Armés de leur reflex numérique, ils traquent la mode sur son terrain d’expression le plus brut : la rue. Zoom sur les fashion bloggeurs, capteurs de style au quotidien.

T ime Magazine lui a ouvert les portes du cercle fermé des 100 acteurs les plus influents de la planète mode. Lors de la dernière édition du festival de la mode et de la photographie à Hyères, une exposition lui était consacrée. Les prestigieuses éditions Phaidon auraient pour projet de lui consacrer un ouvrage. A 40 ans, le photographe new-yorkais Scott Schuman, alias The Sartorialist, fait figure de parangon des fashion bloggeurs. Son job ? Dénicher, dans la rue, les looks, les attitudes, les identités vestimentaires les plus classe et trendy, en phase avec l’air du temps. Puis les poster sur Internet. En trois ans d’existence, thesartorialist.blogspot.com est devenu le lieu des rendez-vous incontournable des modeux de tout poil et de tout calibre. De la fashionista lambda en quête de silhouettes inspirantes à Carine Roitfefd, rédactrice en chef de Vogue France, qui avoue a-d-o-r-er les clichés de Scott Schuman, environ dix-sept mille personnes par jour se pressent pour découvrir la dernière prise de ce cool hunter à l’£il aiguisé. En termes de chic, on trouve à voir et à manger dans cette galerie de portraits. Milanaise racée, Yankee barrée, Parisienne intello bohème, Golden boy taillé pour la City… : le blog de cet ancien responsable des achats chez Bergdorf et Goodman tient à la fois d’un catalogue esthétique du style contemporain, d’une radioscopie sociétale de la sape et d’une performance quasi artistique par son aspect compil’ et systématique.

La photo de mode de rue n’est certes pas neuve. Au début du xxe siècle, il y a d’abord les Frères Seebergers qui  » parcouraient les lieux à la mode à la recherche des élégantes qu’ils photographiaient sans plus d’artifices que ceux de leur apparence et du décor naturel où elles se trouvaient « , nous rappelle l’historien de la mode Olivier Saillard dans le catalogue des 39es Rencontres de la photographie d’Arles. Des clichés in situ qui au final aboutissent dans les pages de Vogue, Femina et L’Officiel. C’était avant le triomphe du prêt-à-porter et des shootings encadrés, carrés, consacrés. Dès les années 1930, Martin Munkácsi, puis à sa suite, Richard Avedon et Patrick Demarchelier tâteront du bitume. Mais il faut attendre les années 1990 pour que les magazines edgy tels que The Face ou i-D se mettent à publier des snapshots urbains hyperréalistes de teen-agers fringués dans leur époque. Parallèlement, on voit naître au Japon des magas tels que Cutie et Fruits passant au laser les codes vestimentaires de la ville.  » Ces documents renouent avec le sentiment portable d’une mode qui, à trop vouloir se mettre en scène, s’était coupée de son public, relève Olivier Saillard. Ils précèdent de peu l’énorme vague Internet et les images qui vont envahir en quantité chaque écran d’utilisateur (…) « . La photo de mode de rue n’est certes pas neuve, donc. Mais comme dans de nombreux cas, Internet amplifie le phénomène. En le catapultant dans la réactivité, l’instantanéité, le présent. Une qualité imbattable quand il s’agit de traiter de la mode, par définition… démodable.

Rien d’étonnant à ce qu’aujourd’hui les bloggeurs se fassent inviter à certains défilés et soient de plus en plus sollicités par des magazines de mode consacrés tels que GQ, Vogue ou Elle séduits par la fraîcheur et l’authenticité du street style. Scott Schuman a ainsi dégoté une page mensuelle dans GQ et couvre même les défilés avec un pass  » pro  » pour Style.com, le portail en ligne de Vogue. En France, Garance Doré (www.garancedore.fr), une des bloggeuses photographes parisiennes les plus réputées, a elle aussi été contactée par des titres tels que Elle ou le supplément style du Nouvel Observateur pour réaliser des shootings. Victoire de la rue sur le glossy ?  » Non, dit Scott Schuman. Les deux genres cohabitent : c’est ça qui est intéressant.  »  » Pas vraiment, renchérit Garance Doré. Internet n’a rien inventé. Tout est histoire de mode. Aujourd’hui, les gens ont besoin de retourner vers quelque chose de réel. On assiste à un retour des années 1990, du grunge, du minimalisme.  » Géraldine Dormoy, autre bloggeuse photographe parisienne officiant sur Café Mode (www.cafemode.fr) ainsi que sur weekend.be pense pour sa part que  » La première vertu de cette approche de la photo de mode est d’apporter de la variété à un monde beaucoup trop régi par les marques les plus puissantes. Quand une photo de look circule sur le Net, ce n’est pas forcément les marques annonceurs que l’on voit, c’est une identité.  » Un être humain. Réel et tangible. Vous et moi. On appelle ça la projection. Infaillible pour garder son spectateur éveillé.

Les hotspots du street style

A Londres : http://facehunter.blogspot.com

A New York : http://altamiranyc.blogspot.com

A Berlin : http://stilinberlin.blogspot.com

A Helsinki : www.hel-looks.com

A Tel-Aviv : www.streetwalker.blogspot.com

A Stockholm : http://stockholmstreetstyle.com

Baudouin Galler

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