Finlande: Destination Turku, la perle finnoise

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La capitale historique de la Finlande, désignée capitale européenne de la culture 2011. Cette ville, bordée par l’un des plus beaux archipels du monde et animée d’une créativité ébouriffante, recèle un superbe patrimoine. Découverte.

Cela pourrait être une bonne question au Trivial Pursuit :  » Dans quel pays se trouve Turku ? » Réponse plus que probable :  » La Turquie !  » À l’heure de la mondialisation, cette cité bouillonnante et attachante, pourtant élue capitale européenne de la culture 2011, est toujours voilée de la plus parfaite indifférence. Rares sont ceux, au-delà de la zone nordique, à pouvoir la pointer sur une carte.

Pourtant, Turku (dites  » Tourkou « ), située au sud-ouest de la Finlande, à quelque 150 kilomètres d’Helsinki, mérite que l’on y dépose son trolley quelques jours, pour une escale ou même comme destination à part entière. Le New York Times n’a pas hésité à la qualifier récemment de  » l’un des secrets les mieux gardés d’Europe du Nord  » pour inviter ses lecteurs à la découvrir en se laissant surprendre par la singularité des lieux mêlant nature, histoire et modernité, miraculeusement préservés du tourisme de masse.

VILLE PATCHWORK

Jusqu’en 1812, Turku était la capitale de la Finlande, alors sous la domination du royaume de Suède. Le terrible incendie qui ravagea la ville en 1827, et qui sert de fil rouge au programme de Turku 2011, a imprimé un nouveau canevas à cette cité médiévale qui a dû peu à peu reprendre forme. Tout comme elle a dû se réinventer après le déplacement de la capitale du grand-duché de Finlande à Helsinki par la Russie, soucieuse de prendre ses distances avec son ennemie, la Suède. À l’exception d’un ensemble de maisons en bois, qui résista au feu et est devenu un musée en plein air, aucune rue ou presque ne se ressemble. Et c’est justement son côté  » rapiécé « , où le vert et le bleu ont la part belle, qui charme !

La rue qui longe l’hôtel Hamburger Börs, l’un des plus vieux de la ville, aligne ses bars et librairies aux allures de décor de carton-pâte de westerns hollywoodiens et débouche sur la façade translucide de la bibliothèque municipale voisine d’un édifice baroque. Il s’agit de la réalisation contemporaine la plus spectaculaire de Turku. Dedans, des pièces de design signées Eero Aarnio, Poul Henningsen ou Arne Jacobsen flottent dans un univers éminemment inspirant teinté de couleurs pâles. Le bureau d’architectes finlandais JKMM, auteur du projet, compte parmi la jeune garde du design finlandais actuel. Son pavillon  » île  » aux murs d’écailles, imaginé pour l’Exposition universelle de Shanghai, s’est vu récompenser dernièrement du prix de la meilleure réalisation design du site. Depuis sa rénovation en 2007, la bibliothèque de Turku ne désemplit pas. Elle est devenue l’endroit où toutes les générations se réunissent.

À quelques pas de là, une ancienne banque du début du siècle dernier aux airs de palais florentin a été conservée presque telle quelle. Elle accueille aujourd’hui un pub où la jeunesse locale aime passer la soirée, confortablement installée sur les banquettes d’époque. On compte trois autres établissements pareillement recyclés à la ronde : une école, une pharmacie et même des toilettes publiques !  » Après une vague de constructions hasardeuses dans les années 60 et 70, la ville est de plus en plus soucieuse de garder une trace de son histoire, note Anu Salminen, l’une des guides attitrées qui, à côté de son travail d’éducatrice, fait découvrir Turku à ses trop rares visiteurs étrangers. Elle tâche de préserver au moins les façades.  » Des merveilles d’Art nouveau et d’Art déco presque insoupçonnables dans l’enfilade de ses rues tracées au cordeau par Carl Ludwig Engel, l’architecte à qui l’on doit de nombreux bâtiments d’Helsinki.

AU FIL DE L’EAU

Pour goûter au charme de cette ville bourgeoise devenue bohème, il faut se rapprocher de l’Aura, le fleuve qui la traverse et berce la vie de ses habitants. Par beau temps, les pelouses des berges sont envahies par les étudiants, les employés en pause déjeuner et les familles. Les vieilles décapotables pétaradantes qui empruntent les ponts renforcent cette impression étrange de dolce vita à la scandinave. Le soir, les bateaux-restaurants à quai sont pris d’assaut. Les grues qui se profilent un peu plus loin rappellent que le port, ouvrant la porte vers un archipel de quelque 20 000 îles, joue aussi un rôle important pour le pays tout entier. L’automne dernier, le plus grand paquebot du monde est sorti de ses chantiers jetant un beau coup de projecteur sur Turku, mais à présent le tableau est plus sombre. Aucune grosse commande n’est à l’ordre du jour. La crise affecte durement l’industrie locale, qui repose en grande partie sur la construction navale. Turku compte d’autant plus sur son titre de capitale culturelle de l’Europe pour relancer son économie.  » Cela a été difficile de persuader les gens d’investir dans cet événement, confie Saara Malila, responsable de la communication de Turku 2011. Mais nous y croyons et nous attendons beaucoup des effets à long terme pour la ville. C’est d’ailleurs notre seule chance de nous en sortir. « 

CULTURE DE TALENTS

Turku mise aussi sur les jeunes sortant de ses écoles très renommées. La ville a gardé de sa gloire passée une excellente tradition d’enseignement. Elle abrite notamment la dernière université de langue suédoise de Finlande en héritage de sa période suédoise et en vertu de l’obligation du bilinguisme national. La cité abrite par ailleurs de nombreux studios de designers et d’artistes, souvent dans la fleur de l’âge.  » Les jeunes d’ici veulent vraiment aboutir à quelque chose et savent qu’ils ne doivent pas attendre pour cela « , explique Helinä Lehtonen, productrice de Klo design, une compagnie de design textile qui commence à bien se vendre à l’étranger. À 25 ans, cette frêle jeune femme a la carrure d’un chef d’entreprise. Elle s’est fixé pour mission de faire connaître 10 jeunes marques de design réunies sous le label  » Turku design now !  » en anticipant la mise en avant imminente de Turku.  » Par rapport à d’autres villes comme Helsinki, nous avons un grand potentiel de compagnies et de designers, mais nous manquons d’audience et de visibilité « , pointe-t-elle. Grâce au soutien de la municipalité, une poignée de designers a pu investir un site à l’abandon près du port. Ce  » design district  » est en train de devenir l’un des nouveaux centres culturels de Turku avec, en plus des ateliers-ventes, des espaces d’expositions et de spectacles.

Mais, portée par son titre de capitale européenne de la culture, Turku voit les choses en beaucoup plus grand. Avec l’aide de partenaires privés, elle est occupée à réhabiliter un ancien dépôt de trains dont les volumes permettraient d’installer véritablement la culture dans la ville. Le site du Logomo sera le cadre des principales programmations de Turku 2011. Pour l’instant, par manque de fonds, la ville loue la place pour un an. Si les retombées financières le permettent, l’occupation permanente de ce site serait une façon d’attirer des artistes locaux et étrangers, et de rassembler les talents d’une ville qui n’en manque pas. Alors que les ouvriers s’activent sur le chantier de ce lieu prometteur, en bord de Baltique, l’horizon est encore plein d’incertitude.

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