Le mobilier pour enfant datant du xxe siècle ? Un réel succès. Et pas seulement sur les marchés aux puces.

Chassez le passé, il revient au galop ! Sur la planète déco, le vintage séduit toujours son lot de nostalgiques et d’amateurs de design, version adulte certes, mais aussi enfant ! Pour preuve, les événements se multiplient autour du mobilier extrasmall. À Londres, au V&A Museum of Childhood, une expo consacrée entièrement à l’histoire des chaises pour les petits, à travers les décennies, s’achève ce 5 septembre. Et à Bruxelles, la galerie Pierre Bergé & associés organise pour la première fois, en novembre prochain, une vente aux enchères de meubles XXS, datant du xixe siècle à nos jours. L’automne dernier, une Bruxelloise spécialiste du domaine, Carole Daprey, a également publié un bouquin intitulé Mobilier design pour enfants (éditions L’As de Pique) reprenant une cinquantaine de pièces emblématiques des années 20 à 70. Cette auteure-éditrice a aussi créé un blog : Vintage for Kids.  » Avec celui-ci, je me suis rendu compte que j’étais loin d’être seule à m’intéresser au sujet. Je pense qu’il y a un réel engouement, qui est renforcé par le battage médiatique autour de ce thème « , observe-t-elle.

Chiner sans bouger

La tendance n’est toutefois pas nouvelle. Depuis longtemps, des amoureux de  » vieilleries  » arpentent brocantes et antiquaires – ou fouillent tout simplement le grenier de leurs aïeux – pour dénicher des perles afin de décorer la chambre du petit dernier. Mais, progressivement, ces canaux de distribution traditionnels se voient doubler – ça c’est plutôt nouveau – par des boutiques et e-stores, accessibles au plus grand nombre, et surtout à ceux qui ne prennent pas le temps de chiner. Pour Véronique Cota, gérante de l’enseigne parisienne Balouga, pionnière dans le mobilier pour enfant, le marché a réellement évolué.  » Il y a cinq ans, quand nous avons lancé notre boutique et proposé, à côté de créations contemporaines, des meubles vintage, c’était révolutionnaire. Pour la première fois, nous faisions sortir ces objets anciens des puces. Aujourd’hui, certaines de nos pièces sont même en dépôt au Bon Marché, à Paris. Un grand magasin n’aurait jamais accepté de vendre de tels articles par le passé. « 

Pendant de cette évolution : désormais les parents entendent souvent trouver des meubles certes datésà mais entièrement restaurés, faute de temps pour bricoler eux-mêmes, mais aussi parce qu’ils recherchent quelque chose de  » clean  » pour leurs petits protégés. Des magasins comme Balouga ou, chez nous, Lilli Mandarine, à Uccle et Waterloo, proposent donc de tels meubles  » ready-made « . De nombreuses boutiques en ligne surfent aussi sur la vague. Ainsi, en France, Muriel Maire a lancé, il y a trois ans, Bianca & Family ( www.bianca-and-family.com). Aujourd’hui, son stock de meubles chinés occupe 300 m2. En Grande-Bretagne, Molly-Meg (www.molly-meg.co.uk), créé il y a un an, connaît aussi un vif succès.  » La chambre d’enfant est devenue un endroit où les parents déclinent leur mode de vie personnel, analyse Molly-Meg Price, directrice de l’e-commerce. Ils veulent donc des meubles originaux, voire iconiques, et de la qualité. Ce que le vintage leur apporte.  » Ces modèles présentent en effet souvent des lignes intemporelles qui constituent, dans les esprits, des valeurs sûres, véritable refuge auquel il est bon de se raccrocher en temps de crise.

Tendres années

Le phénomène a également essaimé en Belgique. Julie Simonet, une jeune graphiste bruxelloise, a conçu, en novembre dernier, le site En Vintage Simone (www.envintagesimone.com).  » J’ai constaté qu’il y avait une réelle demande pour ce mobilier qui offre un supplément d’âme aux lieux, explique Julie. Mais j’ai aussi constaté que les mamans voulaient des choses impeccables et sécurisantes.  » La webmaster vend donc sur la Toile des pièces restaurées, revisitées ou parfois  » laissées dans leur jus « .  » Je pense qu’il ne faut pas forcément opter pour un total look, mais que quelques touches anciennes peuvent apporter de la personnalité à un intérieur, conseille-t-elle. Cela peut passer par une simple chaise, un petit bureau de comptable – très en vogue actuellement, il détrône les pupitres classiques – ou même une affiche scolaire comme celles qui étaient placardées, il y a quelques dizaines d’années, dans les classes des adultes d’aujourd’hui…  » L’une des raisons du succès du vintage pour les kids étant bien sûr la nostalgie que ressentent les (grands-)parents en replongeant dans le décor de leur propre enfance.  » Ces objets s’inscrivent dans une histoire, complète l’auteure Carole Daprey. Ils rappellent des souvenirs ou recréent un univers dans lequel on n’a pas vraiment vécu mais qu’on aurait aimé connaître. « 

Intergénérationnel

Un autre atout de ces objets d’antan taille  » mini « , c’est leur coût.  » Ce sont des pièces rares, mais à prix plus accessibles que les modèles pour adultes, justifie Carole Daprey. Et puis, une seule petite chaise suffit pour connoter un aménagement, pas besoin d’en acquérir six, comme dans la salle à manger. À mon sens, il est d’ailleurs plus intéressant de mixer des pièces disparates, de mélanger les époques, pour aboutir à un ensemble créatif. « 

Pour apporter cette touche venue du passé, certains parents, soucieux de la qualité plus que de l’authenticité, optent également pour des rééditions de meubles de grands designers du xxe siècle. Ainsi, dans le catalogue Knoll figurent, parmi d’autres, une minichaise Diamond d’Harry Bertoia ou encore une petite chauffeuse Barcelone de Mies van der Rohe. Et Vitra édite la Panton Junior, une réplique de la célèbre assise adulteà  » Chez nous, ces rééditions ont plus de succès que les vrais articles anciens, insiste Sylvie Depré de la boutique Lilli Mandarine, car il y a un côté propre et neuf qui séduit les parents. « 

Reste à se demander si tous ces objets anciens, qu’ils soient rénovés ou réédités, apportent réellement quelque chose aux principaux concernés ?  » Je ne suis pas sûre que les enfants les mettent en perspective, mais ils peuvent être touchés par un aspect de transmission « , affirme Carole Daprey qui trouve toutefois que ce mobilier est tout aussi beau disséminé dans toute la maison, et même dans les pièces  » des grands « , car  » la confrontation d’échelle est enrichissante « à Molly-Meg, elle, estime que  » les chaises vintage plaisent énormément aux plus jeunes car elles sont à leur taille et il en existe une grande variété de couleurs et de formes. Ils ont donc un réel plaisir à les choisir « . Chacun y trouverait dès lors son compteà C’est peut-être là la principale raison du succès du vintage version kids.

Carnet d’adresses en page 40.

Par Fanny Bouvry

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