Sous la griffe Les Précieuses, Pili Collado crée des parures sublimes comme d’autres respirent. Dans l’enthousiasme, elle a même imaginé un collier exclusif et en kit pour Weekend. Précisions élégantes par une créatrice rayonnante.

Elle s’est prêtée de bonne grâce au jeu du making of, histoire de partager ses secrets de fabrication. Car pour réaliser un collier Les Précieuses, il y a un mode d’emploi – on ne glisse pas n’importe comment le fil dans n’importe quelle perle, tout est pensé. Un bijou potentiel en kit et exclusif donc, sorti tout droit de l’imagination de Pili Collado, l’idée la tentait.  » Je l’ai créé d’un jet, raconte-t-elle. J’ai pensé que cela devait nécessiter le moins d’outils possible pour le réaliser : on a juste besoin d’une paire de ciseaux, d’une colle Super Glu et d’une pince à écraser. A partir de là, ce n’est pas compliqué, enfin, je l’espère. « 

Et puisqu’elle voulait  » plein de matières différentes pour que ce soit joyeux à faire « , Pili a rassemblé des boutons anciens, des résines, des céramiques, de la corne venue du Brésil, une chaîne en laiton, qui a l’air d’avoir vécu,  » surtout pas clinquante « . En trois couleurs, rouge fraise, bronze et marine, dans ses nuances à elle, teintes expressément pour Les Précieuses. Ce collier-ci n’a pas de nom, elle n’y a pas pensé. Pourtant elle aime ça, nommer ses créations qui, cette saison, répondent au nom de Stendhal, de Richelieu, au prénom de Colette, au terme générique de Lapin, Paon ou Robot 1. Avant, c’était Ladurée, par pure gourmandise. Parce qu’elle déteste les codes, les numéros et leur préfère des références littéraires, des univers féminins. Pili dit qu’elle est  » excitée comme un coucou « , c’est son expression fétiche quand la vie lui fait des cadeaux. Et elle ajoute :  » Vous allez passer un bon moment ! Et les plus habiles peuvent, si elles le désirent, modifier la composition.  » Chiche.

Une envie d’abstrait

Quinze fois. Pili Collado tourne quinze fois autour de sa table de travail quand elle entre en phase de création. Elle ne tient pas en place, fait tout toute seule, et presque sans reprendre sa respiration, fonce tête baissée pour n’écouter que son envie du moment – des animaux, cet hiver.  » C’est venu un peu par hasard, en chipotant, je voulais faire quelque chose de graphique – deux ronds et un truc en dessousà Je me suis dit :  » On dirait des yeux, puis une tête de lapinà  »  » Elle tenait son idée : une composition abstraite en passe de devenir du figuratif, presque malgré elle. Tout ça parce qu’elle avait racheté un vieux stock de 30320 boutons, des ronds, des carrés, assez simples, en résine datant des années 1970, qui ne ressemblent surtout pas à des boutons,  » avec des effets matières très, très beau « .

Elle a exploré d’autres techniques, s’est offert une flopée de petites machines, des foreuses, des scies, des ponceuses, des fraiseuses, des engins miniatures et sophistiqués.  » Je voulais construire, comme du Meccano, aligner des éléments et puis faire tenir tout le bazar. Ce n’est plus du tout de l’enfilage de perles ! Je colle, je soude, j’accroche, et ça, c’est super gai « , avoue cette Miss Bricola qui s’ignorait. Pas tant que ça, finalement : Pili, fillette, aimait déjà les travaux manuels, fabriquait des broches pour sa s£ur et quand elles jouaient à la Barbie, construisait la maison, le décor, le mobilier et après n’avait plus  » du tout  » envie de jouer. Elle précise en un raccourci évident :  » Je n’ai pas étudié l’architecture par hasard ! « 

Un besoin d’air

Dans la vitrine des Précieuses, son collier Paon se pavane. Et son Robot 1 semble faire de l’£il aux passantes.  » C’est coup de foudre, rit Pili Collado. Quand je l’ai vu dans la boutique, c’est comme si ce n’était pas moi qui l’avais fait !  » On est loin de la petite fleur délicate qu’en 1991 elle avait magnifiée en la fixant sur une simple épingle à chapeau. Elle s’ennuyait alors dans son magasin, où elle vendait sa collection pour Femme K de Kan. Entre ce bijou-là et le collier Robot 1, il y a eu un léger changement de cap, la création de sa griffe d’accessoires Les Précieuses, des chapelets de colliers de princesse, deux shops Les Précieuses, rue Dansaert et place Brugmann à Bruxelles et puis aujourd’hui, la voilà rayonnante, comme si elle avait  » ouvert le bocal, qui était un peu trop petit et trop cloisonné, depuis trop longtemps « . Et Pili confesse :  » Je me sens bien dans ma vie, dans mon travail. Je suis arrivée où j’ai toujours rêvé d’être. Comme quand, enfant, on pense :  » J’aimerais vivre comme ça plus tard « . Je suis dans ce  » plus tard  » ! « 

Ce ne fut pas vraiment un déclic, mais un ensemble de petits événements qui lui ont permis de prendre cet autre envol. Une équipe pour l’aider, deux assistantes qui sont  » des bijoux « , le sentiment d’être enfin libre, de ne plus s’imposer de limites et une ouverture sur le marché international. C’était il y a un an, sa collection s’appelait Eames, son inspiration était plutôt  » moderniste  » et l’accueil à l’étranger au-delà de ses espérances :  » Les plus grands magasins ont commandé sans savoir qui j’étais, Bendel et Bloomingdale’s à New York, Joyce à Hong Kong. L’export, cela donne des ailes ! « 

Le goût du beau

Là, à l’instant, Pili Collado se verrait bien créer une mini-collection de petit mobilier, des plateaux, comme celui qu’elle a trouvé au marché aux puces,  » à mourir de beau « . Fabriquer simplement des objets,  » en changeant juste des petits éléments « . Mais elle sait qu’il est urgent de penser à l’été. Il lui reste trois courtes semaines pour créer sa prochaine collection – on lui demande à quoi elle ressemblera. Elle rit :  » Si je le savais !  » On y verra certainement des animaux, encore. Et des fleurs, mais  » géométriques « . Elle précise qu’elle a envie de s’amuser, que les colliers, elle en a déjà créés beaucoup, qu’elle a donc besoin de challenge. Et puis surtout qu’elle doit avoir envie de porter ses créations. Tiens, ça, c’est nouveau. Avant, elle ne s’affichait jamais avec ses bijoux, rien. Et puis voilà que Pili Collado porte Les Précieuses. Depuis qu’elle est là où elle avait rêvé d’être. Dans un havre de grâce.

Carnet d’adresses p. 112.

Anne-Françoise Moyson

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