Promenade envoûtante dans le vieil Edimbourg, puis direction les Highlands et leurs terres brumeuses traversées par des lacs fabuleux. Il flotte là-bas quelque chose d’irréel, de sauvage et de tourmenté… dont on ne revient jamais vraiment.

Avant de se plonger dans les décors majestueux des Highlands, la ville d’Edimbourg constitue un passage aussi inévitable que remarquable. Capitale écossaise depuis le XVe siècle, elle a ce don précieux de séduire instantanément ses hôtes, en leur garantissant un accueil digne de sa simplicité. En quelques minutes à peine, on est subjugué par l’élégance de ses façades médiévales ou victoriennes. Les bâtiments en pierre, jamais bien loin d’une oasis de verdure, garnissent des ruelles pavées où les pas se perdent avec gaieté. La mélodie incessante des cornemuses, elle, s’échappe des boutiques ou des coins préférés des musiciens en kilt. Un tableau qu’Edimbourg semble avoir peint il y a très longtemps, sans jamais avoir cherché à dissimuler ses évidences.

Si on s’y sent bien, c’est aussi parce qu’on s’y repère facilement. L’immense château qui surplombe la ville est visible de presque partout, servant de boussole à lui seul. Bâtie sur un rocher volcanique, cette ancienne demeure royale est protégée par une forteresse qui rappelle son tumultueux passé : des conquêtes anglaises aux reconquêtes écossaises, elle fut souvent convoitée, assaillie, détruite et reconstruite. A 13 heures tapantes, chaque jour (sauf le dimanche), ses visiteurs y entendent le traditionnel coup de canon qui, jadis, rappelait aux marins d’ajuster leur montre. Aussi vaste que beau, Castel Rock abrite notamment les joyaux de la couronne écossaise, et la vue qu’il offre sur la ville suffit à comprendre pourquoi il est le site le plus visité du pays…

A sa sortie, le long Royal Mile est un peu la colonne vertébrale d’Edimbourg. Jalonné de bâtiments emblématiques, d’échoppes à souvenirs, de petits restos et de vendeurs de whiskys, il mène tout droit vers la résidence d’été de la Queen Elisabeth en personne : le très distingué Palais de Holyrood. Sa visite n’a rien d’une perte de temps : on y apprend l’histoire agitée de la monarchie britannique à travers d’immenses pièces à l’élégance… royale.

Il faut ensuite retourner vers Old Town pour ne pas quitter la ville sans s’être imprégné de ses secrets les mieux cachés. Vagabonder dans ses rues piétonnes ou ses petits musées. Flâner dans Princess Street Gardens, jardins verdoyants gardés par la statue de l’écrivain local Walter Scott. Pousser la balade jusqu’à Arthur’s Seat pour y observer le coucher du soleil. Se laisser charmer par l’ambiance des bars à la tombée de la nuit, voire accepter un tour guidé à travers les passages voûtés et les souterrains de la ville, histoire d’entendre le murmure des fameux fantômes écossais. Un peu de mystère et un charme fou : tel est le verdict après une escapade à Edimbourg, porte inattendue vers des terres encore plus surprenantes…

UN SILENCE ÉTOURDISSANT

Depuis la capitale, en voiture, plusieurs routes se dessinent pour partir à la rencontre des Highlands. Nous avons choisi celle de l’ouest, qui mène directement vers la vallée de Glen Coe, réputée pour être l’une des régions les plus sauvages d’Ecosse. Très vite, les décors se mettent à imposer leurs reliefs et leurs couleurs à couper le souffle. En moins de deux heures, on a la curieuse impression d’avoir été transporté vers une autre planète, où seules les montagnes décident du sort de ceux qui les approchent. Encerclée de sommets – dont les trois plus hauts forment les Three Sisters of Glen Coe -, la vallée exige des escales au bord de ses lacs, suggère de très nombreux sentiers de promenade (rendez-vous à Kinlochleven, repaire des plus ardents randonneurs) et accepte à peine quelques villages pour extraire brièvement les visiteurs de son silence… Et si l’atmosphère, par temps de brume, devient carrément frissonnante, c’est parce que Glen Coe a une pensée soudaine pour les quarante membres du clan McDonald qui, en 1692, furent massacrés par l’armée anglaise pour avoir trop tardé à prêter allégeance au roi Guillaume III…

Cette ambiance fantomatique peut surgir à n’importe quel moment dans les Highlands. Si le ciel, contrairement à ce que l’on croit, est capable de longues et bienfaisantes éclaircies, il prend aussi un malin plaisir à changer souvent d’humeur. C’est encore le cas lorsque nous longeons le Loch Linnhe pour passer par Fort William, ville surveillée par le Ben Nevis et ses 1 344 mètres qui font de lui le point culminant de l’archipel britannique. La route serpente à travers des paysages faits de tourbières, de sapins et de bruyères. Au détour d’un col, peut apparaître aussi bien un lac qu’un troupeau de moutons, une cascade ou une biche égarée. Là-bas, un pont de pierre chevauchant une rivière sans fin. Ici, quelques maisons aux toits rouges disséminées au creux d’un vallon. Tantôt sombre, tantôt étincelant, le décor ne se départ jamais de sa prestance fascinante. On comprend aisément pourquoi les créateurs de Braveheart, de Skyfall ou même de Harry Potter ont décidé d’y installer leurs plateaux, même si les cieux ont forcément rendu les tournages imprévisibles.

En remontant encore vers le nord, puis en prenant la route de l’ouest allant vers Skye, le silence des massifs et la beauté des vallées deviennent toujours plus étourdissants. Les routes étroites mènent tout droit vers l’une des plus belles bâtisses des Highlands : le bien nommé Eilean Dolan Castle. Situé sur un îlot et entouré par les eaux de trois lacs différents, ce château fort renferme dans ses pierres plusieurs siècles d’histoire. Quelques clans célèbres l’ont habité, avant que les touristes n’en fassent l’un de leurs lieux de visite favoris. Le détour vaut son pesant d’images magnifiques, ne fût-ce que par le cadre romanesque qui enveloppe le lieu. Ce sont ici les héros du film d’animation Rebelle et les immortels du mémorable Highlander (tiens donc…) qui ont laissé leurs empreintes. S’il ne figure pas sur la longue liste des  » châteaux hantés  » d’Ecosse, il y a de quoi s’y méprendre lorsque des nuages noirs décident de s’approcher lentement de ses murs…

ESPRITS DES LACS

Le gigantesque Loch Carron reste à portée d’yeux durant de longs kilomètres lorsqu’on aborde la route vers la péninsule d’Applecross (  » le sanctuaire  » en français). C’est à nouveau une route à une seule voie qu’il faut emprunter, où l’on se range dans les  » passing places  » lorsqu’on croise d’autres véhicules. Un chemin sinueux, qui traverse des landes et des pâturages à peine dérangés par le vent. De cols en lacets, on s’engouffre littéralement dans un paysage qui, au loin, trace des reflets bleu et gris sur les lagons. Direction Shieldaig, une petite bourgade de pêcheurs où le temps s’est arrêté depuis belle lurette. Puis place à Torridon, autre hameau qui sommeille autour d’un lac surveillé par quelques chevaux blancs et les fameuses vaches brunes typiques des Highlands. Excursion au Loch Maree, ensuite, pour y admirer les forêts de pins qui composent à la fois ses contours et ses minuscules îles flottantes. Un lieu paisible, près duquel se trouve un discret recoin baptisé Victoria Falls, endroit idéal pour observer l’immensité d’un lac qui est devenu le spot préféré des pêcheurs de truites depuis que la reine… Victoria tomba amoureuse de l’endroit. Prudence, toutefois : même si on prête des vertus curatives à ses eaux, un monstre baptisé  » muc-sheilch  » nagerait dans ses profondeurs…

Bien sûr, quand on parle de monstre, le dénommé Nessie n’est jamais bien loin. L’ultime destination coule ainsi de source : le légendaire Loch Ness. Avant d’aller en scruter les remous, un passage s’impose par Inverness, magnifique cité où l’on trouve aussi bien des églises jacobites que des distilleries, des rues bordées de charmantes boutiques et un château qui aurait été habité par un certain Macbeth. La ville est située à l’extrémité nord du lac le plus mystérieux d’Ecosse qui, depuis plus d’un siècle, obsède les mordus d’énigmes et d’histoires à dormir debout. Un nombre incalculable de témoignages prétendent avoir croisé la créature qui règnerait dans la deuxième plus longue demeure aquatique d’Ecosse (après le Loch Lomond, au sud des Highlands). Impossible, dès lors, de ne pas avoir l’esprit légèrement embrumé lorsque le lac apparaît. Difficile, évidemment, de quitter des yeux cette somptueuse étendue de bleu disputée par les nuages, les montagnes et les ruines troublantes du château d’Urquhart. Ce qu’on y a vu ? Un décor à l’image de l’Ecosse, à la fois empreint d’étrangeté et de beauté, où tout peut survenir et où l’on ne peut que ressentir une monstrueuse envie de revenir…

PAR NICOLAS BALMET / PHOTOS: SAÂDÏA STERKENDRIES

Tantôt sombre, tantôt étincelant, le décor ne se départ jamais de sa prestance fascinante.

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