Un baba au rhum antigrippe?
Retrouvez Frédéric Brébant chaque lundi matin, vers 9 h 45, dans l’émission » Bonjour quand même « , de Jean-Pierre Hautier, sur la Première (RTBF radio).
L’été dernier, à Vaison-la-Romaine, la gastronomie avait un petit air d’orgie respectable. L’office du tourisme local avait eu la bonne idée de prévoir, au menu de ses activités estivales, l’organisation de dîners gallo-romains en bonne et due forme. En clair : d’authentiques recettes de 2 000 ans d’âge, garanties 100% bio, sans colorants ni conservateurs. Entre les » Globi de fromage doré » et les » Oiseaux aux olives Columbaribus « , les aventuriers du goût disparu s’offraient en prime un petit voyage dans le temps. Si l’initiative peut sembler folklorique, elle n’en demeure pas moins révélatrice de l’évolution de nos comportements culinaires. Car au-delà de l’anecdote spatio-temporelle, c’est l’ensemble de nos réflexes de consommation qui passe lentement à la moulinette. Après des années d’ingurgitation aveugle et quelques scandales économico-alimentaires, la tendance gastronomique est, en effet, au terroir retrouvé, à la traçabilité vérifiée et, surtout, à la prise en considération du capital santé. Le sympathique petit dîner gallo-romain en est un exemple amusant. La vague bio est, quant à elle, le reflet beaucoup plus parlant de ce récent phénomène de mode. Mais parallèlement à ce désir d’authenticité affiché se développe un autre concept de nourriture fonctionnelle qui risque bien de bouleverser à nouveau nos habitudes consuméristes : les » alicaments « , contraction élégante des mots aliments et médicaments. Le fait n’est pas nouveau (les Japonais développent ce genre de produits depuis les années 1980), mais il semble s’installer de plus en plus dans les mentalités européennes. Concrètement, il s’agit de concevoir des denrées qui disposent d’un » plus » santé comme, par exemple, des yaourts laxatifs, des chewing-gums antigrippe ou encore des barres chocolatées dont la composition vitaminée est censée augmenter la concentration. L’idée étant, en définitive, de pallier certains manques de notre alimentation quotidienne sans tomber pour autant dans le travers d’une médication abusive. Une espèce d’équilibre gastronomico-médical, en quelque sorte. Sur les rayons de nos supermarchés, la tendance est annoncée. Entre les boissons énergisantes, les chocolats nutritionnels et les margarines qui déclarent la guerre au cholestérol, le consommateur attentif est déjà préparé au changement. Mais ce n’est qu’un début. Car, dans les années à venir, les géants de l’industrie agroalimentaire annoncent une explosion de ce marché porteur à coups d’alicaments prometteurs. Leur espoir avoué : dépasser la réputation de » gadget » pour recouvrir, à l’avenir, une dimension beaucoup plus honorable. Donc fiable. Donc rentable. Dans leurs laboratoires, des projets de repas-vaccins sont à l’étude. Préparez vos papilles : la révolution alicamentaire est en marche.
Frédéric Brébant
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