… Rien ne se crée, tout se transforme. L’aphorisme de Lavoisier se traduit aujourd’hui dans un concept qui a bien raison d’être à la mode : l’upcycling.

Upcycling, upcyclage ou éco-design, autant de termes qui renvoient à l’art de la récup’ avec un grand ou un petit A. Une idée exprimée pour la première fois par l’ingénieur Reiner Pilz en 1994, dans un article où il qualifie le recyclage de  » downcycling  » car il transforme les produits en matières de moindre valeur. A l’inverse, l’upcycling tend justement à donner une portée créative à la récup’ et à concevoir des objets à la fois dotés de personnalité et d’une véritable plus-value. Recycler, O.K., mais avec du style et de l’ambition. Une précision fondamentale que la paresse nous a empêchés d’apprécier judicieusement puisque vingt ans plus tard, on se contente encore de trier un minimum de déchets sans trop s’interroger sur leur finalité.

Or, c’est justement le moment d’écouter Monsieur Pilz. D’un point de vue environnemental, la surconsommation envoie tous les curseurs dans le rouge. Nos sociétés désincarnées sont à la recherche d’un supplément d’âme absent d’une constante avalanche de produits ultrastandardisés. En conséquence, le vintage cartonne, tout comme la seconde main. La crise est là, alors on cherche une sorte de réconfort ou une alternative low-cost dans des objets qui ont le charme d’avoir vécu. Ce pouvoir d’évocation et cette authenticité, on les retrouve dans les détournements upcycling, moyen facile et accessible de mêler durabilité et créativité. Scories industrielles, rebuts domestiques, débris de construction, emballages ou canettes, restes de planches de skate ou de voiles de bateau, tout est bon.

LE LUXE DE NE PAS JETER

Les produits upcyclés s’insinuent dans notre quotidien et dans les vitrines des magasins. Certains réseaux, comme Wiithaa ou TerraCycle, prônent une économie circulaire qui s’incarne dans leurs articles éco-chic. Hasard du marketing, même des poids lourds, pas franchement réputés pour leur penchants écolos, prennent le train en marche, tel Coca-Cola qui transforme ses bouteilles PET en vêtements ou mobilier. Même matière et presque même usage pour Marcel Wanders qui a choisi le plastique vert Perrier pour souffler sa Sparkling Chair. Sans surprise, le principe titille aussi l’imagination des créateurs (on pense entre autres à Martin Margiela, pionnier du secteur) et de designers, en particulier celle des frères Campana, rois incontestés de la discipline. Avec leur mélange de kitsch tropical et de métissage brésilien guidé par le sens de la débrouille hérité des favelas, leur upcycling bigarré s’expose chez Vuitton comme au MoMA, et dans les showrooms Edra.

L’upcycling se pratique désormais dans l’univers du luxe, dont il profite du haut degré d’exigence qui lui offre de précieux rebuts. Modèle du genre, le laboratoire créatif petit h d’Hermès, où Pascale Mussard, directrice artistique, crée des Objets Poétiques Non Identifiés avec des chutes de soies ou de cuir, de la porcelaine, des pièces de métal ou du cristal issus des ateliers du sellier français. Plus près de chez nous, à l’occasion de Second Hand Second Life, le 8 novembre prochain, Les Petits Riens ouvrent leurs portes à une sélection de talentueux créateurs qui pillent soigneusement magasins et centres de tri en vue d’une expo de design et d’un défilé (lire Le Vif Weekend du 18 octobre dernier).

Et ci-après, deux Liégeois, un Bruxellois et un événement à la frontière française qui donnent une seconde vie à tout ce qu’on pensait bon à jeter, de façon modeste ou délirante mais toujours bourrée d’inventivité.

PAR MATHIEU NGUYEN

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