L’hymne à la nature

Tsavo, la plus grande réserve naturelle du Kenya, abrite une faune et une flore de rêve. En route pour un palpitant safari-photo africain.

Les routes de bitume défoncées qui relient Mombassa au parc national de Tsavo préparent efficacement le voyageur à la conduite sur piste. Sans oublier qu’elles mènent à la découverte des paysages parmi les plus grandioses d’Afrique et d’une faune digne des plus beaux livres d’images.

L’alignement de baobabs qui borde la route principale annonce l’entrée imminente de la plus vaste réserve naturelle du Kenya : ce territoire protégé depuis 1948 est grand comme les deux tiers de la Belgique.  » Ces arbres trapus, dont la circonférence peut atteindre 7 mètres de diamètre, ont des vertus précieuses, explique un ranger. Leurs fibres sont traditionnellement utilisées dans la fabrication de cordes et de paniers. Quant à leur feuilles, elles entrent dans la préparation indigène de solutions médicamenteuses contre les accès de fièvre. « 

Le champ de sisal non loin de Buchuma Gate est un autre totem naturel très remarqué. L’inflorescence de ces agaves originaires du Mexique, qui se distinguent par des tiges hautes de 6 mètres, est en effet repérable à plus de 100 mètres à la ronde.

A l’entrée de la Voi Gate, l’une des entrées principales de Tsavo, la silhouette de deux rhinocéros ciselés dans le métal de la grille marque un temps d’arrêt pour les 4 x 4. C’est ici que les visiteurs sont tenus d’enregistrer leur arrivée moyennant une poignée de dollars et la remise d’une carte d’identité magnétique dont les données permettent d’établir avec précision les statistiques de fréquentation. La Voi Gate est très exactement située à la jonction des deux hémisphères du parc. La partie ouest, frontalière avec la Tanzanie et proche du Kilimandjaro, est riche en collines boisées. La moitié est, elle, se caractérise par un paysage proche de la savane: une suite de plaines qui s’étendent à l’infini et permettent une meilleure observation de la faune.

Quelques kilomètres seulement séparent la Voi Gate du Voi Safari Lodge, à Tsavo est, l’un des points de vue les plus stupéfiants de la savane kényane. Sur la terrasse de cet établissement troglodyte, s’étend à 180 degrés la plaine infinie de Makingali. Un continent de terre ocre qui n’est pas sans rappeler  » l’aube  » du monde dans  » 2001, l’Odyssée de l’espace « . Une terre aride que l’on aurait tort de croire endormie. Le point d’eau en contrebas du lodge attire les animaux sur plusieurs kilomètres à la ronde. Le tourbillon de poussière provoqué par l’arrivée des troupeaux de buffles s’apparente à un mini-cyclone. Une impressionnante tornade qui se dissipe au fur et à mesure que les ruminants se rapprochent de la mare. Un spectacle observé dans un respectueux silence par les visiteurs.

Si la savane offre un somptueux décor digne de  » Out of Africa  » avec ses acacias et ses termitières géantes, elle n’est pas le paysage exclusif de Tsavo est. A l’exact opposé des teintes minérales, les jardins des différents lodges déploient une végétation exubérante. Flamboyants, bougainvillées, chorisias enserrent les bungalows dans une débauche de carmins et de fuchsias, quand les thevetias et les  » yellow bells  » offrent une étonnante palette de jaune canari. La richesse chromatique se complète parfois de bambous aux tiges striées de bandeaux verdoyants. A une heure de route du Voi Safari Lodge, en direction de Manga, vers le nord, les rochers de Mundana forment une étroite bande de 1,5 kilomètre de longueur idéalement située en surplomb. De ce promontoire naturel aux reflets cuivrés, on peut scruter en plongée les ablutions des éléphants. Une scène presque banale dans la réserve de Tsavo qui compte la moitié de tous les pachydermes du Kenya. Groupés en famille, ils surgissent fréquemment, au détour d’un virage devant le pare-brise des véhicules tout-terrain. Moteur contre barrissement, la montée d’adrénaline est garantie même si les éléphants sont en général les premiers à prendre le large.

Pour rejoindre la vallée de Yatta, il faut rebrousser chemin jusqu’à la borne 158 de Manga et emprunter la piste en direction de Hatulo Bisani. L’étendue du territoire (9 000 km2 pour Tsavo est) évite par bonheur les fortes concentrations de touristes. Il n’est pas rare de se retrouver seul au volant pendant plusieurs heures de conduite mouvementée. Les cartes détaillées de Tsavo ne renseignent pas la durée du trajet mais le relief des pistes est tel que les 50 kilomètres par heure ne sont atteints qu’exceptionnellement. Une chance pour les conducteurs qui doivent redoubler de prudence devant les fréquentes traversées sauvages d’antilopes et autres kudus. Une trentaine de races peuplent indifféremment l’est et l’ouest de Tsavo. Comme dans tous les safaris, les chances d’apercevoir son animal préféré tiennent avant tout au hasard des rencontres. Des bandeaux de tissus ou de filaments de plastique accrochés aux branches des arbres renseignent bien la présence de tel félin ou tel mammifère, entrevus par les guides, mais ils ne constituent que de faibles indices.

La rivière Galana, qui longe la vallée de Yata d’ouest en est, est à l’image de ces grands fleuves du continent noir. Vierges de civilisation, les rives abritent hippopotames et crocodiles sans oublier les rares lodges et campements enfouis sous les branches des raphias. La présence de l’eau n’est pas sans conséquence sur la flore locale qui abonde en doums. Ces palmiers à deux branches produisent des fruits comestibles davantage appréciés des éléphants que des bipèdes. La rivière Galana que l’on peut suivre jusqu’à la Sala Gate, la seule porte d’accès à l’extrême est du parc, délimite une autre frontière à l’intérieur de Tsavo est. C’est dans la portion nord de la zone orientale du parc que des équipes scientifiques mènent des études sur l’environnement.  » Mais c’est une restriction qui n’en est pas une, affirme le patron d’un campement installé depuis trente ans au Kenya. Il est possible d’obtenir une dérogation à condition de préciser son jour de retour car les patrouilles sont très rares dans cette région. En cas de panne ou d’avarie, vous risqueriez de rester isolé plusieurs jours si vous n’avez pas de radio à bord du véhicule. Mais il faut bien que l’Afrique reste une terre d’aventure « .

Texte et photos: Antoine Moreno

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