Sur les traces du clan Kennedy

© Cecil Stoughton, White House

Il y a 50 ans jours pour jour disparaissait John Fitzgerald Kennedy, assassiné à Dallas (Texas). L’occasion d’un hommage en forme de pélerinage sur les côtes de la Nouvelle-Angleterre, terres de ce clan devenu mythique.

Newport, Rhode Island. Des voiliers blancs embarquent pour deux heures de virée au soleil couchant. On trinque au champagne pendant que défilent, sur cette côte ultrachic de la Nouvelle-Angleterre, des villas délirantes déguisées en Trianon ou en Buckingham Palace.

Première escale au pays de Kennedy que cette cité idyllique, où John et Jackie se marièrent. Car ils furent tous deux, bien avant Washington et le malheur de Dallas, deux enfants de la côte: Jackie passait tous ses étés à Rhode Island; John, les siens sur les rivages tout proches du cap Cod. Aujourd’hui comme hier, ces 200 kilomètres de sable et de baies presque sauvages restent le nec plus ultra du repaire chic.

A Newport, le sentier côtier file jusqu’à Hammersmith Farm, la légendaire demeure familiale de Jackie. Le manoir à colombages est perché sur une colline, incognito, entre murets de pierres sèches et pelouses aujourd’hui désertes. Les voix des mille et quelques invités de la noce se sont tues. Et, comme ce fameux jour de septembre 1953, descendons la route vers l’église St. Mary. Le bâtiment rouge néogothique où le couple américain le plus médiatique du XXe siècle s’est dit « yes, I do » a, depuis, été classé monument historique et se visite à l’heure des messes.

A quelques kilomètres de l’enfance de Jackie, le port de Hyannis abrite le Kennedy Compound, rebaptisé « Summer White House » durant les deux brèves années présidentielles. Aucune barrière en vue, mais un vigile discret barre le chemin vers les maisons à bardeaux blancs décorées d’hortensias et les pelouses qui glissent vers l’Atlantique, qu’occupent toujours Maria Shriver et d’autres membres du clan.

Vous pourrez à loisir observer ce fief dans le petit musée de Hyannis, sur les photos où John pose à tous les instants de sa vie. Il y a un peu de la Bretagne, comme un Dinard de comptine anglaise dans les polos trop blancs, le hâle soulignant les dentitions étincelantes, l’allure sportive des neuf rejetons de Joe Kennedy et Rose Fitzgerald.

Un petit film tourne en boucle, à la gloire de l’icône, qu’on observe, hypnotisé, jouant au tennis pieds nus ou appareillant son voilier, avec une nonchalance hollywoodienne. En 1961, JFK fit classer les plages blondes du cap Cod situées à l’est de Hyannis en parc national côtier, préservant ainsi ces rivages sauvages de tout développement immobilier.

« Kennedy reste très populaire. Beaucoup de gens, surtout les plus de 70 ans, ont chez eux un portrait de lui accroché au mur. Pour tous les descendants d’immigrants irlandais, sa famille est un symbole de réussite », résume un habitant de Martha’s Vineyard.

Contrairement à Clinton et à Obama, Kennedy n’y passait pas ses vacances, mais une légende locale raconte qu’il y accosta un jour de tempête ou de régate, alors âgé d’une vingtaine d’années. Encadré dans le hall de l’hôtel Hob Knob, à Edgartown, un article de la Vineyard Gazette décrit l’arrivée de ce garçon voûté, maigre et solitaire. Les rues du bourg n’ont guère changé depuis. Aucune maison moderne ne vient gâcher l’alignement de maisons blanches, jadis construites par les pêcheurs de baleine. Et toujours aucun Starbucks ni Gap -le gouvernement local barre la route à toute consommation de masse.

Ce matin, les jardins se réveillent dans les mains de jardiniers qui taillent les massifs et remplacent le gazon avant le retour des propriétaires, l’été prochain. Entre les façades décorées de dahlias surgissent des tableaux de pontons de bois et de petits bateaux sur l’eau bleue. Bienvenue hors du monde, dans une perfection suisse, qui semble écarter toute possibilité de pauvreté, de guerre ou d’ouragan, et promettre un tourbillon incessant de régates et de joyeuses tea parties.

Après le concours de pêche au gros qui se tient ce matin, et récompense le gagnant d’un élégant hors-bord, la meilleure option de cette journée ensoleillée consiste à arpenter l’ouest de l’île vers Aquinnah, répertoire de landes et de plages désertes, où quelque 300 habitants nichent à l’abri des regards.

Jackie Kennedy, devenue Onassis, avait acheté ici un vaste domaine, au large duquel l’avion que pilotait son fils John John s’écrasa en 1999. En mai dernier, sa soeur Caroline, la seule des quatre enfants encore vivante, choquait l’establishment local en mettant en vente les deux tiers de la propriété pour 45 millions de dollars. La saga continue. En route vers Boston, remontons le temps.

Le pèlerinage commence au n° 83 de Beals Street, la rue bucolique du quartier de Brookline où naquit JFK. Après l’assassinat de son fils, à Dallas, Rose Kennedy l’a rachetée pour y reconstituer le musée de l’enfance du grand homme -n’y manquent ni sa timbale en argent ni l’exemplaire de son livre chéri, Les Chevaliers de la Table ronde. Partout dans la ville, la « kennedymania » est omniprésente.

« Les Kennedy, ce sont nos rois et reines à nous. L’Amérique compte beaucoup de gens très riches, mais aucun n’a leur classe », résume un chauffeur de taxi improbable, arborant multiples piercings et fumant toutes vitres ouvertes. Sur Beacon Hill, le Kennedy Tour, mené tambour battant par David O’Donnell, jeune historien cultivé et prolixe, reprend le fil de l’Histoire en 1946.

John, héros de guerre, revient alors au pays pour faire campagne. Il y a l’ancien Bellevue Hotel, où son grand-père maternel l’accueille pour lui chauffer son ancien fauteuil de sénateur. Il y a la bisque de homard de l’Union Oyster House, que JFK venait déguster dans un coin discret à l’étage -aujourd’hui dûment commémoré d’une plaque de cuivre.

Passez devant Faneuil Hall- où fut enregistré le dernier discours avant l’élection présidentielle -et le siège du gouvernement du Massachusetts, où le plus jeune président des Etats-Unis semble vouloir s’élancer de sa statue de bronze. Puis terminez en beauté sous les ors patinés de l’hôtel Omni Parker House. C’est ici, dans le restaurant du rez-de-chaussée, à la table 40, que le célibataire le plus glamour et le plus coureur d’Amérique demanda sa main à Jackie. Peut-être l’histoire aurait-elle dû, comme dans les contes de fées, s’arrêter là..

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