les créations de maria grachvogel tombent sur le corps comme de l’eau. l’étoile montante de la mode londonienne joue magnifiquement de la souplesse des matières et de la fluidité des coupes asymétriques.

Elle adore se poster dans sa boutique londonienne de Sloane Street, silhouette tellement filiforme qu’elle pourrait disparaître derrière un mannequin, pour entendre s’extasier les belles. Ici règne le glamour, façon Rita Hayworth dans  » Gilda  » (1946). Robe du soir d’un rouge éclatant, au col plongeant asymétrique ; robe de cocktail en mousseline de soie noire, parée de rubans de satin ; chemisier en satin blanc, manches enveloppantes et col noué sur le côté ; top en soie scintillante blanche. L’été 2003 se décline en noir, blanc, rouge et bleu ciel, en volants gonflés à bloc et en dos nus. Maria Grachvogel a choisi d’habiller les femmes sensuelles ou celles qui ont suffisamment confiance en elles pour prétendre à la féminité absolue. Lorsqu’elle a fait défiler la pop star Victoria Beckham dans une robe hispanisante, au décollé vertigineux, ce fut l’émeute. Lorsqu’elle lui a substitué l’actrice Jodie Kidd, drapée dans une toile d’araignée géante pailletée de somptueux diamants, l’hystérie a redoublé. Le styliste britannique Hussein Chalayan en piqua un coup de sang, mais, en deux défilés, la réputation de Maria Grachvogel, 33 ans, profil naturel et rire cristallin, était faite.  » Je n’ai jamais pensé que l’effet médiatique serait aussi colossal « , lâche-t-elle avec un sourire faussement contrit.

Elle débite son histoire avec un naturel confondant. Même une bonne s£ur conviendrait qu’il est question, ici, de vocation. Maria a dessiné ses premières robes à 8 ans, s’est mise à les vendre à 12, a conçu sa première collection à 14 et frappé à la porte de la London Fashion Week à 16, une petite valise remplie de ses créations sous le bras. C’est là qu’une âme charitable lui a expliqué qu’il lui faudrait aussi apprendre quelques rudiments de gestion. Voilà donc Maria en quête d’un emploi dans la City, la place financière de Londres.  » Tout cela est vraiment bizarre, vous ne trouvez pas ? » Son nom même est un profond mystère. Hérité d’un grand-père qui a quitté sa Pologne natale et migré à travers l’Europe jusqu’en Angleterre, il a muté au fil de son exil. D’où ce patronyme à la consonance mi-allemande, mi-néerlandaise.

L’esprit de Paris

C’est avec ses émoluments de la City que Maria Grachvogel réalise, en 1994, sa première véritable collection, composée de neuf robes.  » Mon affaire est le fruit de longues années de travail. Ici, à Londres, il y a beaucoup d’opportunités quand on est un jeune styliste. Même sans business, même sans argent, on peut défiler, mais on peut aussi disparaître entre deux saisons…  » Maria Grachvogel, mariée à un banquier d’affaires, privilégie une croissance lente, par autofinancement. Si bien que les investisseurs privés et les capital-risqueurs commencent à lui faire les yeux doux.  » Depuis peu, je prête attention à leurs offres car l’expansion va nécessiter des capitaux. J’adorerais avoir ma propre boutique à Paris !  » Maria a présenté sa collection de l’été 2003 au Carrousel du Louvre et promet son retour dans la Ville lumière pour l’été 2004. Pour trouver sa collection de prêt-à-porter, il faut pousser la porte de Bellulo, dans le XVIe arrondissement.  » L’esprit de Paris, assure- t-elle, colle parfaitement à mes créations.  »

La première muse de Maria Grachvogel fut sa tante, éprise de tenues glamour et maniant l’aiguille avec dextérité.  » Ma famille, maternelle surtout, comptait de nombreux talents artistiques ou créatifs, mais ma mère ne s’est jamais intéressée à la mode. J’arrive de temps en temps à lui faire porter une de mes créations, mais elle conserve ses distances vis-à-vis de mon univers.  » Maria, en revanche, est sa première cliente. Elle mixe ses propres créations avec des tenues vintage qu’elle  » chine  » chez Victoria ou chez Steinberg and Tolkein, ses deux meilleures adres-ses londoniennes, et avoue aussi un faible pour la Belge Veronique Branquinho, découverte à New York, il y a quelques années déjà.  » J’ai mon propre style, je suis plutôt difficile…  »

Accéder au  » Couture Boudoir  »

Des créations de Maria Grachvogel, l’actrice Emma Thompson dit qu’elles  » tombent sur le corps comme de l’eau.  » Jolie formule évoquant à la fois la souplesse des matières et la fluidité des coupes asymétriques. Sa première ligne de lingerie, douze pièces présentées comme un condensé de féminité, s’est volatilisée durant les semaines qui ont précédé la Saint-Valentin.  » Il faut que je me remette à l’ouvrage « , en conclut-elle. Sa collection nuptiale, associant des éléments de la collection de prêt-à-porter (autres coloris, autres longueurs), contribue aussi à son image particulière.

Maria Grachvogel peut compter sur des clientes fidèles, mais toutes n’ont pas la chance d’emprunter le petit escalier en colimaçon qui mène, en sous-sol de sa boutique de Sloane Street, au  » Couture Boudoir « . Tentures et fauteuils de velours s’égrenant du rose au lilas, ambiance intime. La collection de l’hiver – une centaine de pièces comme chaque saison – attend son tour sur de lourdes tringles. Maria l’a présentée, lors d’un mini-défilé coïncidant avec la London Fashion Week, dans sa propre boutique. Sans effervescence ni tohu-bohu médiatique. C’est elle, et non un quelconque designer, qui a imaginé l’atmosphère du boudoir et les pièces de mobilier qui lui donnent ce charme particulier. C’est l’endroit des stars en quête d’intimité – Angelina Jolie, Emma Thompson, Kim Cattrall, Yasmin Le Bon, Mariah Carey -, des commandes spéciales et du sur mesure. Un sur mesure qui, pour les pièces les plus sophistiquées, voit flamber les prix au-delà de 40 000 euros…

Carnet d’adresses en page 89.

Chantal Samson

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