Jean-François Castel, 33 ans, prélève des fragments de banalité pour en révéler la texture et la beauté insoupçonnées. Au final : une série de haïkus visuels, heureusement inutiles.

Il a d’abord essayé de  » faire de belles images  » avec de l’humain, du sens, du social, il a même joué à singer le grand portraitiste allemand August Sander. Péché de jeunesse. Par orgueil bien placé, ce photographe autodidacte a évacué ces relents de déjà-vu pour se focaliser précisément sur ce qui ne fait pas histoire, ce qui ne démontre rien, ou si peu. Des instants pas très décisifs, a priori insignifiants, cachés dans les plis du temps qui file. Il dit :  » Je suis fasciné par ce qui est vu comme ennuyeux, par le délaissé et l’accessoire. »

Dominées par l’absence, blindées de silence, les photographies de Jean-François Castel sont pleines de vide à combler, tranchant avec l’imagerie agoraphobe ambiante. A défaut d’être littéralement passionnantes, aux antipodes du tout narratif, ses images magnifient l’infiniment banal, lui offrent un peu d’attention, le sauvent de l’indifférence dans laquelle il baigne. Grâce à un sens de la composition subtilement décalé et une jolie picturalité tantôt géométrique, tantôt matiériste, un  » bête mur  » reprend des galons, deux feuillets abandonnés sur un trottoir se prennent pour des carrés blancs sur fond noir, le dossier d’une chaise se métamorphose en passage pour piétons.

Lui parle de ses photos en termes d' » images vagues « , de  » courts poèmes visuels  » qu’il compose comme on prend des notes. A la volée. Insaisissables, résistant à toute signification globale, les photographies de Jean-François Castel fonctionnent en effet comme des haïkus visuels : on en saisit des bribes de sens, c’est esthétique, joliment inutile. Ce qui peut faire sourire, rêver, ou les deux à la fois.

Récemment, Jean-François Castel a entamé une série basée sur un gimmick où il réintroduit l’humain dans son champ de vision. Dans chaque photographie, apparaît  » Cyril « , personnage fictif, archétype de l’éternel anonyme ( voir photo page 49). Sapé en costard cravate, ce  » Monsieur Banal « , – comme on dirait  » Madame la Mort  » – reste planté comme un piquet dans des décors de prairies en usines désaffectées, de forêts en gares. S’en dégage un grain d’absurdité à la fois drôle et angoissant. Qui façonne un peu plus l’univers discrètement étrange de ce photographe des à-côtés.

Par Baudouin Galler

 » Je suis fasciné par ce qui est vu comme ennuyeux, par le délaissé et l’accessoire. « 

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content