Cette année, pourquoi ne pas fuir les bains de foule et les usines à ski au profit d’un  » slow tourisme  » en mode rural ? Cela se passe dans la petite station d’Albiez… entre autres.

A dire vrai, on ne savait pas qu’il existait encore en France une station comme Albiez-Montrond. C’est un soulagement de l’apprendre. Situé en Savoie, dans la vallée des Arves, à 16 km de Saint-Jean-de- Maurienne, l’endroit semble oublié des foules, délaissé de l’agitation du monde moderne. Seul fait d’armes : l’Opinel qui y est né en 1890. Ce village se découvre comme un coin de campagne posé en altitude, qui plaira à tous les  » regretteurs d’hier  » d’Alain Souchon,  » ceux qui trouvent que tout ce qu’on gagne, on le perd « .

En venant de Saint-Jean, la station offre une première surprise de taille. Alors que la route qui y mène est serrée, voire un peu anxiogène, et que le paysage est coincé entre les étaux des cimes, soudain, tout s’aère. C’est que la commune repose sur un plateau ouvert, entourée de sommets tutélaires en forme d’arrière-plan poétique. Cette situation pour le moins inattendue offre une respiration visuelle unique. Au contraire de Chamonix, par exemple, la montagne n’a ici rien de menaçant. Au loin, les Aiguilles d’Arves incarnent à merveille ce relief escarpé mais bienveillant, particulièrement le point culminant septentrional, dit de la  » Tête de chat « , que les enfants adorent caresser des yeux. Une géographie douce renforcée par l’aspect étalé d’Albiez, une dizaine de hameaux, dont les deux principaux sont Le Plan et le Mollard, qui s’étagent entre 750 et 1 650 m d’altitude.

Nouvel étonnement : un coq traverse la route en compagnie de ses poules. Il résume l’esprit des lieux. Nulle nécessité d’arborer un label  » station écologique « , le caractère rural d’Albiez fait partie de son ADN, il saute aux yeux. Les tas de fumier posés à côté des chalets, les maisons bardées de bois souple tressé – de l’aulne vert appelé ici  » arcoce  » -, les fours à pain ainsi que les réserves de bûches bien rangées à côté des greniers, disent la même chose. Au dernier comptage de 2012 (en France, les recensements réels des communes de moins de 10 000 habitants ont lieu tous les cinq ans), Albiez faisait valoir 382 âmes, dont de nombreux agriculteurs qui maintiennent une vie montagnarde à l’année. L’exact opposé des villages qui mettent la clé sous le paillasson à la fin de la saison et laissent derrière eux une ville fantôme. Ces agriculteurs participent activement au développement du domaine skiable puisqu’en hiver, ce sont eux qui prêtent à la glisse les pâturages où broutent habituellement leurs Tarines et Abondance.

TERROIR À PORTÉE DE MAIN

Albiez est une destination familiale. Les enfants sont ici les rois, la multitude de petites joues roses croisées sur les pistes en témoignent. Envie de fiesta ? Mieux vaut passer son chemin. Rarement, on aura ressenti une telle sorte de  » paix des sommets « . Après le repas, calqué sur les rythmes biologiques, le sommeil arrive naturellement, en pente douce, sans qu’aucun bruit ne vienne le troubler. Il faut dire qu’en toute logique, l’hébergement ne mise pas sur le tourisme de masse. Les 4 500 lits disponibles consistent majoritairement en des meublés privilégiant les tribus. Ne cherchez pas d’hôtel 5-étoiles, il n’y en a pas. Une boîte de nuit ? Non plus.

En phase avec cet esprit rural, l’endroit n’est pas squatté par la grande distribution. S’approvisionner en nourriture s’effectue à travers une approche respectueuse axée sur le petit commerce et les produits locaux. Les exemples sont nombreux. Ouvert à l’année, la boutique du Plan, l’Epicerie Sambuis-Dufreney, tout droit sortie des années 50, en est sans doute le meilleur exemple. On y glane des légumes venus de la ferme familiale et des oeufs en provenance directe de la grand-mère du patron. Idem pour le lait frais qu’on va chercher avec plaisir à la fromagerie, ou encore les  » diots « , excellentes saucisses régionales préparées par le boucher du Mollard. Même les restaurants des pistes jouent la carte du produit du cru. Pourtant simple snack, La Faim de Loup propose des assiettes de poulet fermier – du Cou-nu, une race avec jabot et tête rouge – que le tenancier élève lui-même du côté de La Cochette. Ces délicieuses volailles s’accompagnent d’une bière mauriennaise en provenance de la Brasserie du Galibier. Le dessert ? Une sublime faisselle signée par un autre petit producteur du coin. Pour ceux qui préfèrent une assiette plus aboutie, une adresse s’impose : Lo Sonails. A l’entrée, une pancarte précise  » Ici, le chef épluche ses légumes et travaille les produits frais du territoire de la Maurienne « . Au programme, des recettes anciennes préparées en famille façon tourtons – des beignets frits dans l’huile – de pommes de terre et reblochon, escargots de Fontcouverte, tarte aux myrtilles… Le tout servi avec une générosité toute montagnarde.

BOUGER, BOUGER

Station paisible, oui, mais loin d’être amorphe. Malgré un domaine balisé plutôt petit – 70 hectares regroupant 23 pistes alpines et 18 remontées mécaniques qui culminent à 2 200 m d’altitude -, les possibilités de bol d’air sportif sont nombreuses. L’une des plus agréables : le ski de randonnée, auquel on s’adonne du côté de Montrond, l’un des quatre secteurs où l’on peut s’initier à cette discipline. Il se pratique avec des  » peaux de phoque « , en réalité des feutres adhésifs, permettant de gravir des reliefs et de les redescendre en se passant des infrastructures de remontées mécaniques. Bien sûr, les zones traversées ne sont pas damées. L’activité procure une incroyable sensation de liberté et de communion avec la nature. Elle permet de renouer avec des émotions premières, celles des débuts du ski.

Pour les amateurs de frissons plus radicaux, au départ d’Albiez, le bureau des guides Arvan Evasion organise du hors-piste en haute montage, des randonnées glaciaires, du freeride, de l’héli-ski et même de la cascade de glace. Pas aussi téméraire ? On opte alors pour les randonnées thématiques, notamment en raquettes : balade au soleil couchant suivie d’une fondue savoyarde en chalet d’alpage, observation des chamois, promenade contée aux lampions… Sans oublier les sorties en motoneige, en traîneau à chiens, en yooner – une luge sportive -, avec ânes ou mules, au snowpark ou sur les pistes de luge. Dans un genre plus didactique, on signalera le très touchant écomusée Le Temps d’Antan, l’initiative heureuse d’une villageoise, Irma Grange, qui a transformé l’ancienne ferme familiale en un lieu d’explication de la vie d’autrefois à la montagne à travers le travail des femmes. Une visite en forme de devoir de mémoire. Notons enfin qu’Albiez dispose d’une très belle salle cinéma, surprenante pour un petit village comme celui-là, qui décline une programmation intelligente. Idéal pour tous ceux qui n’aiment pas se coucher trop tôt…

PAR MICHEL VERLINDEN

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content