On a testé le concept Slowby, une escapade surprise à vélo en Belgique

La rive gauche de l’Escaut et sa nature luxuriante. © PHILIPPE BERKENBAUM
Philippe Berkenbaum
Philippe Berkenbaum Journaliste

Envie d’une escapade à vélo sans vous casser la tête pour l’organiser? Faites comme nous et testez Slowby, nouveau venu sur la scène du slow travel belge, qui promet une vraie aventure pleine de surprises, à deux pas de chez vous. Mode d’emploi sur le terrain, au fil de l’eau entre Vilvorde et Anvers.

Manon Brulard et Dries Van Ransbeeck n’en sont pas à leur coup d’essai. Revenu en plein Covid d’une épopée à vélo jusque… Tokyo, ce jeune couple adepte du slow travel a lancé Welcome to my Garden il y a deux ans. Cette plateforme met en relation des «voyageurs lents» avec des citoyens prêts à leur prêter un bout de jardin pour planter (gratuitement) leur tente le temps d’une nuit. Sanitaires et produits locaux en prime. Succès à la clé: plus de 3 500 adresses ont déjà rejoint le réseau qui compte 25 000 inscrits et s’étend progressivement chez nos voisins.

De là à organiser lui-même les itinéraires de ceux qui n’ont pas le temps ou l’inspiration, il n’y avait qu’un coup de pédale, franchi depuis avril par le duo. Son nouveau bébé Slowby vous aménage une escapade sur mesure de 2 à 10 jours à vélo (et bientôt à pied, avis aux randonneurs). L’idée originale, histoire de pimenter le concept? L’itinéraire est tenu secret jusqu’à la dernière minute. Il suffit d’encoder vos desiderata et le tour est joué. Trois jours avant le départ, vous recevez par e-mail le parcours de la première journée, qui vous conduit chez l’hôte dont le jardin vous sera ouvert pour la nuit. Le soir, nouveau courriel avec l’itinéraire du lendemain. Sympa, non? Démonstration.

En pratique

Pour 35 euros par adulte et par jour (15 euros par enfant de plus de 2 ans), on reçoit un itinéraire surprise au jour le jour agrémenté de points d’intérêt sélectionnés rien que pour nous, une nuitée confirmée dans le jardin d’un hôte expérimenté et le support de slow travellers confirmés. Vélo, équipement, billets de train et entrées dans les musées ne sont pas inclus. slowby.travel

Les campeurs le savent: la tente, lourde et volumineuse, est le matériel le plus contraignant en bivouac et en expédition. Convaincus que la tente idéale restait à inventer, des alpinistes français ont créé Samaya pour développer une gamme de produits sans compromis entre confort, légèreté, performance et encombrement. Montés en un clin d’œil, leurs modèles résistent à toutes les conditions météo. samaya-equipment.com/fr/

— Jour J-7

Et si on s’offrait une petite escapade à vélo?, s’est-on dit un matin en sentant revenir les beaux jours… Puis la question fatidique: oui, mais où? Eh bien justement, faisons confiance à Slowby. On se connecte sur le site, direction le lien «votre trip secret» et c’est parti pour remplir un court questionnaire qui nous demande combien nous serons, en couple, en famille ou entre amis, si on emmène de jeunes enfants ou bébés, notre date de départ et le nombre de jours qu’on souhaite consacrer à l’aventure. Nous choisissons l’option «2 jours et 1 nuit à deux» pour cette première expérience. On précise si on préfère tout faire à vélo ou une partie en train, on indique la gare la plus proche… et on rentre dans le vif du sujet.

Le décor de notre «jardin à coucher».
Le décor de notre «jardin à coucher». © PHILIPPE BERKENBAUM

Les thèmes qui nous intéressent le plus? Nature, Endroits cachés, L’eau, Art & Culture, Photographie, Manger & Boire, Bio & Produit localement. On peut bien sûr ajouter des détails en commentaire et même préciser la ou les régions qui ne nous intéressent pas, histoire de ne pas se retrouver là où on est déjà passé dix fois. Le genre de trip que l’on veut faire? «Un bon équilibre entre le vélo et les points d’intérêt». Combien de km par jour? «40». Ce que nous recherchons? «Visiter une des régions les moins touristiques possibles, découvrir des endroits inconnus, être sur cette petite route calme à la campagne pour déconnecter…» Et enfin, dans quel état mental veut-on rentrer à la maison? Devinez…

— Jour J-3

«Vous avez un message»… Tadaaaaaam, le mail fatidique est arrivé! Roadbook du premier jour et première surprise, alors qu’on s’attendait à la Wallonie: «Vous allez rouler le long des canaux et rivières en profitant d’un passage dans la superbe ville de Malines.» Au menu, 40 km à parcourir entre la gare d’Eppegem, juste après Vilvorde sur la ligne Nivelles-Anvers qui passe par Waterloo pour nous prendre au passage, et une liste de spots à visiter (ou pas) en cours de route. Y compris les endroits pittoresques où s’arrêter pour boire une pintje ou grignoter des bitterballen. Et l’adresse d’un resto sympa pour dîner le soir près de chez nos hôtes d’une nuit, dont on découvre aussi le nom et les coordonnées: Hendrick et Marie-Thérèse, ambassadeurs Welcome to my Garden. «Merci de les prévenir par SMS 2 heures avant votre arrivée.»

Le message contient notre itinéraire détaillé au format GPX, qu’il suffit de transférer (mode d’emploi fourni pour les néophytes) sur un navigateur GPS. Slowby recommande OsmAnd, qui est open source et permet le téléchargement d’une carte de Belgique sur laquelle le parcours viendra se superposer pour une navigation fluide, points d’intérêts compris. Reste à prévoir le matériel – Slowby publie une checklist en ligne. Le plus important: deux vélos en ordre de marche, une tente et deux sacs de couchage. Nos hôtes offriront les sanitaires et les prises de courant.

— Jour J

10h00. C’est le grand jour, les batteries sont chargées, les sacoches pleines à craquer, le K-Way bien rangé, on démarre en douceur vers la gare, direction Eppegem, point de départ de notre balade surprise. On roule en Flandre, la petite reine est roi, il y a des pistes cyclables partout (contrairement à Waterloo!). Beaucoup empruntent des chemins de traverse à travers champs et prairies, bois et rivières, l’eau sera le fil rouge de ces deux jours. Immersion dans une nature luxuriante dès nos premiers coups de pédale et, première découverte dans ce Brabant flamand méconnu, aux portes de Bruxelles: le somptueux château Het Steen où résida Rubens sur la commune de Zemst.

12h30. Nous voici déjà sur les berges du canal de Louvain, dans la vallée de la Dyle. Il fait beau, nos e-bikes se jouent du vent de face, la campagne est paisible et les pêcheurs profitent de l’Ascension pour taquiner la truite, la loche ou le brochet. Des nuées de cigognes ne les quittent pas de l’œil, un couple a construit son nid sur la croix de Jésus du cimetière voisin de Muizen – peut-être attiré par le nom de l’entité. De quoi nous ouvrir l’appétit et ça tombe bien, on arrive sur la Dyle dont le tracé regorge de bistrots de caractère aux terrasses ensoleillées. L’occasion d’exercer notre néerlandais pour commander quelques spécialités locales, dont les fameuses boulettes de viandes frites (bitterballen) arrosées d’une Duvel, la blonde du cru.

14h30. On entre dans Malines où l’on arpente tranquillement le joli centre historique avant de rejoindre, sur le judicieux conseil de Manon et Dries, l’un des musées que nous avons choisi de visiter: celui de la caserne Dossin, dédié à l’Holocauste pour avoir rassemblé 26 000 Juifs avant leur déportation vers les camps de la mort, entre 1942 et 1944. Un mémorial et une étape incontournables pour mieux comprendre le rôle joué par la Belgique dans cette sombre page de son histoire. Notre périple ne traverse pas seulement des prairies et des bocages, aussi le temps et la mémoire. Mais il est déjà 17 heures et selon notre roadmap, il nous reste encore 20 km à parcourir jusqu’à notre jardin d’accueil. Pas d’arrêt à la brasserie Het Anker, pourtant recommandée.

Au fil de l’eau, entre châteaux, bois et réserves naturelles.
Au fil de l’eau, entre châteaux, bois et réserves naturelles. © PHILIPPE BERKENBAUM

19h00. Le temps d’une courte halte pour réserver une table au restaurant Nona, chaudement conseillé sur les berges du canal de Willebroek, nous voici arrivés chez nos hôtes d’une nuit. Ils ne parlent pas le français mais qu’importe, comme le disent ces grands voyageurs qui ont sillonné l’Europe à vélo, «on se comprend toujours avec le sourire et les mains». La maison est modeste, le jardin magnifique et le potager grandiose. Hendrick nous invite à planter la tente «où vous voulez, tout l’espace est à vous».

Nous choisissons l’ombre d’un massif près de l’enclos des poules. Mais d’abord l’apéro de bienvenue, le tour du propriétaire et la clé de la maison, «si vous voulez prendre une douche ou aller aux toilettes quand nous serons couchés». La confiance est totale, l’hospitalité généreuse. Nous recevrons des fraises et du jus de fruit maison avec le café du matin, servi dans la serre «pour ne pas avoir froid». Après un plantureux dîner dans l’ambiance festive d’un village enjoué, la nuit sera paisible dans notre tente igloo.

— Jour J+1

7h00. On se réveille avec le soleil et le chant des oiseaux, les petits pains de la boulangerie voisine sont encore chauds et Hendrick déjà affairé à déterrer les asperges qu’il nous présente fièrement. On traîne juste ce qu’il faut avant de reprendre la route, le temps de télécharger l’itinéraire surprise du jour qui nous est arrivé hier soir par un nouvel e-mail. Après la campagne malinoise, la rive gauche de l’Escaut en direction d’Anvers, d’où nous reprendrons un train avec nos vélos.

10h00. Une autre belle journée se prépare, on a rechargé les accus et on s’apprête à découvrir une immense réserve naturelle de marécages préservés où nous nous arrêterons souvent pour observer les oiseaux et écouter le chant des grenouilles qui coassent à gorge déployée façon Steve Waring. On approche des faubourgs d’Anvers et la nature est omniprésente, qui s’en doutait? Pour y parvenir, il nous a fallu traverser l’Escaut à Ruppelmonde, en empruntant un petit bateau jaune et noir qu’il faut appeler en poussant sur un bouton.

En remontant la Dyle, on arrive à Malines.
En remontant la Dyle, on arrive à Malines. © PHILIPPE BERKENBAUM

14h00. Nous n’avons pas résisté à l’appel de la croquette aux crevettes dans une brasserie croisée au bord du fleuve, dont la terrasse nous tendait les bras. L’arrivée à Anvers est folklorique: pour emprunter l’incroyable tunnel Sainte-Anne creusé sous l’Escaut dans l’entre-deux-guerres, il nous faut affronter à vélo deux doubles volées d’escalator en bois. Nos hésitations font sourire les locaux, familiers de la manœuvre. On débouche sur la rive droite au cœur de la ville, qu’on arpente en quête de culture: une halte au MuKHA, le Musée d’Art contemporain qui rend hommage à l’Ukraine, une autre au FOMU, le musée de la photo qui propose une formidable rétrospective de la Néerlandaise Bertien van Manen, connue pour ses clichés intimistes pris sur le vif aux quatre coins du monde. Une autre adepte du slow travel, avant l’heure. Elle nous donne le signal du retour. Un dernier verre en terrasse pour savourer le repos mérité, après une petite centaine de kilomètres parcourus en deux jours, et l’on rejoint la légendaire Centraal Station pour attraper le direct de 18h35 et rentrer à la maison. Des souvenirs plein les mollets.

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