensuels et nomades… Laissez-vous tenter par ces  » fruits à boire  » qui donnent la pêche. Décryptage de la folie smoothies.

Ils sont partout. En flacon à la sandwicherie, en brique au rayon frais du supermarché et même dans certains distributeurs… Sans oublier la version  » minute  » dans les bars à jus. Dans l’acception la plus stricte du terme, un smoothie (prononcer  » smouzi « ) est un mélange de jus de fruits et de fruits mixés. Des vitamines à gogo, des fibres à la pelle – les fruits sont broyés au blender et gardent donc leur pulpe – zéro additif, zéro conservateur.

 » Le gros avantage des smoothies, c’est qu’en mixant les fruits nous fusionnons littéralement les parfums pour créer des saveurs nouvelles « , explique-t-on chez Wanna Juice, un bar parisien spécialisé. Mais c’est la texture, surtout, qui rend fou. Lisse et onctueuse ( » smooth « , en anglais), à mi-chemin entre la purée et le jus, cette potion à base de banane, mangue, Passion, fraise ou canneberge tapisse délicieusement les papilles, tandis qu’on la biberonne avec extase, en étant sûr de se faire du bien. Magique, non ?

Aux Etats-Unis, le smoothie déferle depuis dix ans. Il serait né du côté du Pacifique, pour redonner de l’énergie aux surfeurs entre deux vagues. Il représente aujourd’hui un marché colossal.

De ce côté-ci de l’Atlantique, c’est la marque britannique Innocent qui, la première, a dégainé ses petites fioles. Une entreprise à l’image  » hypercool  » : ses trois associés-fondateurs-copains vendaient leurs smoothies le week-end à l’entrée des concerts. Jusqu’au jour où ils décident d’abandonner leurs jobs dans la finance et la pub pour mixer à plein-temps.

Leur concurrent hexagonal a le même genre de profil. Après des vacances au Brésil où ils consommèrent jusqu’à plus soif des sucos mangue-Passion-acerola, Mathieu Le Bigot et Ariane Kiener, cousin et cousine, ont créé Immedia, aujourd’hui le n° 1 français du secteur.

Bien sûr, tous ces jeunes  » alterentrepreneurs  » se livrent une guerre commerciale sans merci. D’abord sur le front des vitamines.  » Je pasteurise moins qu’Innocent « , déclare Pascal Hélou, fondateur de la start-up bretonne Smoovie.  » On ne chauffe qu’à 60 °C, pendant quelques secondes « , précise Mathieu Le Bigot (sans la  » flash pasteurisation « , les smoothies tourneraient illico). L’autre champ de bataille, ce sont les fameux AJC (apports journaliers conseillés).  » Une bouteille de 250 ml équivaut au moins à 3 des 5 portions de fruits et légumes journalières conseillées « , clame-t-on chez Smoovie.  » Dans chaque smoothie Innocent, il y a la totalité des AJC « , renchérit-on en face.

L’essentiel : manger bon, simple et sain. Dans les bars à jus, on y glisse pourtant souvent quelque ingrédient  » dopant  » exotique : Wanna Juice propose un Radical boost, enrichi au ginseng, ou l’After after, au gingembre, proclamé  » potion magique des lendemains de fête « . Certains cocktails intègrent de l’açai, une petite baie surnommée  » le Viagra de l’Amazonie « . Et l’on s’étonne que ça marche ! Autre avantage : le smoothie se trimbale partout.  » Les smoothies sont vendus dans des flacons directement inspirés du biberon, analyse Jean-Pierre Corbeau, sociologue de l’alimentation à l’université de Tours. Le packaging accentue la lecture régressive du produit, mais aussi son côté magique.  » Seul ennui : à 140 kilocalories la fiole, le smoothie est tout sauf un produit minceur.

La meilleure façon de s’initier, c’est sans doute d’aller bruncher dans l’un de ces bars à jus qui commencent à fleurir dans les grandes villes. A Paris, les amateurs ont déjà leur QG : le Bob’s Juice Bar, tout près du canal Saint-Martin. Il y a quelques mois, Marc Grossman, alias Bob, New-Yorkais d’origine, a posé son blender dans un local minuscule. Il n’hésite pas à y utiliser des légumes (avocat, betterave…) ou des compléments alimentaires naturels (jus d’herbe de blé, spiruline…).  » Les combinaisons sont infinies. Il n’y a aucune règle « , déclare-t-il dans la préface du livre (1) qu’il publie ces jours-ci.

Par ailleurs, les ventes de blenders, un appareil ménager jadis marginal, ne cessent d’augmenter. Et on attend avec impatience que débarquent chez nous ces sachets de mélanges de fruits surgelés spécial jus qui font un tabac dans les supermarchés anglo-saxons. L’engouement planétaire pour les smoothies est tel qu’il perturbe déjà, paraît-il, le cours mondial des fruits !

(1)  » Smoothies « , par Marc Grossman, Marabout, 30 recettes.

Marie-Odile Briet

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